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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Tarbouriech, Ernest (Hippolyte)
Article mis en ligne le 2 octobre 2012
dernière modification le 16 décembre 2012

par Desmars, Bernard

Né le 18 avril 1865 et décédé le 8 janvier 1911, à Paris (Seine). Avocat, professeur au Collège libre des sciences sociales et à l’université libre de Bruxelles. Député du Jura. Membre de l’Ecole Sociétaire Expérimentale.

Ernest Tarbouriech est le fils d’Ernest Léopold Tarbouriech, professeur au réputé collège Sainte-Barbe, et de Adélaïde Angélique Ledier. Il fait ses études dans ce même collège, puis à la faculté de droit, où il va jusqu’au doctorat. Il s’inscrit au barreau et exerce comme avocat à la cour d’appel. Parallèlement, il enseigne au Collège libre des sciences sociales dès la création de cet établissement, en 1895 ; il y fait un cours de législation ainsi qu’un cours sur l’histoire du droit moderne. Il donne également des cours à l’université libre de Bruxelles [1].

Avec sa thèse, soutenue en 1889 et portant sur les assurances contre les accidents du travail, il devient un spécialiste des assurances en général et des risques industriels en particulier ; il participe, la même année, comme secrétaire, à la première session du Congrès international des accidents du travail ; et en 1895, il est chargé, au sein du cabinet d’André Lebon, ministre du Commerce et de l’industrie, d’étudier les débats législatifs sur l’indemnisation des accidents du travail, cela dans le cadre des projets et discussions qui aboutiront à la loi de 1898 sur les accidents du travail. Il publie plusieurs articles et ouvrages sur cette question, travaux qui permettent d’observer son évolution d’une position strictement libérale (en 1889) vers la prise en compte spécifique des conditions industrielles, même en dérogeant aux principes de la responsabilité inscrits dans le Code civil [2].

Un intellectuel dreyfusard

Au moment de l’affaire Dreyfus, il s’engage très activement en faveur du capitaine, s’efforçant dès 1897 de recueillir des signatures en faveur de la révision du procès [3]. Il adhère très rapidement à la Ligue des droits de l’homme, fondée en 1898, et fait partie de son Comité central. Il participe également au mouvement des universités populaires ; il prononce ainsi plusieurs conférences au Foyer du peuple, l’université populaire créée et animée par le fouriériste Louis Guébin [4]. Il est par ailleurs militant libre-penseur et membre de la Ligue française du droit des femmes, association féministe dont il est l’un des vice-présidents [5].

A la même époque, il adhère au socialisme : membre du groupe des étudiants collectivistes (bien qu’il ne soit plus étudiant) en 1900, il représente la même année un groupe du parti ouvrier du Pas-de-Calais au congrès socialiste de Paris.

C’est en 1901 qu’il participe, semble-t-il de façon éphémère, aux activités du mouvement fouriériste. Il figure sur une « liste des membres de l’École Sociétaire Expérimentale » comprenant une cinquantaine de noms [6]. Surtout, il appartient à un « comité d’initiative » chargé de préparer la réalisation d’un « domaine sociétaire » [7] ; ce comité doit plus précisément mobiliser des capitaux, créer une société et rechercher un domaine foncier.

Mais le livre que Tarbouriech publie en 1902, La Cité future, essai d’une utopie scientifique, n’est pas précisément fouriériste. Certes, dans cet ouvrage qui critique le dédain dans lequel est tenu l’utopie par les tenants du « socialisme scientifique », l’auteur fait quelques références - très ponctuelles - à la théorie sociétaire, par exemple quand il assure que la « Cité future » encouragera « les changements de profession [...] pour donner satisfaction à la ‘’papillonne’’ » ; « je parle en disciple de Fourier », ajoute-t-il [8]. Mais il affirme dès le début de son ouvrage que « la question sociale est, avant tout, un problème de science politique et juridique » [9] ; et il promeut un modèle collectiviste très éloigné de l’association intégrale. Certes, « laissons à chacun la liberté de satisfaire [...] la diversité de ses goûts », mais « dans des limites raisonnables » et avec une certaine sobriété, les plaisirs obtenus dans un domaine devant être équilibrés par des restrictions dans un autre [10]. Enfin, il est assez critique envers le modèle coopératif.

On retrouve Tarbouriech au Parti socialiste français (PSF) en 1902 ; après l’unité du mouvement socialiste, en 1905, il fait partie de la fédération socialiste de la Seine. Il s’intéresse notamment aux problèmes agraires, sur lesquels il publie plusieurs articles. Candidat socialiste, non élu, dans l’arrondissement de Saint-Claude (Jura) lors des élections législatives de 1906, il représente la fédération jurassienne dans les congrès nationaux de la SFIO à partir de 1907 ; en 1910, il parvient à se fait élire au second tour député, dans le département du Jura, et dépose à la Chambre, avec plusieurs collègues, une proposition de loi en faveur de la création d’une caisse nationale de garantie contre les sinistres agricoles. Il appartient à la tendance réformiste de la SFIO, privilégiant la voie parlementaire pour introduire des changements dans les conditions de vie et de travail du prolétariat. Déjà malade lors de la campagne électorale de 1910, il décède en janvier 1911. Plusieurs discours sont prononcés lors de ses obsèques, par des socialistes, par des représentants de la Ligue des droits de l’homme, du Collège libre des sciences sociales, du Syndicat de l’enseignement, de la Ligue française du droit des femmes, qui, tour à tour, évoquent la diversité de ses activités et de ses engagements, mais ne mentionnent pas son bref passage par l’École Sociétaire Expérimentale.