Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Silberling, Maximilien
Article mis en ligne le 17 décembre 2012
dernière modification le 24 janvier 2018

par Desmars, Bernard

Né le 19 janvier 1842, à Strasbourg (Bas-Rhin). Décédé en 1897 à Brusturoasa (Roumanie). Employé des ponts et chaussées en France, puis ingénieur des chemins de fer en Roumanie et en Bulgarie.

Maximilien Silberling est le fils d’un agent d’affaires et d’assurances de Strasbourg, Edouard (père) Silberling (voir ce nom) et le frère d’Edouard (fils) Silberling, tous les deux fouriéristes. Après avoir suivi les cours

Maximilien Silberling
(La Rénovation, 31 décembre 1897)

industriels à Strasbourg, il entre comme dessinateur à l’usine métallurgique de Zornhoff (Saverne) vers l’âge de 15 ans ; puis en 1860, il entre dans l’administration des ponts et chaussées ; d’abord agent secondaire de deuxième classe attaché au service ordinaire des routes, il accède au rang de conducteur en 1865 [1].

« Phalanstérien de naissance » [2]

Né dans une famille fouriériste, il s’abonne lui-même en 1867 à La Science sociale, le nouvel organe de l’École sociétaire : « j’ai vu avec un vif intérêt l’apparition du journal », écrit-il au Centre ; en effet, « il faut porter haut et fort notre drapeau à la face de tous » ; lui-même est prêt à faire du prosélytisme et demande plusieurs exemplaires afin de les faire circuler auprès de personnes qui s’abonneront peut-être [3]. Il envoie même en 1868 une lettre à Victor Hugo, alors à Guernesey, afin d’« appeler son attention sur les découvertes de Fourier et sur l’essai d’[Adolphe Jouannehttp://www.charlesfourier.fr/spip.php?article1968] de Ry, tendant à créer un spécimen d’éducation naturelle et attrayante sur un groupe d’enfants » ; Hugo répond en déclarant ne connaître « qu’à demi la doctrine de Fourier » ; il a « des objections contre et des sympathies pour ; les sympathies l’emportent » ; il ajoute ne pouvoir « prendre parti publiquement » [4].

Silberling, quant à lui, n’a guère de doutes sur la validité de la théorie fouriériste, même dans les domaines où les textes de Fourier peuvent susciter des réserves de la part de certains disciples, comme la cosmogonie. Les phénomènes récents observés à la surface de la lune par des astronomes, tel que l’affaissement d’un cratère, constituent « des indices précurseurs de décomposition et de désagrégation » de la lune, réduite à l’état de cadavre, comme l’avait annoncé Fourier [5].

Dans le débat qui oppose les partisans du garantisme (c’est-à-dire d’une évolution graduelle, passant par la création de mutuelles et de coopératives) et ceux de l’essai phalanstérien (qui permet d’accéder plus rapidement à l’Harmonie), Siberling se situe nettement du côté des seconds. Pour lui, l’attitude « qui consiste à nier la possibilité immédiate d’une réalisation phalanstérienne est […] complètement erronée, et on ne saurait assez la combattre car elle a contribué, sinon à endormir, cependant à amoindrir considérablement le zèle et le dévouement de plusieurs de ces hardis pionniers dont s’honore l’école et qui espèrent bien, eux, terminer leurs jours dans un phalanstère ». Pourquoi s’acheminer lentement et péniblement vers le garantisme, « quand d’un seul pas sûr et hardi, nous pouvons ouvrir à l’humanité la voie de ses destinées » ? [6].

Ingénieur en Roumanie, en relation avec ses condisciples français

Après la défaite des armées françaises contre la Prusse, et alors que l’Alsace va être annexée à l’empire allemand, il quitte Strasbourg et part en Autriche, plus précisément en Carinthie, d’où, en avril 1871, il appelle ses condisciples à se mobiliser en utilisant les malheurs du temps pour attirer l’attention sur la doctrine sociétaire, seule capable de remédier aux maux que connaît le pays. Il leur demande aussi d’oublier leurs divisions et de se rassembler derrière Jouanne, le fondateur de la Maison rurale de Ry (Seine-Maritime) : « les événements funestes que nous traversons encore actuellement ne suffiront-ils donc pas pour dessiller les yeux de nos condisciples trop pusillanimes et ne verront-ils pas enfin qu’il est de la dernière urgence de se grouper autour d’un seul et même noyau, pour donner la vie à un germe d’attraction capable de fermer à tout jamais l’ère des guerres et des révolutions, et pour ouvrir celle de la paix et de l’harmonie universelle ? », s’interroge Silberling qui envoie lui-même 6 francs à la Maison rurale [7]. Il est également membre de la Société de capitalisation de Besançon, qui a pour but de réunir et de faire fructifier des capitaux afin de préparer un prochain essai sociétaire, mais qui en 1871-1872 est dissoute et transfère ses capitaux au profit de la Maison rurale [8].

En 1872, il est conducteur de travaux à Villach, toujours en Carinthie. Dans les années suivantes, il s’installe en Roumanie où il travaille à la construction de voies ferrées ; en 1873, il est ingénieur à Roman, puis à Galati, en Moldavie ; en 1877, il est ingénieur en chef des chemins de fer roumains. Mais il reste en contact avec l’Ecole sociétaire et s’abonne au Bulletin du mouvement social, fin 1873 [9]. Il continue à soutenir financièrement Jouanne et son établissement éducatif : en 1876, il lui adresse 60 francs, qui s’ajoutent à 120 francs envoyés quelques mois avant ; au printemps 1877, sa participation au capital de la Maison rurale s’élèverait à 998 francs d’après les comptes de Jouanne ; malheureusement, regrette-t-il, « bien peu de nos condisciples ont compris l’importance de la souscription » et « cette hésitation montre que peu de nos condisciples ont compris la théorie ; ils s’en disent partisans, mais ils hésitent quand il s’agit de marcher vers l’application » [10].

Silberling s’intéresse aussi au Familistère de Guise, même si, comme d’autres fouriéristes, il exprime des regrets et des réserves. Il déplore que Godin soit « resté complètement étranger à ce qui forme le fond même de la théorie sociétaire ; la théorie passionnelle et la thèse du travail attrayant sont restées pour lui lettre morte. J’ai la ferme conviction que si Godin eût appliqué son talent à créer un spécimen d’industrie attrayante, il eût pleinement réussi et eût atteint un résultat dont les conséquences auraient été incalculables » [11]. Il l’écrit d’ailleurs à Godin : « vous étiez l’homme de la réalisation ; les brillants résultats que vous avez obtenus en poursuivant votre programme à tous le prouvent ; car ce programme, vous l’avez rempli et exécuté avec un tact, une énergie et une persévérance qui me font regretter doublement que vous n’ayez point poursuivi la transformation du travail, qui forme le fond vital de la Théorie sociétaire » [12]. Malgré ces réserves, il est abonné au périodique Le Devoir, publié par Godin ; d’après l’adresse d’expédition, il demeure alors à Bucarest [13].

Dans les années 1880, il lit la Revue du mouvement social, puis, à la fin de la décennie, s’abonne à La Rénovation ; il correspond avec Destrem et Fumet, les dirigeants de la nouvelle École sociétaire, qui lui font parvenir à Bucarest des ouvrages tels que les Œuvres choisies de Fourier, par Charles Gide, et L’Almanach de la paix [14]. En 1896, il est nommé membre du comité de la statue de Fourier, malgré ses activités en Europe orientale – il est alors en Bulgarie, à Mezdra [15] – et il envoie à plusieurs reprises de l’argent pour la réalisation du monument [16].

« La foi phalanstérienne » [17].

Les articles et les lettres envoyés par Silberling aux périodiques fouriéristes, montrent à la fois sa ferveur phalanstérienne ainsi que sa fidélité envers le Maître et son optimisme quant à la réalisation de l’Harmonie.

En 1877, il réagit à une brochure de Pellarin sur les cas Lechevalier et Transon, qui, dans les années 1830, après avoir adhéré au fouriérisme, s’en sont séparés. Quelles sont les raisons de leur défection ou de leur « déviation intellectuelle » ? Ils n’ont pas bien saisi la richesse de l’œuvre de Fourier et, selon Silberling n’y ont vu que l’exposition d’un « système social supérieur à celui de Saint-Simon », sans voir comment la conception fouriériste se rattache « à l’immense plan de la création », comment « les combinaisons sociales proposées par le Maître découlent tout naturellement de l’étude intégrale de la Nature », comment Fourier a découvert « le code social naturel » et la clef de « l’unité universelle » [18].

Maximilien Silberling reste lui-même un fervent phalanstérien, quelles que soient les vicissitudes que connaît le mouvement fouriériste. En 1884, il écrit depuis Craoiva (Roumanie) pour commenter « la dissolution de la ‘’Librairie’’ et du ‘’Centre’’ de l’Ecole sociétaire » ; tout en étant critique envers les dirigeants et l’organisation de l’Ecole – le manque de talents et l’absence d’unité sont responsables de cette situation – il reste confiant dans l’avenir, et continue à croire dans les chances d’un essai sociétaire, toujours préférable à la voie garantiste : « Préparons le terrain […] et le moment venu, l’organisateur, le pivot du mouvement se manifestera. Courage donc, amis de Paris et de la province : la semence a disparu un temps dans le sillon ; elle n’en renaîtra que plus brillante […] l’Ecole est morte ; vive l’Ecole ! » [19]

Il meurt à Brusturoasa à la fin de l’année 1897, des suites d’une chute survenue pendant son travail. Alhaiza lui consacre une longue nécrologie, où il le qualifie de « cher et savant collaborateur », à la fois « doctrinaire inflexible » et « sociétaire intelligemment pratique, sachant faire la part des circonstances et des milieux » [20]. Son portrait est placé en première page de La Rénovation. D’après les lettres de condoléances publiées dans La Rénovation, il était marié et avait des enfants. Et en 1907, une certaine Lucie Silberling envoie de Bucarest une somme d’argent pour aider à la restauration de la tombe de Fourier, sans que l’on sache s’il s’agit de sa fille ou de sa veuve.