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Dervieu (parfois Dervieux ; signe A. Dervieu fils), André
Article mis en ligne le 30 décembre 2013
dernière modification le 12 juillet 2021

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 29 germinal an VIII (19 avril 1800) à Lyon (Rhône). Décédé à Urt (Basses-Pyrénées, auj. Pyrénées-Atlantique) le 14 février 1884. Négociant et fabricant d’étoffes de soie à Lyon, puis agriculteur rentier à Urt. Fondateur de la Société de garantie contre le piquage d’once de Lyon en 1840. Souscripteur au crédit de dix mille francs pour la fondation d’un phalanstère d’enfants. Actionnaire de la Société du 15 juin 1840 « pour la propagation et pour la réalisation de la théorie de Fourier ». Membre du conseil municipal de Lyon en 1846-1847 puis de juin à août 1848. Membre du Comité d’organisation du travail à Lyon en 1848.

André Dervieu est le fils d’André Dervieu, chapelier rue Romarin à Lyon et d’Élie Gras. Il est le frère du chapelier saint-simonien Hubert Dervieu inculpé à la suite de l’insurrection lyonnaise des 21-23 novembre 1831 et incarcéré à la prison de Roanne [1]. André Dervieu est l’un des prévenus condamnés lors du « procès des Mutuellistes et des Ferrandiniers » d’août 1833 [2]. Il est l’un des fondateurs de la Société lyonnaise de garantie contre le piquage d’once établie en 1840 et autorisée le 13 décembre 1843, institution « dont les efforts sont consacrés à prévenir ou réprimer les infidélités, les fraudes et les abus qui se sont propagés » [3] dans l’industrie de la soierie lyonnaise. Membre du conseil des prud’hommes [4], il est également administrateur de la Société lyonnaise des déchets créée en mai 1846 pour lutter contre la fraude et la concurrence déloyale. Il participe au Congrès scientifique de Lyon de septembre 1841, congrès au cours duquel Victor Considerant développe la théorie sociétaire. Dervieu est probablement [5] l’auteur du rapport sur la soierie lyonnaise donné lors de ce congrès à la suite des communications de Charles Bergeron. Dervieu est candidat « socialiste » lors des élections législatives d’août 1846. Il est soutenu par L’Écho de l’industrie de Fabvier même si, souligne ce dernier, « nous aurions demandé à M. Dervieu d’être plus franchement socialiste, ou d’avoir un parti politique plus tranché » [6]. Bien qu’ayant échoué, « les voix qu’il a réunies forment une minorité imposante et assurent sa nomination aux élections futures » [7]. Élu membre du conseil municipal de Lyon en 1846, avec la confiance du Censeur de Lyon, favorable à l’opposition républicaine, qualifié de « conservateur progressif » par La Tribune lyonnaise [8] de Chastaing, Dervieu s’insurge contre la spéculation financière et propose l’adoption d’un vœu condamnant l’agiotage et les « pratiques de parquet à la bourse [qui] constituent véritablement un jeu, plus que tout autre défendu par la loi, exposé aux éventualités du hasard et de la mauvaise foi, puisque le commerçant qui se livre à la roue de l’agiotage peut spéculer à l’ombre du comptoir, vendre ce qu’il ne possède pas, ou acheter ce qui n’existe pas, jouer sur les différences de hausse ou de baisse, en offrant pour enjeu son avenir, celui de sa famille celui des tiers, jusqu’à sa débâcle, qui trop souvent entraîne la ruine d’autrui [...] » [9]. Sa proposition vise à la défense de la fabrique lyonnaise mais elle est renvoyée en commission suite à l’intervention d’un autre élu, agent de change. Durant l’hiver 1846-1847, il propose un système de bons à quarante centimes que tous les citoyens auraient pu remettre pour acheter leur pain, les plus fortunés pouvant même en distribuer, à charge pour les boulangers de se faire payer la différence à la caisse de la ville, système qui aurait éviter l’humiliation de « l’aumône injurieuse et dégradante » [10] que doivent subir les plus démunis en retirant ces bons au Bureau de bienfaisance de la ville.

Dervieu est souscripteur au « crédit de dix mille francs demandé pour les études d’un phalanstère d’enfants » [11] ; il souscrit pour 100 francs et souhaite même, écrit-il en août 1837, contribuer ultérieurement à une réalisation « pour exploiter le système providentiel ». Il prévoit de « confier par testament une partie de [s]on avoir de préférence à tout établissement de charité existant qu’[il croit] tout actuellement une nécessité aussi nuisible que favorable » [12]. Il est alors abonné à La Phalange [13]. Il est également actionnaire de la Société du 15 juin 1840 « pour la propagation et pour la réalisation de la théorie de Fourier ». Au 15 mai 1843, avant que la société soit scindée en deux entités, la seconde devenant la « Société pour la transformation de La Phalange en journal quotidien » [14], il détient quatre actions pour 2 000 francs réglés. Cantagrel ne manque pas de lui rendre visite lors de son périple provincial de 1844 [15].

Cité parmi les candidats lyonnais à la Constituante de 1848, selon Le Tribun du Peuple, il est un « citoyen honorable, adhérant aux idées phalanstériennes, mais sans opinions politiques » [16]. Il retire néanmoins sa candidature [17]. En mars 1848, Emmanuel Arago établit un Comité d’organisation du travail à Lyon ou commission « chargée de régler les différends entre patrons et ouvriers et de rechercher la meilleure organisation sociale » [18]. Ce comité, présidée par Morellet, est « l’œuvre des phalanstériens » [19]. Dervieu en est membre. Sur sa proposition, une commission se prononce contre le principe d’un tarif fixant les salaires, système jugé dangereux [20]. Dervieux s’oppose par ailleurs à un condisciple phalanstérien, Briot qui propose « la conversion en monnaie de toute l’argenterie qui se trouve chez les citoyens, sauf les objets d’art ». Dervieu préfère « l’impôt progressif [...] plus efficace » [21]. Lors des élections municipales de juin, il est élu par deux sections et opte pour celle dite d’Orléans. Le Censeur note qu’il a été proposé par le comité conservateur dit du quai de Retz. Un correspondant du Peuple souverain le qualifie cependant de « socialiste, mais sans idées politiques [...] » [22]. Il est démissionnaire en août 1848. Il réside 8 rue Saint Polycarpe avec un domestique. Au cours de l’année, il est admis à la Société nationale d’agriculture, d’histoire naturelle et des arts utiles de Lyon et il est membre titulaire de la section de l’industrie dont il démissionne en mai 1859 du fait de son éloignement à la campagne. Resté célibataire, entre autres volontés énoncées par testament du 28 juillet 1881, il lègue à la Société de garantie contre le piquage d’onces et subsidiairement à la Ville de Lyon une somme de 20 000 francs dont « les arrérages en rentes sur l’État doivent être distribués [pour] la publication la plus utile aux classes laborieuses de toutes catégories concernant l’hygiène, l’instruction professionnelle ou la morale essentiellement religieuse ; aux connaissances utiles, soit industrielles, soit ménagères » [23].