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Déchevaux-Dumesnil (ou Deschevaux-Dumesnil ou Déchevaux-Duménil), J. P. A.
Article mis en ligne le 12 novembre 2014
dernière modification le 13 janvier 2024

par Sosnowski, Jean-Claude

Horloger à Paris. Contribue à la souscription du groupe parisien du Nouveau Monde pour un projet de fondation d’un phalanstère d’enfants en 1841. Franc-maçon. Fondateur et rédacteur de la revue Le Franc-Maçon de 1847 à 1870.

Est-il ce « travailleur » qui dans une lettre du 4 février 1838 déclare sa foi saint-simonienne à Prosper Enfantin de retour d’Égypte ? [1] Il est cité dans L’Almanach social pour l’année 1840 comme l’un des travailleurs de l’École phalanstérienne. Horloger établi, 28 place Dauphine puis 58 rue quai des Orfèvres à Paris, « on trouve chez M. Dumesnil des pendules, bijoux, coupes, flambeaux et candélabres » [2]. Il participe à la souscription initiée par Le Nouveau Monde en 1840 relayée en 1841 par Le Premier Phalanstère en vue de fonder le premier phalanstère d’enfants. Il offre « une jolie montre » [3]. Il souscrit également pour 0,50 franc à la publication de L’Union ouvrière de Flora Tristan. En 1847 et 1848, il achète un encart publicitaire dans plusieurs numéros de La Démocratie Pacifique. Cette annonce est repérée par le signe distinctif « ⁂ » signalant qu’elle émane d’un « phalanstérien dévoué » [4]. Il déclare entretenir des « relations fréquentes dans les départements […], à Alger, Saint-Pétersbourg, Varsovie, Rio-Janeiro [sic] » [5]. En 1847, avec Jules Lavoine, il fonde et devient rédacteur en chef de la revue Le Franc-Maçon. La revue est rédigée par des francs-maçons de tous les rites et toutes les obédiences dont la fusion est proposée. Le 10 juin 1848, en tant qu’horloger et au titre de rédacteur du Franc-maçon, il s’adresse en ces termes au Journal des Travailleurs fondé par les ouvriers délégués au Luxembourg et à Pierre Vinçard (il semble proche des Vinçard, et en 1850, il lance un Appel maçonnique à [s]on ami Louis Vinçard, l’oncle du précédent) :

Citoyen, Celui qui donne le premier coup de pioche dans le filon vaut mieux que celui qui porte une belle couronne d’or. Courage ! Nobles et hardis travailleurs. Il y a longtemps que je vous aime et que je vous ai prédit du succès en tout, sauf la richesse, car vous serez toujours pauvre. Tant mieux, certes, car à l’heure où vous ne souffrirez plus de votre misère, vous ne comprendrez plus celle des autres. Et regardez déjà autour de vous ceux qui montent par dessus, par dessous l’échelle dont le pied touche le sol et le sommet le pouvoir, ils n’ont plus d’énergie pour parler des besoins des masses. Quand il parlent de larmes, on ne pleure plus. Pierre Vinçard, si vos collaborateurs gardent comme vous même, la sainte livrée du travail, vous aurez toujours du génie, car vous aurez toujours du cœur. Votre frère en Jésus-Christ, DECHEVAUX-DUMESNIL, horloger Rédacteur du Franc-Maçon [6]

En septembre 1848, il relaie l’idée qui circule dans les rangs de la maçonnerie d’une candidature de Lamartine, pourtant non maçon, comme « Grand-Maître de la Maçonnerie en France [...] ». Et durant quelques numéros, en exergue du titre de la revue Le Franc-Maçon, il reprend le propos de Crémieux de mars 1848,

la République fera ce que fait la Maçonnerie, elle deviendra le gage éclatant de l’union des peuples sur tous les points du globe

et déclare que

Lamartine n’a jamais coûté une larme […] c’est à nos yeux le plus honnête homme de France […] aussi demandons-nous […] qu’il soit président de la République française, car lui seul parmi tous les hommes des révolutions a vivant dans le cœur les mots sacrés, Liberté, Égalité, Fraternité [...] [7]
Le Christ, et bien des siècles depuis, Saint-Simon, Enfantin et Fourier ont proclamé la sainteté du travail, mais vous […] vous proclamez plus haut encore la beauté, la dignité, la majesté du labeur de la pensée. Aussi toute âme qui reconnaît la noblesse du travail doit venir à vous […] Vous êtes le seul homme qui peut dire hardiment, moi M. de Larmartine édite mes œuvres, c’est le plus grand enseignement que le monde travailleur peut recevoir [...] vous avez fait un appel aux hommes, aux femmes qui aiment ce qui est doux, ce qui est bien, ce qui est beau ! [8]

Néanmoins, en décembre 1852, Déchevaux-Dumesnil est maître des cérémonies de la toute nouvelle loge dénommée « Bonaparte » fondée le 28 octobre précédent. Cette loge illustre une tendance à un recrutement maçonnique qui devient beaucoup moins populaire sous l’Empire. Le vénérable Moutonnet justifie cette appellation : « Bonaparte a été la Maçonnerie incarnée, comme le Christ notre divin maître a été l’incarnation de la divinité » [9]. Lucien Murat, le roi Jérôme et ses enfants, ceux de Lucien Bonaparte en sont membres d’honneur. La loge connaît des dissensions dès 1859 et malgré les tentatives de ranimer son activité, elle ne survit pas à la chute de l’Empire. Deschevaux-Dumesnil ne renie pas ses convictions sociales même s’il s’éloigne de Fourier ; en 1853, il vante l’ouvrage de Colins, également franc-maçon, Qu’est-ce que la science sociale ? [10]. Il s’illustre essentiellement en publiant divers poésies et chants dans Le Franc-Maçon. Il y glorifie la fraternité ouvrière et maçonnique, le pacifisme. « M. DECHEVAUX-DUMESNIL est un écrivain distingué, un cœur dévoué, digne de mener dans le sentier du succès l’œuvre dont il est le fondateur » écrit de lui Adolphe Favre dans La Revue parisienne de novembre 1860. Sa vie est consacrée à la franc-maçonnerie. En 1874, il possède une bibliothèque de livres et de manuscrits d’environ 12 000 volumes dont certains « parchemins de la plus haute antiquité et des écrits remontant à l’origine de la franc-maçonnerie » [11].