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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Vulliez, Jules (Marie Jean Joseph)
Article mis en ligne le 27 septembre 2016

par Desmars, Bernard

Né le 20 mars 1849 à Seyssel (alors duché de Savoie, aujourd’hui Haute-Savoie), décédé le 9 février 1920 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), Avocat, puis magistrat. Auteur d’une brochure sur le fouriérisme.

Jules Vulliez naît dans une Savoie qui dépend du roi de Piémont-Sardaigne, mais qui est cédée en 1860 à la France par le roi Victor-Emmanuel [1]. Jules Vulliez est donc désormais français. Fils d’un banquier, il fait des études de droit et soutient une thèse de doctorat à Nancy.

D’abord avocat, il est nommé en 1874 juge suppléant au tribunal de première instance de Saigon ; il est promu substitut en 1875, procureur en 1879, toujours dans la capitale de la Cochinchine, qu’il quitte au milieu des années 1880.

Il est ensuite procureur au tribunal de Moûtiers (Savoie) où il exerce encore quand il se marie, en 1887, avec Joséphine Piriou, fille de Louis Constant Piriou, capitaine de frégate en retraite, et de Coraly Roubion, artiste ; ses beaux-parents adhèrent à la doctrine sociétaire, tout comme son épouse qui apporte régulièrement sa contribution financière au mouvement phalanstérien, de la fin des années 1880 jusqu’au début des années 1920.

Sa carrière le mène ensuite à Draguignan (1888 à 1892) puis à Toulon (1892-1897), toujours comme procureur. En 1897, il est nommé avocat général auprès de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, où il reste jusqu’à son décès.

En 1901, lors de l’audience solennelle de rentrée de cette cour, il prononce un discours qu’il consacre à « un ancêtre du socialisme », Fourier. Il présente la théorie sociétaire en soulignant qu’il n’y adhère pas, mais en affichant une certaine sympathie, ou en tout cas, une neutralité sans hostilité. Il insiste tout d’abord sur la différence entre le socialisme de Fourier d’une part, et le socialisme de la fin du XIXe siècle d’autre part.

Son système est la négation même du Collectivisme et du Communisme. Il repose tout entier sur l’appropriation individuelle et sur la répartition des bénéfices entre le Capital, le Travail et le Talent. Il comporte en outre une hiérarchie et un classement des rangs sociaux dont la minutieuse énumération n’est pas la partie la moins fantasque de cette œuvre étrange [2].

Il cite et commente de nombreux passages des œuvres de Fourier, dont certains paragraphes, dit-il, sont de la « fantaisie pure » ; mais il ajoute, peut-être à l’intention de sa femme :

les quelques fervents qui subsistent encore de sa doctrine me pardonneront de citer ainsi à tort et à travers ces mots qui ne peuvent en donner aucune idée [3].

Critique envers « cette chimérique attraction dont [Fourier] a fait la base de son système » [4], ainsi qu’envers des « aphorismes économiques contestables » [5], il reconnaît pourtant à l’auteur du Nouveau Monde industriel de grandes qualités d’observation et d’analyse, même s’il tient à ne pas apparaître comme un disciple :

A en croire ses adeptes, Fourier aurait fait preuve de véritable divination, et l’évolution actuelle de la société, voire les découvertes les plus imprévues de la science moderne, ne seraient que la confirmation de ses vues sur l’avenir. Certes ils exagèrent, et nous devons pardonner quelque chose à la foi qui s’emploie souvent à autre chose qu’à soulever les montages. Mais la part faite aux illusions, il faut reconnaître que Fourier a donné à maintes reprises la preuve d’une pénétration singulière [6].

L’œuvre de Fourier fournit donc matière à réflexion :

On peut se demander quelle part, je ne dirais pas de vérité, mais de possibilité éventuelle ou de vraisemblance peut se cacher sous ces théories qui, au premier abord et surtout dans la forme où leur auteur les présente, ne nous apparaissent que comme d’extravagantes utopies.

D’ailleurs,

je pourrais trouver dans les faits et dans certaines entreprises aujourd’hui prospères, une preuve que les idées de Fourier n’ont pas toujours abouti à des déceptions [7].

Ce discours paraît ensuite en brochure et dans la Gazette des tribunaux. C’est dans ce périodique que le fouriériste Jean-Baptiste Noirot le lit. Il en rend compte dans L’Association ouvrière, l’organe des coopérateurs de production. Contre Vulliez, il défend le principe de l’attraction passionnelle et affirme que le développement coopératif confirme les prévisions de Fourier :

C’est l’aurore de la nouvelle phase sociale que Fourier a nommée Garantisme, par la raison que la collectivité associée garantit l’existence de tous ses membres, sous le régime des intérêts communs et de la solidarité.

Ce n’est pas encore l’harmonie et le bonheur annoncés par Fourier, mais c’est un grand pas vers la paix et l’accord entre les hommes [8].

Quelques années plus tard, Maurice Lansac, fouriériste et auteur d’une thèse sur les « conceptions méthodologiques et sociales » de Fourier signale le discours de Vulliez qui « expose avec sympathie la doctrine sociétaire » [9].

On ne connaît pas d’autres textes ou prises de position de Vulliez sur Fourier. En janvier 1920, il obtient la Légion d’honneur, quelques jours seulement avant son décès [10].