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Marle, Charles Louis dit Marle aîné
Article mis en ligne le 10 mai 2017
dernière modification le 15 novembre 2020

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 20 prairial an VII (8 juin 1799) à Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire). Peut-être décédé avant le 10 septembre 1864. Instituteur dans une école d’enseignement mutuel à Mâcon (Saône-et-Loire), militant de l’enseignement mutuel, militant de la réforme de l’orthographe, directeur de l’École normale de Saône-et-Loire. Imprimeur à Lyon à partir de 1842. Rédacteur et gérant de plusieurs titres de presse à Lyon puis Paris jusqu’en 1849. Fondateur et gérant de la Société « Le Cheptel » en 1853 avec Jean-Joseph Reverchon. Gérant de la « Société générale de conservation ». Instituteur à Caracas (Vénézuela). Membre du conseil municipal de Mâcon de 1837 à 1841. Correspondant de l’Union harmonienne pour l’année 1840 à Mâcon.

Il est le fils d’Olivier Marle, instituteur en Saône-et-Loire puis commissaire de police à Mâcon, et de Geneviève Ghierici, résidant à Sennecey-le-Grand lors de sa naissance. Le 21 août 1820, il y épouse Pierrette Dumonceau, fille mineure d’un propriétaire décédé de la localité. Le couple a au moins quatre enfants : Charles Louis né le 14 juin 1821 à Tournus ; Louis Charles le 7 novembre 1830 à Mâcon ; Jérôme Olivier le 15 octobre 1831 à Mâcon et Octave le 12 novembre 1835, décédé à Lyon le 2 septembre 1844.
Breveté instituteur à l’âge de 18 ans, Marle aîné est directeur d’une école d’enseignement mutuel à Tournus lors de son mariage. Militant actif de l’enseignement mutuel, il publie à partir de 1822 et jusqu’en 1854 des ouvrages sur la réforme de l’orthographe et de la grammaire. Marle est membre de l’Athénée et la Société grammaticale académique. Il est dit de lui qu’il est « un homme intelligent capable et vrai » [1]. Il est propriétaire, rédacteur, directeur de publication et éditeur du Journal grammatical et didactique de la langue française auquel contribue Armand Marrast. Alors considéré comme conservateur, Marle s’affirme comme défenseur de la langue classique « contre les écarts du romantisme » [2]. Pourtant son journal aurait contribué, sans qu’il en soit informé, à fédérer les mécontents du régime de Charles X en détournant la circulaire relative à son projet de réforme de l’orthographe :

L’on convint que les mécontents du gouvernement de Charles X se feraient connaître [auprès de Marrast], en envoyant à Marle la déclaration suivante : "Votre nouveau système orthographique me plaît infiniment, veuillez m’inscrire aux nombre de vos souscripteurs et adhérents". C’est ainsi que ce novateur reçut vingt-six mille adhésions [3].

.

Sa contribution au journal ne semble pas s’étendre au-delà de l’année 1830. En 1833, le journal devenu Journal grammatical philosophique et littéraire, est dirigé par Boussi et le nom de Marle n’apparaît plus parmi les contributeurs cités. En 1826, lorsque sort le journal, Marle est domicilié 38 rue Coquillière à Paris, siège du journal et 8 rue du Bouloi, puis en 1829, 21 rue Richelieu.
Marle s’illustre plus particulièrement comme initiateur d’un système néographique (nouvelle manière d’orthographier les mots) :

la langue française, dit-il, a 22 sons et 18 articulations ; pour représenter ce petit nombre de sons et d’articulations, on fait usage de 540 signes, c’est-à-dire que nous employons cinq cents caractères de plus que n’en exigent le besoin de la langue, la raison, le bon sens ; c’est-à-dire que nous consumons dans l’étude douze fois plus de tems (sic) qu’il n’en faut [4].

La réforme proposée a un impact économique indéniable pour Marle :

Dès lors plus de difficultés, ni pour la lecture, ni pour l’orthographe ; du jour où un enfant conaîtra [5] l’alfabet, il saura lire, et, du jour où il saura lire, il possèdera toute la siense orthografique. Que de larmes épargnées au jeune âge ! Que de tems économizé au profit des connaissances utiles ! [...] L’économie politique même, qui sait que le plus petit bénéfice souvent répété peut procurer de grands profits, en trouverait un immense dans cette réforme. J’ai cherché dans plusieurs frases quèle serait la diminution des lettres employées, et cèle que j’ai trouvée est de près d’un tiers ; suposons seulement un quart. Si l’on admet que sur trente-cinq millions de Français, un million, en terme moyen, consacre sa journée à écrire, si l’on évalue le prix moyen de ces journées à trois francs seulement, on trouve un milliard sur lequel on économiserait deux-cent cinquante millions par année. La librairie dépense bien une centaine de millions en papier, composition, tirage, port, etc... sur lesquels on gagnerait encore vingt-cinq millions. Mais le nombre de gens sachant lire et écrire décuplerait, les livres coûtant un quart moins cher, il s’en vendrait par cela seul le double, et le double encore parce que tout le monde lirait. De sorte que ce profit de deux-cent soixante quinze millions serait doublé ou quadruplé, et l’économie imperceptible d’une lettre par mot donnerait un bien plus grand bénéfice que les plus sublimes progrès de la mécanique [6].

La réforme porte en elle les germes d’une égalité sociale :

Nous renversons des préjugés qui tiennent en laisse la portion instruite de la société et garrottent le peuple. Nous voulons éclairer ce peuple en masse et en quelques jours seulement. Les ennemis de l’instruction populaire devaient frémir et se ruer contre nous, ils l’ont fait. La Gazette de France, du 14 octobre, s’exprime ainsi : "Le désordre est partout, et la révolution, reprenant ses anciennes voies, tend même à abolir les distinctions scientifiques. Voici une société de prétendus gens de lettres qui se propose de faire marcher les cuisinières à l’égal des membres de la Commission du Dictionnaire de l’Académie Française"
Réponse. Une cuisinière ne doit pas savoir composer une Iliade, notre orthographe ne lui enseignera pas ; mais une cuisinière a besoin de lire et écrire tout comme un académicien ; sous ce rapport elle sera son égal, et nous défions tous les fauteurs de l’ignorance de prouver que cela ne peut pas être, ne doit pas être, que cela n’est pas juste, bon nécessaire, urgent [7]

Fourier et Cabet auraient soutenu ce projet de réforme [8]. Mais Marle doit renoncer et revient en Saône-et-Loire.
Directeur d’une école d’enseignement mutuel à Mâcon, il est nommé directeur de l’École normale primaire de Saône-et-Loire lors de sa création en 1833 jusqu’à sa démission vers 1839 [9]. Cette même année, il publie une Gramaire [sic] diagraphique et un Manuel de la diagraphie. Découverte qui simplifie l’étude de la langue. Il promeut une écriture purement phonétique de 36 signes figurés par des lignes droites ou courbes, faibles ou renforcées, permettant de représenter tous les sons du langage parlé.
Marle aîné est alors inscrit parmi les correspondants de l’Union harmonienne pour l’année 1840 et est dit sans plus de précision résider faubourg Saint-Laurent à Mâcon.

Marle change alors de carrière. Membre du conseil municipal de Mâcon depuis 1837, il en démissionne en 1841. Le 9 septembre 1842, il reprend le brevet du libraire Deleuze à Lyon, démissionnaire. De 1843 à 1846, il s’associe à son beau-frère Pierre Dumonceau et est domicilié 13 rue Saint-Dominique à Lyon. L’une de ses premières publications n’est pas anodine ; il s’agit d’un Recueil des chants de l’Union industrielle fondée au Palmétar [sic pro Palmitar] (Brésil) par les travailleurs phalanstériens de France... (1842). Il est imprimeur-gérant de plusieurs titres de presse lyonnais, comme Le Rhône et Le Journal du Lyonnais. Mais, aux mauvaises affaires succède en juin 1845 un procès pour contrefaçon. Marle, défendu par l’avocat fouriériste lyonnais Pezzani, doit répondre de la publication imprimée des conférences que Lacordaire a données à Lyon et Grenoble. Il est poursuivi et condamné pour avoir contrevenu au droit de propriété intellectuelle ; son imprimerie est en faillite en 1846.
Vers juin 1846, il quitte Lyon pour Paris (rue de la Lune) où il contribue à plusieurs titres de presse comme La Voix nouvelle et à La Réforme en 1848. Son fils Louis Charles Marle est arrêté et incarcéré en 1847 pour vente d’imprimés.
En 1848, Charles Louis Marle aurait été chef du bureau des réclamations aux Ateliers nationaux. Il est également garde national. Du 13 mai 1848 à novembre 1849, il est rédacteur en chef de L’Émancipation de l’enseignement primaire, journal politique, scientifique et littéraire [puis, Journal de l’instruction publique à tous les degrés] et de février à août 1849, de l’hebdomadaire La Constitution : république du présent et de l’avenir. En 1849, avec un ancien professeur et chef d’institution Charles Martin, également rédacteur gérant des deux titres, il publie L’Union des instituteurs laïques de tous les degrés, pour la présentation à l’Assemblée nationale ou législative, 1° d’un nouveau projet de décret sur l’enseignement primaire, en remplacement du projet Carnot ; 2° d’une pétition à l’appui de ce projet [10].

Ses deux fils Jérôme Olivier et Louis Charles sont arrêtés après l’insurrection ouvrière de juin 1848. Bien qu’aucun fait d’insurrection ne soit retenu contre lui, Jérôme Olivier est transporté sur les pontons de La Didon puis de la Belle Poule à Brest. Gracié en février 1850, il travaille à La Voix du proscrit. A nouveau arrêté en mai 1851, il est condamné à deux ans de prison, puis à la transportation (Algérie plus). Son frère Louis Charles est libéré en septembre 1848. Il travaille également à La Voix du proscrit et est à nouveau arrêté en mai 1850 comme faisant partie du comité de résistance, pour impression de bulletins. Lors du coup d’État du 2 décembre 1851, il est condamné à la transportation en Algérie (Algérie plus). Les deux frères sont libérés du pénitencier en 1857 et s’installent à Constantine comme imprimeurs.
L’épouse de Charles Louis Marle décède le 18 août 1853 à Paris.

Charles Louis Marle reste en relation avec des condisciples fouriéristes ; il s’associe à Jean-Joseph Reverchon [11] au sein d’une société en commandite, « Le Cheptel », fondée le 1er février 1853. Marle et Reverchon sont seuls gérants de cette société nommée « Reverchon et Cie » au capital de six millions de francs divisés en actions au porteur de 100, 500 ou 1 000 francs. Son objet est « la fourniture du bétail par baux à cheptel » [12]. Marle est alors désigné comme négociant, demeurant à Paris, 32 rue Saint-Marc, puis 2 ou 46 rue Poissonnière. La société essaime dans quelques départements ; mais l’entreprise se révèle être un fiasco. L’assemblée générale réunie le 20 février 1856 entend le rapport du conseil de surveillance :

Marle est obligé d’avouer un déficit de 770 689 francs ; mais afin de diminuer l’effet de cette communication, il annonce en même temps que le croît des animaux peut être évalué à 275 000 francs, ce qui réduit le déficit à 495 689 francs. Il propose, en outre, de modifier les statuts, d’élever à 30 millions le capital social, de porter à trente ans la durée de la société, de répartir sur trente années les frais généraux, de les réduire ainsi à 21 984 francs annuellement, et de distribuer aux actionnaires un dividende (instruments compris) de 10 1/2 pour 100. Toutes ces propositions sont votées par l’assemblée générale qui, après avoir reçu la démission de Marle, confie la gérance aux sieurs Guérin et de Waroquier, accepte comme définitifs les comptes jusqu’au 31 décembre 1855 […]. Reverchon ne se retira qu’au mois de mai suivant [13].

Mais au 20 février le déficit s’élève déjà à 871 360 francs. Cependant la nouvelle gérance annonce le 1er avril,

que depuis trois ans, « Le Cheptel » n’a pas cessé de progresser.

Pourtant,

depuis son origine, la société n’avait subi que des échecs, les actions souscrites n’atteignaient pas le chiffre de 2 676 700 fr. Les opérations dans les départements n’avaient occasionné que des pertes : sur 74 directions organisées, quatre seulement avaient donné un bénéfice total de 8 273 fr. 68 cent., les 70 autres offraient un déficit évalué à 70 000 francs. Le déficit de la maison de Paris seule était de 1 015 300 fr. - enfin les dividendes étaient purement fictifs […]. En résumé, au 1er janvier 1858, l’actif était réduit 1 601 761 fr. 09 c., le passif s’élevait à 3 167 400 fr., et le déficit total était de 1 563 638 fr. 91 c. Ces événements ne s’étaient pas accomplis sans donner lieu à des réclamations […]. Une instruction fut commencée le 20 mars 1857. Le sieur Mouginot, expert teneur de livres fut chargé d’examiner la comptabilité […].

Entre temps, le 1er mai 1855, le frère de Charles Louis Marle, Lazare Olivier Marle-Piot [14], s’associe à Delabane, Monnet et Seghers pour fonder la « Société générale de conservation », société en commandite « Marle-Piot et Cie » au capital social de 4 millions de francs ayant pour objet l’exploitation d’un procédé de conservation des substances alimentaires. Le procédé est encensé par Villate, vétérinaire des écuries de l’Empereur [15]. Il s’agit d’un procédé consistant à envelopper les quartiers de viande crue d’une couche épaisse d’une gelée obtenue en soumettant certaines parties de l’animal à une longue ébullition.

La direction réelle de l’entreprise resta entre les mains de Marle (Charles-Louis), qui en était le véritable organisateur et qui signa les actes de gérance, soit de son nom, soit du nom de son frère […]. Il prend un brevet en son nom, passe en Angleterre avec le passeport et sous le nom de son frère, se fait délivrer un nouveau brevet à Londres, puis s’embarque pour l’Amérique. A New York, il essaie vainement de tirer parti de ses brevets, et en décembre 1856, il cesse de donner de ses nouvelles. Après son départ, une assemblée générale prononce la dissolution de la société et nomme un liquidateur. Elle avait duré quatorze mois pendant lesquels, suivant la prévention, aucune opération sérieuse n’avait été essayée. [16].

Après plusieurs plaintes concernant « Le Cheptel », plaintes pour lesquelles les plaignants s’étaient finalement désistés, l’affaire est appelée devant le tribunal correctionnel de Paris en juillet 1858 à la suite d’une instruction engagée le 20 mars 1857 ; Reverchon, Marle, son frère Marle-Piot et d’autres sont poursuivis pour « Escroquerie – Abus de confiance – Publication de fausses nouvelles » [17]. Reverchon, Marle et Marle-Piot sont absents. Le tribunal statue

1° que Charles Marle s’est, en 1854, 1855 et 1856, en employant des manœuvres frauduleuses, pour persuader l’existence d’un crédit imaginaire ou pour faire naître l’espérance d’un succès chimérique, fait remettre des fonds par diverses personnes, et a, par lesdits moyens, escroqué partie de la fortune d’autrui ; 2° Qu’il a détourné, aux mêmes époques, au préjudice des actionnaires de la société le Cheptel, des actions d’une valeur de 53,140 fr., une somme de 53,336 fr. 35 c. sur un compte d’annonce, une somme de 7,000 fr. sur des opérations relatives à une affaire Vauthier, et des bestiaux d’une valeur de 5,527 fr. 35 c, lesquelles sommes et valeurs ne lui avaient été confiées qu’à titre de mandat pour en faire un emploi déterminé ou à la charge de les représenter. 3° Qu’en 1855 et 1856, il a détourné au préjudice de la Société générale de la conservation des viandes une somme de 39,819 fr. qui ne lui avait été confiée qu’à la charge de la représenter et d’en rendre compte ; Que Charles Marle, Marle-Piot et Seghers se sont, aux mêmes époques, à l’aide des manœuvres frauduleuses ci-dessus spécifiées, fait remettre par divers une somme de 94,075 francs, et qu’ils ont ainsi escroqué partie de la fortune d’autrui ; Que Reverchon, à l’aide des mêmes moyens, a aussi escroqué plusieurs sommes d’argent au préjudice de diverses personnes ; qu’en outre, il a détourné au préjudice de la société du Cheptel une somme de 53,336 fr. 85 c, sur le compte d’annonces 7,000 fr. ; sur des opérations relatives à Vauthier, des bestiaux de la valeur de 5,527 fr. 85 c. ; lesquelles sommes et valeurs ne lui avaient été remises qu’à titre de mandat, à la charge d’en rendre compte ; [...] Condamne Charles-Louis Marie, Reverchon et Seghers, chacun à cinq années d’emprisonnement, chacun à 3,000 fr, d’amende solidairement ; Marle-Piot à une année d’emprisonnement, 500 fr. d’amende ; [...], et les condamne aux dépens, chacun en ce qui le concerne.

Charles Louis Marle disparaît au Venezuela. Il serait mort avant le 10 septembre 1864 [18] sans que ses deux fils établis à Constantine connaissent le lieu et la date de son décès [19].