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Bratkowski, (Alexandre) Stanislas [Stanislaw]
Article mis en ligne le 5 décembre 2010
dernière modification le 9 mai 2019

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Leczycka (Lódż, Pologne) en 1791 [1]. Décédé à Paris (Seine) le 2 janvier 1871 [2]. Sous-intendant, lieutenant de l’armée patriotique polonaise lors de l’insurrection de novembre 1830. Membre de la Société patriotique en Pologne puis de la Société démocratique polonaise en France. Ecrivain, journaliste. Correspondant de la Librairie sociale à Nantes, dépositaire de La Phalange, un des chefs de file du cercle fouriériste nantais en 1846. Franc-maçon. Président de l’Alliance polonaise de toutes les croyances religieuses en 1866. Membre de l’Alliance religieuse universelle.

Après des études à Piotrkow, ville d’enseignement supérieur proche de Lódż, annexée à la Russie depuis 1815 et peuplée d’une importante communauté juive depuis le Moyen âge, Stanislaw Bratkowski devient commis greffier de la « Commission ministérielle des affaires religieuses et publiques des Lumières » à Varsovie. Il se lie alors, indirectement, avec des associations patriotiques secrètes. Officier d’état-major, lieutenant, sous-intendant dans l’armée patriotique polonaise en 1831, il est affilié le 9 août 1831 à la Société patriotique (Towarzystwo Patrityczne), organe regroupant les insurgés radicaux et dont Jean Czyński était vice-président. La Société patriotique accueille depuis 1820 les membres les plus libéraux de la Franc-maçonnerie polonaise interdite car symbole d’adhésion à l’esprit des Lumières.

Après l’écrasement, en 1831, de l’insurrection polonaise de Novembre 1830, il arrive en France en janvier 1832, via l’Allemagne du Nord. Il consacre alors sa vie à la cause nationale polonaise qu’il associe à la question sociale.

Envoyé tout d’abord au dépôt d’Avignon, il s’affilie au Comité national polonais (Komitet Narodowy Polski) fondé par le professeur d’histoire Joachim Lelewel, réformiste légaliste, dont il était déjà proche en Pologne. Il devient secrétaire du Conseil polonais à Avignon (Rada Polakow). Il édite, à partir de mars de cette même année, à Avignon et Lyon, en six livraisons, les Scènes politiques de la révolution polonaise, que L’Echo de la Fabrique signale dans un article annonçant la vente de la médaille gravée à l’initiative de la Société du Bazar [polonais] de Lyon, en souvenir de la Révolution polonaise. A partir de novembre 1832, il publie une revue temporaire Polacy we Francji, tygodnik awinionskiń (Les Polonais en France, revue hebdomadaire d’Avignon) dont l’objectif est de défendre Lelewel contre ses détracteurs qui l’accusent d’avoir museler ses propres partisans en faisant confiance au dictateur Józef Chłopicki. Chaque numéro porte le nom d’un militaire polonais illustre, donnant le sentiment d’un titre différent. Il suit un procédé déjà utilisé pour masquer le caractère périodique de la publication et contourner le cautionnement. Il affirme également par ces choix de titres, son opposition à l’idée de monarchie. Il écrit en octobre 1832 à Lelewel « Nous ne voulons pas de rois, même issus d’un bon nid, comme celui des Piasts et des Jagellons » [3]. Cependant, après un mois de publication, la revue disparaît, 156 militaires qualifiés de démocrates « fauteurs de troubles » dont Bratkowski sont alors transférés au dépôt de Bergerac. En mai 1833, il est affecté à celui de Mont-de-Marsan (Landes). Néanmoins, en 1834, il fait paraître, toujours à Avignon, l’éphémère hebdomadaire Tydzien (La Semaine). Bratkowski poursuit ainsi son œuvre littéraire débutée en Pologne et développe son action de publiciste au service de la cause polonaise. En 1830, il avait participé au Bard Oswobodzonej Polski (Le Barde de la Pologne libérée) et publié un poème « La faux de Raclawice », rappelant l’insurrection de 1794 et faisant du peuple le moteur de ce réveil national d’une Pologne unie. « Nous donnons du pain au pays/ Et le défendons si nécessaire » [4] concluait-il, paroles restées vaines, les démocrates radicaux n’ayant pu transformer l’insurrection en guerre populaire. Cette position est similaire à celle que développe Jan Czyński dans son Roi des paysans en 1838.

Au cours de l’année 1834, Stanislas Bratkowski se retrouve à Poitiers où il prononce un Discours à l’assemblée des Polonais du dépôt de Poitiers, réunis pour célébrer la mémoire de La Fayette. En 1835, il participe à la revue littéraire et philosophique Les Soirées d’hiver de Poitiers, essais sociaux et littéraires, animée par le rédacteur de L’Echo du peuple, Adolphe Caille, disciple de Barbès et Blanqui. Bratkowski réside encore, en août 1836, chez Mme veuve Dauvin, 18 place d’Armes à Poitiers d’où il correspond avec Lamennais, à qui il adresse un de ses ouvrages et demande, sans résultat, un soutien, celui-ci ayant d’autres engagements avec ses éditeurs. Mme Dauvin vend alors la Politique oriento-méridionale du cabinet de Pétersbourg de Jan Nepomucen Janowski, l’un des fondateurs de la Société démocratique polonaise (Towarzystwo Demokratyczne Polskie), créée en mars 1832 par les éléments républicains-démocrates issus du Comité national démocrate de Lelewel. Bratkowski est alors membre de la Société démocratique polonaise depuis novembre 1833. En 1835, il est membre du comité de la Société démocratique polonaise de Batignolles. Ses déplacements, sans passeport lui valent des poursuites des autorités françaises. Cette même année, il se présente à la Centralisation, directoire du Demokrata Polski (Démocrate polonais), journal d’un groupe qui exprime son programme dans le Manifeste de Poitiers du 4 décembre 1836 et qui se fixe « pour but l’unité nationale dans la liberté et l’égalité » [5]. Malgré un résultat de 309 voix, Bratkowski est écarté du fait d’un désaccord d’orientation. En 1838, à Paris, il est néanmoins collaborateur littéraire du Demokrata Polski.

Il se fixe finalement à Nantes en 1836. Flora Tristan lui écrit le 20 mars 1844 au 22 rue Crébillon afin de lui indiquer qu’elle le rencontrera lors de l’étape nantaise projetée de son Tour de France. Bratkowski, sans doute mise en contact avec Flora Tristan par le couple Chodzko - il a participé en 1835 à La Pologne historique, littéraire, monumentale et pittoresque dirigée par Léonard Chodzco - lui avait fait une demande en vue de souscrire à une « brochure ». L’adresse est celle de Louise Quantin, veuve Dauvin, d’Elisabeth-Eulalie et Marie-Elisabeth-Alphonsine Dauvin, toutes trois qualifiées de marchandes libraires lors du recensement nantais de 1841. Stanislas Bratkowski est alors employé de la librairie et a épousé en 1835 Marie-Elisabeth-Alphonsine dont il a une fille, Marie-Elisabeth-Blanche, née le 2 juin 1843. Bratkowski, lors de la naissance de sa fille est désigné comme « commis voyageur ». La famille réside à cette adresse jusqu’en 1845. En août, Jules Michelet qui vient de parcourir un « remarquable » drame que Bratkowski lui a adressé, prodigue « estime et soutien ». Il s’agit soit du Premier Retour, épisode de l’année 1833, en 5 actes et 6 tableaux que Bratkowski devait mettre en scène au théâtre de Nantes l’année suivante, représentation que la municipalité interdit, soit d’Olek le réfugié que diffuse la Librairie phalanstérienne. Il écrit à la même période à Edgar Quinet. En 1854, lors du décès de sa belle-mère, Bratkowski est agent d’assurance. Lors du recensement de 1856, Stanislas Bratkowski, alors qualifié d’officier, son épouse et leur fille résident toujours au 22 rue Crébillon, avec Elisabeth-Eulalie Dauvin, brevetée libraire du 4 juin 1852 jusqu’en 1860, année de sa démission.

En 1840, Bratkowski est mentionné comme correspondant de la Librairie sociale, même si d’après l’Almanach historique ou souvenirs de l’émigration polonaise, il est toujours affecté au dépôt de Poitiers. Cette même année, Stanislas Bratkowski publie à Nantes Kilka myśli dla Polski où il développe, à l’attention des Polonais, ses conceptions sociales. La coopération communale et l’association des agriculteurs producteurs doivent permettre de limiter l’égoïsme individuel, conduire à une parfaite harmonie et à l’amour du prochain, lien social le plus puissant. Il réclame pour ses compatriotes soumis au servage, l’abolition de la propriété individuelle de la terre, le transfert des outils de production entre les mains des fabricants. En 1846, un commentaire de l’ouvrage d’Alphonse Toussenel, Les Juifs, rois de l’époque d’après un tiré à part du Breton du 19 et 20 août 1846 est édité à Nantes chez « Mlle Dauvin ». Le 29 novembre 1846, Bratkowski prononce encore un discours lors du seizième anniversaire de la Révolution polonaise, célébré à Nantes, alors qu’en début d’année, la province de Cracovie s’est soulevée, sans succès. A l’appel aux armes de la Nation polonaise, aux références révolutionnaires d’une levée en masse et à celles de l’épopée napoléonienne, Bratkowski ajoute que « la grande question sociale qui se pose fatalement devant le XIXe siècle, est sans contredit l’organisation du travail et de la propriété. La solution de ce problème, que chez vous les uns poursuivent sans le résoudre, et dont les autres croient avoir résolu et demandent de le prouver ; la solution de ce problème occupe aussi les réfugiés. Nous savons, Messieurs, que le paysan polonais, proclamé l’égal de tous, devenu propriétaire, ne doit pas être abandonné à la merci de son ignorance, du morcellement agricole et de l’isolement social ». La situation polonaise concerne l’Europe et son avenir qui doit être celui de la « constitution d’une unité religieuse, politique et sociale ». Si les nations européennes adoptent la voie pacifique, pour la Pologne, elle ne peut être que sanglante, mais le but est identique. Il s’agit pour Bratkowski de former des soldats dans les institutions polonaises d’enseignement ouvertes en France. Son allocution est suivie de celle d’[Ange Guépin], président de la séance et dont l’intérêt en faveur de la science sociale est avéré.
Ses liens avec l’Ecole sociétaire sont également confirmés par le fait qu’il est dépositaire de la Phalange et apparaît lors de la Révolution de 1848 comme l’un des leaders du groupe fouriériste nantais. Le 11 avril 1848, lors d’une fête pour la République, il prononce un discours de remerciements aux Nantais, pour leur accueil, Nantais venus saluer le départ de Polonais partant « libérer leur patrie ». Il semble qu’il fasse partie de cette expédition qui avorte. Il est également à cette période, mais temporairement, membre de l’Association slave (Towarzystwo Slowianskie).

Sous le Second Empire, il poursuit sa recherche de l’harmonie universelle au sein de la maçonnerie et des organisations qui en émanent. Franc-maçon avant juin 1832, date à laquelle il approuve l’initiation d’un apprenti aux « Vrais amis réunis » d’Avignon, Grand Orient de France, il est également membre, à la même période, de la loge polonaise « Orla i Pogoni » (« L’Aigle blanc et le Cavalier »), à l’Orient des Polonais en France. En 1860, il contribue à L’Espérance d’Armand Lévy [6]. Il y publie un article « Commune agricole et école communale en Pologne ». En 1866, alors qu’il est membre de la municipalité polonaise de Batignolles-Clichy, il préside l’Alliance polonaise de toutes les croyances religieuses qu’avait initiée, en 1863, Jean Czynski. Le but de l’Alliance est de réconcilier les Polonais de toutes les croyances et de secourir tous les nécessiteux, indistinctement de leur religion. Cette société, d’influence maçonnique évidente [7], reçoit un soutien appuyé de L’Alliance religieuse universelle à laquelle Bratkowski appartient. Le rédacteur en chef de la revue du même nom, franc-maçon et libre penseur déiste, Henri Carle, est également secrétaire de la section française de l’Alliance polonaise. La revue appuie par ailleurs la souscription lancée pour la parution de l’Etude historique sur l’ancienne législation polonaise concernant les Israélites de Bratkowski. L’appel est vain malgré le soutien de l’historien Henri Martin, puisqu’en 1869, Bratkowski « attend un mécène amateur de la science historique » [8].

Stanislas Bratkowski, résidant alors 42 rue Boursault à Paris-Batignolles, s’occupe de la bibliothèque de l’Alliance polonaise de toutes les croyances religieuses et est secrétaire de la municipalité Clichy-Batignolles. Il sollicite à plusieurs reprises le ministre de l’Instruction publique pour des secours sur les fonds dédiés aux hommes de lettres. Il décède, dans la misère, le 2 janvier 1871 à son domicile rue des carrières, lors du siège de Paris.


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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