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GAVOILLE Christine : Wilhelm Weitling, 1808-1871. Un théoricien social avant l’ère du capitalisme (1989)

Mémoire de Maîtrise d’histoire contemporaine (sous la direction de G. Bordet), Faculté des Lettres de Besançon, 1989. 2 vol. dactyl., 514 f.

Article mis en ligne le décembre 1990
dernière modification le 3 avril 2007

par Bordet, Gaston

Voilà un mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine qui dépasse le cadre parfois restreint des travaux de fin d’études universitaires : plus de 500 pages, dont 200 de documents inédits ou inaccessibles jusqu’alors en France. Souvent, et dans la mesure du possible, un travail de première main. Une bibliographie critique très complète, une chronologie exhaustive et comparative, des cartes, un index, une analyse très poussée des errances de Weitling à travers l’Europe et le monde et de son cheminement intellectuel et militant, tout cela fait que l’on tient avec ce travail la première biographie intellectuelle en français du célèbre théoricien communiste allemand.

Enfant sans père, né d’une mère domestique très pauvre, le jeune Wilhelm fréquente l’école primaire de Magdebourg ; mais surtout très précoce, il dévore les livres et se donne une formation d’autodidacte assoiffé de connaissance. Livres d’histoire, Bible, romans, études religieuses, il dévore tout ce qu’il peut. Et aussitôt il sent en lui monter le souffle de la révolte contre l’injustice et les inégalités ; très jeune il se sent habité par la volonté messianique de sauver l’humanité. Tour à tour il voyage en Allemagne et en Autriche, à Paris où il séjourne à deux reprises (octobre 1835-avril 1836 et de septembre 1837 à mai 1841). Paris à ce moment là est le foyer d’un extraordinaire bouillonnement intellectuel : les groupes socialistes nombreux y échafaudent tout un bouquet de théories variées. Weitling vient y piquer un éventail d’idées mais il y ajoute la marque de sa réflexion personnelle ; quatre types de systèmes vont l’influencer : celui de Fourier, celui de Lamennais, celui des communistes français comme Pillot, Dezamy et Laponneraye, et enfin le Proudhon des débuts, celui du premier Mémoire sur la propriété.

Vers 1837, il est le principal théoricien de la Ligue des justes (Bund der Gerechten), qui allait devenir l’un des foyers les plus actifs du socialisme international et le centre de diffusion des théories du communisme allemand.

En 1838, Weitling publie son premier ouvrage, L’Humanité telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être, dans un style proche du Lamennais des Paroles d’un croyant (1834). Puis en 1842, ce sont les Garanties de l’harmonie et de la liberté, très fortement inspirées de Fourier et Considerant. En 1845, il fait paraître l’Evangile du pauvre pécheur. Enfin, avec le Catéchisme des travailleurs (1854), on dispose du dernier des ouvrages qui constituent une sorte de tétralogie où se trouve progressivement élaborées les idées de Weitling.

Dans un esprit religieux, il n’en échafaude pas moins un système communiste qui prévoit toute une organisation cohérente de la société, avec communauté de biens, organisation de la population en familles et groupes de familles, conseils élus pour diriger les travaux et la production dans l’agriculture et l’industrie. Son œuvre et ses théories ont un retentissement considérable, elles exercent une influence profonde sur des intellectuels comme Heine et sur toute l’élite ouvrière allemande. Il milite énergiquement en Suisse, où il est en relation avec les socialistes helvétiques. Sa connaissance des langues lui facilite les relations avec tous les leaders socialistes et ouvriers européens. Il connaît les procès, la traque, les prisons, l’exil, l’errance, la misère, les expulsions. A 40 ans - un peu comme Victor Considerant, mais pour des raisons différentes - il quitte la scène européenne en 1847 et part aux Etats-Unis. Il y organise les immigrés allemands et crée la Ligue de la Délivrance qui étend ses ramifications jusqu’au Texas et à La Nouvelle-Orléans. Il prévoit l’organisation de banques d’échanges, comme Proudhon avait envisagé les banques mutuelles pour lutter contre le capitalisme. Aux Etats-Unis, il lance la première organisation centrale des Associations de travailleurs (à New York).

En 1848, il revient se mêler aux événements révolutionnaires européens, puis retourne définitivement aux Etats-Unis. Il interrompt ses recherches de théorie sociale, se consacre à des travaux de métaphysique, de philosophie, d’astronomie, à l’éducation de ses six enfants, exerce à nouveau son premier métier de tailleur, puis travaille au Bureau de l’immigration à New York. Le 22 janvier 1871, il participe cependant à la fête des sections new-yorkaises de la Première Internationale, qui voit la fraternisation des sections de travailleurs allemands, français et tchèques séjournant aux Etats-Unis. Trois jours après il meurt.

Marx qui au début l’avait encensé (comme il avait encensé Proudhon), le rejeta avec autant de colère et de mépris, voire d’injustice, qu’il le fit pour le socialiste franc-comtois. Quoi qu’il en soit, la pensée de Weitling et son action ont eu une influence considérable, c’est une des personnalités les plus fécondes, les plus originales, les plus marquantes du socialisme allemand et européen. Comme le montre bien Christine Gavoille, on constate « le remarquable rayonnement international de Weitling au milieu des associations artisanales et ouvrières en France, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, et en Hongrie... ».

On comprend que le travail de Christine Gavoille, très riche, dense, très bien présenté, avec tout l’appareil critique qui convient à une recherche universitaire, constitue un apport indispensable à l’approfondissement de nos connaissances du mouvement socialiste européen au XIXe siècle.


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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