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Malinowski, Jacques
Article mis en ligne le 10 décembre 2012
dernière modification le 17 avril 2017

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 1er septembre 1808 à Varsovie (Pologne). Décédé à Cahors (Lot) le 24 septembre 1897. Enseignant en architecture, géodésie et topographie en Pologne. Officier d’État-major, combattant de 1831 en Pologne. Exilé en France. Conducteur des ponts et chaussées puis professeur. Membre des groupes phalanstériens de Dijon et Semur-en-Auxois (Côte-d’Or). Fondateur et membre de sociétés savantes.

Né dans une famille de catholiques polonais, après une scolarité au collège ecclésiastique Pianisty de Varsovie, Jacques Malinowski suit des études universitaires et entre à l’Institut polytechnique fondée en 1825. Le 5 mai 1827, déjà élève des ponts et chaussées, il obtient le grade de maître en architecture et géodésie afin de devenir professeur de génie rural dans l’enseignement professionnel. Il est nommé à l’École royale de Mariemont à Varsovie. Il exerce également au collège des Nobles comme enseignant d’architecture et de topographie jusqu’au 29 novembre 1830. Il participe au soulèvement national polonais comme officier d’État-major au 5e léger, dans le corps d’artillerie et du génie.

Exilé en France, il apprend les langues et se consacre à des études de géologie. Après avoir séjourné en Prusse et en Belgique, il suit les cours publics de la Sorbonne, du collège de France et de l’École royale des Beaux-Arts. Le 5 mai 1837, il devient conducteur des ponts et chaussées affecté en Côte-d’Or, chargé de la réalisation d’un chemin de halage et d’un quai sur la Saône à Saint-Jean-de-Losne. Il démissionne en 1839 et obtient un poste d’enseignant d’allemand et d’anglais au collège communal de Semur-en-Auxois. Il a obtenu le grade de bachelier ès-lettres le 28 janvier 1838 à la faculté de Dijon. En 1840, il obtient celui de bachelier ès-sciences naturelles puis en 1842 la licence de sciences naturelles avec un éloge particulier du jury de la faculté de sciences. Alors qu’il préparait « les autres licences » afin de tenter l’agrégation, la mort des parents de sa femme, Françoise Cornillon, épousée à Saint-Jean-de-Losne le 6 février 1839, le contraint à renoncer à ce projet, « les autres malheurs de famille nous ont privés d’une petite fortune sur laquelle j’ai compté pour pouvoir me rendre à Paris afin de réaliser plus facilement mes projets. [...] Forcé de rester dans la petite ville de Semur-en-Auxois, je me suis complètement voué à l’instruction de la jeunesse de ce pays » [1], écrit-il sous le Second Empire. Il seconde également le principal dans ses cours de mathématiques et de physique. Ces enseignements lui sont confiés, à sa requête, le 4 février 1848 alors que le principal Martin a été muté à Albi à la rentrée de 1847, en raison de ses opinions radicales et sur pression des familles : « il est de notoriété publique que Mr Martin a des idées et des relations politiques qui amènent la ruine du collège. Ce principal se trouve chaque jour et publiquement avec des hommes encore jeunes et dont les opinions plus ou moins radicales sympathisent avec les siennes » [2]. Malinowski exerce ces cours et celui de maître de langue jusqu’au 15 février 1852, date à laquelle il est appelé à Dijon pour y enseigner l’allemand. Il sollicitait cette place depuis 1845. En 1865, il est muté à Mâcon (Saône-et-Loire), en 1867 à Alès (Gard) puis à Cahors en 1870. Le Préfet du Lot lui facilite l’obtention du droit de résidence permanente en France, pour avoir traduit les notices de l’armement nord-américain reçu pour équiper la garde nationale mobilisée du département. Il obtient la nationalité française en 1874 et est admis à la retraite en octobre 1878.

Très apprécié par son entourage, son enseignement laisse cependant à désirer. Le principal du lycée de Dijon note en 1856 : « Polyglotte, mathématicien, chimiste, naturaliste, M. Malinowski sait à peu près tout, excepté de se faire craindre et respecter des élèves » [3]. « Encyclopédie vivante » selon l’inspection, Jacques Malinowski est l’auteur de nombreuses publications, d’intérêts multiples traitant de la linguistique, de la chimie, de la géologie, de l’histoire mais également de la Pologne. Malinowski contribue à la fondation de la Société des Sciences naturelles de Semur-en-Auxois, à la Société des Études littéraires et scientifiques de Cahors. Il devient membre de la Société historique et littéraire de Paris et en 1869, membre correspondant de la Société Scientifique de Cracovie et de l’Académie d’Aix-en-Provence. Il transmet ses passions et ses connaissances lors de cours publics donnés aux adultes des différentes localités où il séjourne.

En 1839, Jean-Claude Oudot le cite parmi la trentaine de Dijonnais qui « se disent hautement phalanstériens » [4]. C’est la seule mention de son lien avec l’École sociétaire, attachement probablement développé par la suite, mais sans caractère ostentatoire, auprès du groupe phalanstérien semurois et de Jean-Jacques Collenot avec lequel il fonde la Société des Sciences naturelles de Semur-en-Auxois en 1843. Sa famille le rattache également au mouvement phalanstérien ; son beau-frère Louis-Étienne Cornillon [voir cette notice] participe à l’expérience de Cîteaux et signe l’appel des phalanstériens dijonnais en mars 1846 afin de porter secours à Arthur Young. Jean Gaumont confère un rôle éminent à Jacques Malinowski dans la formation intellectuelle et politique socialiste d’Armand Lévy (1827-1891), alors élève au collège semurois entre 1839 et 1844, qui devient proche d’Adam Mickiewicz et précepteur de ses enfants. Malinowski, bien que menant une carrière en France, n’oublie pas ses racines. Son intérêt pour l’histoire fait qu’il est en contact avec le professeur et patriote polonais Joachim Lelewel. En mars 1848, il s’investit aux côté de Victor Szolkalski, médecin à Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or) pour annoncer l’ouverture dans cette commune d’un dépôt destiné à accueillir les réfugiés polonais invalides, vieillards, femmes et enfants, en attendant le départ opportun pour la Pologne alors que les jeunes Polonais volent au secours de la Nation polonaise renaissante :

Nous comptons sur les autorités françaises, sur la sympathie des particuliers en France et en Allemagne, et sur toute l’émigration polonaise, sans distinction de couleur et d’opinion politique, pour la réalisation de ce plan philanthropique et national [5].

Lors de sa nomination à Dijon, l’opportunité qu’il a alors de pouvoir se rapprocher de l’Université où enseigne Auguste Brullé [voir cette notice] est amplement soulignée par son biographe pour que Malinowski en ait lui-même mentionné l’intérêt [6]. Entretient-il alors une relation d’intérêt scientifique ou bien fondée sur la pensée de Charles Fourier ? En août 1865, ils contribuent tous les deux à relayer l’appel de Frankowski en vue de former un Comité provisoire franco-polonais à Dijon destiné à apporter des secours aux nouveaux réfugiés polonais. L’investissement de Malinowski est éphémère, il est nommé à Mâcon à la rentrée.

En juin 1848, mais également en 1852, Malinowski a choisi clairement le parti de l’ordre et propose spontanément ses services à la gendarmerie en cas d’émeute. Cette option n’est ni celle de Jean-Jacques Collenot, sous-commissaire de la République à Semur-en-Auxois en juin 1848, ni celle d’Auguste Brullé, orateur lors du banquet démocratique et social d’octobre 1848, commémorant la République de 1792. Sa diligence à se mettre au service des autorités, « en [...] soutenant toujours le parti de l’ordre » [7] écrit-il en 1850, ne lui sert aucunement. Bien qu’il « ne passe point pour avoir des sentiments anti-religieux, ni pour s’occuper de politique » [8], ses origines ne sont pas sans freiner sa carrière. En juillet 1850, alors qu’il donne des cours sur l’irrigation des prairies au sein du Comité d’agriculture de l’arrondissement de Semur-en-Auxois, alors qu’il reçoit le soutien de l’ingénieur en chef du service hydraulique de la Côte-d’Or qui l’appuie afin d’obtenir une nomination d’inspecteur primaire dans un des arrondissements du département, le Préfet note son inconstance et surtout le fait qu’il est « étranger » pour refuser cette requête.