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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Leydet, Pierre François
Article mis en ligne le 29 septembre 2012

par Desmars, Bernard

Né le 14 février 1835 à Draguignan (Var). Installé à Marseille. Employé, publiciste. Fouriériste et pacifiste.

Fils d’un cultivateur de Draguignan, Leydet travaille à Marseille dans les années 1880 ; ses activités professionnelles semblent s’être principalement déroulées dans le monde du petit commerce : dans les rapports de police, il est successivement signalé comme « président du syndicat des débitants de boisson » [1], « chargé du laboratoire des débitants de boisson et secrétaire du syndicat professionnel liquoriste » [2], comptable, employé, puis publiciste. Parallèlement à ses activités professionnelles et syndicales, Leydet est un militant pacifiste : en 1884, il est considéré par la police marseillaise comme le représentant local de l’association pacifiste créée à Guise par Jean-Baptiste Godin ; il prépare alors des réunions et des conférences en faveur du désarmement dans les Bouches-du-Rhône. L’année suivante, il est le trésorier et secrétaire général du « comité marseillais de propagande d’arbitrage et de désarmement », constitué afin de « faire pénétrer dans le public les idées fécondes, au point de vue social, de l’arbitrage et du désarmement », et cela « afin d’arriver le plus promptement possible à la mise en pratique de ces principes de droit international revendiqués par la civilisation moderne » [3].

Il existe dans les années 1880 un « Cercle phalanstérien » très actif à Marseille ; mais les articles de presse et les archives de police sont très avares en informations nominatives et ne signalent que les principaux membres du Cercle ; elles ne mentionnent pas Leydet parmi ceux-ci [4]. Mais à la fin de la décennie, on trouve son nom dans une liste de donateurs ayant contribué financièrement au « congrès des rénovateurs » ou « congrès des phalanstériens », organisé par Destrem en 1889 [5].

Le Messager provençal

Dans la première moitié des années 1890, ses activités semblent concerner principalement la défense des intérêts des débitants de boissons ; selon un rapport de police, Leydet « ne fait pas de politique » [6]. Mais en 1897, il reprend un journal commercial, Le Réveil marseillais, qu’il transforme en Messager provençal [7]. Il en fait un hebdomadaire dominical de quatre pages, qui paraît de façon régulière de novembre 1897 à janvier 1898, un huitième et dernier numéro étant publié isolément en mai 1898. Ce périodique, qui se prétend « [l’]organe des sociétés, cercles, syndicats », et qui s’affiche, du n°5 au n°7 comme « républicain, radical, socialiste », est d’abord dirigé contre la municipalité socialiste de Simon Flaissières, à la tête de Marseille depuis 1892. Le Messager provençal dénonce à longueur de colonnes « l’incurie », « la gabegie » et le « favoritisme » des « socios » ; il appelle ses lecteurs à signaler les carences, les abus et les injustices dont sont responsables les services municipaux. L’hebdomadaire s’en prend aussi à Méline et à ses mesures protectionnistes, accusés d’avoir provoqué les difficultés du port et du commerce phocéens. Dans le dernier numéro, qui paraît juste avant les élections législatives du 8 mai 1898, la rédaction appelle les électeurs à voter pour les candidats radicaux-socialistes Chevillon, Vassal et Moulin, contre les républicains modérés et les socialistes collectivistes. Après la fin du Messager provençal, Leydet devient administrateur de La Tribune républicaine, « organe de la démocratie radicale-socialiste » [8].

Le nom de Fourier n’est jamais cité dans Le Messager provençal  ; ses œuvres n’y sont pas non plus évoquées, et les perspectives harmoniennes en sont absentes. On n’y signale pas non plus d’éventuelles activités militantes d’un groupe de fouriéristes marseillais. En fait, seuls les familiers de la théorie et de l’Ecole sociétaires peuvent reconnaître dans les colonnes de l’hebdomadaire marseillais des noms et des formules liés au mouvement phalanstérien : la devise « Capital, travail, talent » placée sous le titre des deux premiers numéros ; la reproduction de textes déjà parus dans La Rénovation (mais cette provenance n’est pas précisée) sous la plume d’Adolphe Alhaiza et de Virginie Griess-Traut (dont rien ne vient cependant signaler l’engagement fouriériste), textes qui ne contiennent d’ailleurs aucune référence explicite à la doctrine sociétaire [9]. Quant à l’annonce du décès accidentel de Silberling, certes qualifié de « phalanstérien ardent », aucun élément n’indique que le directeur ou la rédaction du journal ont pu partager quelques convictions ou espérances avec le défunt [10]. Un article signé Deltye (anagramme de Leydet) sur « les maux de l’agriculture » déplore « l’ignorance absolue en science sociale du peuple agricole » et préconise, afin de réunir « les avantages de la petite et de la grande propriété », la formation d’associations coopératives fondées sur « les données de la sociologie » [11]. Là encore, seuls ceux qui ont fréquenté les œuvres de Fourier et de ses disciples peuvent être sensibles à l’inspiration fouriériste du texte de Leydet.

Du reste, ce n’est pas seulement la référence fouriériste qui est discrète, mais c’est le projet sociétaire qui est absent du Messager provençal ; la rédaction ne concède qu’une place irrégulière et marginale à la question sociale, l’essentiel des colonnes étant consacré à la campagne menée contre la municipalité Flaissières, aux revendications antifiscales et libre-échangistes et à des informations professionnelles sur les boissons. La place du fouriérisme est dès lors très faible, dans un organe qui n’essaie pas véritablement de le faire connaître à ses lecteurs ou d’en diffuser les thématiques, mais se limite à quelques allusions repérables par les seuls initiés.

Cependant, Leydet fait partie des signataires d’un « Manifeste de l’Union phalanstérienne du Sud de la France », appelant à la création de « phalanges » (en fait des groupes locaux) dans les villes du Midi, et publié par Verrier dans la Revue de sociologie et d’ethnographie [12]. Et il est en relation assez régulière avec l’École sociétaire d’Alhaiza : il participe à la souscription organisée pour le financement de la statue de Fourier (août 1897), exprime par lettre sa communion de pensée avec les convives du banquet anniversaire du 7 avril 1898, s’abonne à La Rénovation (au moins de 1898 à 1903 d’après les informations contenues dans la revue) ; en 1902, quand des contacts sont pris par Alhaiza avec des socialistes colinsiens pour former une Ligue en faveur de la nationalisation du sol, il exprime son désaccord [13] ; en 1908, il contribue financièrement à la publication du Dictionnaire phalanstérien de sociologie, de Silberling [14]. Enfin, pendant la Première Guerre mondiale, Alhaiza mentionne son nom parmi les disciples qui lui ont écrit à l’occasion du 7 avril 1915 et du nouvel an 1916 [15].