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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Nodot, Léonard
Article mis en ligne le 16 décembre 2012
dernière modification le 10 mars 2018

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 5 pluviôse an X (25 janvier 1802) et décédé le 17 avril 1859 à Dijon (Côte-d’Or). Fondateur, conservateur et directeur du cabinet d’histoire naturelle de la ville de Dijon. Dirigeant de l’Eglise saint-simonienne de Dijon de juin 1831 à février 1832. Président du congrès phalanstérien de Cluny en août 1839.

Originaire de Navilly (Saône-et-Loire), le père de Léonard Nodot, François Nodot est horloger à Dijon, « chez le citoyen Malardot, aussi horloger, même ville, place d’Armes » [1], lorsqu’il se marie à Jeanne Biver le 20 mai 1793. Un premier fils Charles [2], né le 19 frimaire an VII, est installé pharmacien à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) sous la monarchie de Juillet. Léonard Nodot doit prendre la succession de son père et reçoit une formation à cet effet. Mais passionné par les sciences naturelles et plus particulièrement par la paléontologie, il est chargé en 1834 d’organiser le cabinet d’Histoire naturelle que la conseil municipal de Dijon souhaite établir. Il cède sa collection à la ville qui le considère comme « l’un des fondateurs du nouveau Musée » [3] et lui attribue le poste de directeur et conservateur. Autodidacte, manquant à ses débuts de méthode scientifique, peut-être sanctionné pour ses positions en faveur de Saint-Simon puis de Fourier, en 1842, il se voit refuser un poste d’enseignant à l’Université.

Léonard Nodot est présent au sein du groupe des néophytes saint-simoniens de Dijon réunis par Jules Lechevalier à la fin du mois de juin 1831 : Lechevalier « annonce la constitution du degré préparatoire composé déjà de 12 jeunes gens complètement à nous et avoués. Je cherche parmi eux l’homme [sic], dit-il, jusqu’ici c’est Nodot » [4]. Son adhésion est celle d’un individu, bien que passionné par les sciences naturelles, qui se sent victime « du malaise profond que fait éprouver à tout homme l’aspect des misères du plus grand nombre de ses semblables et celui des vices de l’ordre social actuel. J’avais donc en vain cherché, écrit-il, le bonheur dans un monde [illisible] de révolution en révolutions. Le scepticisme le plus complet s’était emparé de moi, j’étais tourmenté, je supportais la vie comme un fardeau [illisible], et je lisais en homme malheureux » [5]. Il connaît une véritable révélation. La doctrine saint-simonienne lui semble la seule apte à résoudre les maux que connaît la société. En 1832, il devient membre du second degré jusqu’au schisme qui frappe l’Eglise saint-simonienne. Il signe le 26 février 1832, dans Le Patriote de la Côte-d’Or avec d’autres membres de l’Eglise dijonnaise, une lettre dans laquelle il se désolidarise du Père Enfantin : « nous déclarons que nous protestons hautement contre les doctrines émises par M. Enfantin » au sujet du couple et de « la Femme ». « Nous les considérons comme éminemment fausses, profondément immorales et de tous points contraires à la conception de Saint-Simon. [...] Si jusqu’à ce jour nous n’avons pas protesté publiquement, c’est que n’ayant jamais fait partis de la hiérarchie saint-simonienne, nous avons pensé que notre retraite était suffisante pour dessiner notre position ». Léonard Nodot complète la proclamation : « comme [Enfantin] paraît persister dans ses théories, je déclare me retirer définitivement de la hiérarchie ». Nodot ne rejette pas pour autant la religion saint-simonienne. Il est approché très rapidement par les fouriéristes, mais en fin d’année 1832, sa position ne semble pas encore connue de Victor Considerant qui a demandé à Charles-Antoine Gacon (voir cette notice) de prendre attache avec lui. Nodot a pourtant adressé « une longue lettre, presqu’un mémoire contenant ses observations », mais il semble perdu. Gacon résume alors son état d’esprit : « il m’a dit un jour que la doctrine de Fourier et son application excitaient chez lui le plus vif intérêt, puisqu’il pensait que la solution du problème social devait se trouver entre le saint-simonisme et le fouriérisme. C’est un juste milieu qu’il ne m’a pas expliqué et qu’il n’a peut-être pas bien résumé lui-même » [6], poursuit Gacon.

Il est cité par Jean-Claude Oudot en mars 1839 parmi la trentaine de Dijonnais qui « se disent hautement phalanstériens » [7]. Le 28 août 1839, il est l’un des représentant dijonnais et président du premier congrès phalanstérien tenu à Cluny. Le congrès réunit autour du groupe de Cluny, ceux de Lyon, Tournus, Mâcon, Chalons, Dijon et Nevers. Le compte rendu du banquet qu’il adresse et que publie La Phalange [8] souligne la cordialité et convivialité qui ont régné lors de ce rassemblement. « Des manifestations aussi sincères prouvent, que grâce aux efforts communs des partisans de la cause, le triomphe définitif de celle-ci n’est pas éloigné ». Dans le compte rendu manuscrit conservé est rapporté un vœu émis lors du banquet donné pour le départ des délégués : les participants ont « conclu à la presque quasi unanimité que Mr Considerant était l’homme, qui par sa science profonde dans les travaux de Fourier, sa logique rigoureuse, son style brillant et nerveux, sa grande fermeté et sa constance soutenue, avait rendu et rendait chaque jour par ses écrits les plus grands services à la cause et que le journal La Phalange représentait complètement les idées des phalanstériens présents à cette charmante réunion » [9]. Durant le congrès Nodot se fait le porte parole de Julien Blanc et lit une lettre de lui admettant « quelques divergences […] quant au mode de propagation, entre Le Nouveau Monde et La Phalange ; mais laissant prévoir qu’un accord parfait sur tous les points ne tardera pas à naître entre ces deux journaux également recommandables » [10]. Nodot qui préside une séance porte un toast « à l’union harmonienne de tous les phalanstériens du globe » [11]. Le Nouveau monde relève que « les phalanstériens de Dijon, toujours unis et orthodoxes, sympathisent pour porter ce toast » [12]. Le lendemain, les congressistes se réunissent chez Aucaigne pour discuter du « mode de propagation le plus convenable » [13]. Avec Brac de la Perrière et Prudent Forest, alors directeur de l’Institut sociétaire, il fournit une contribution active à la résolution de la question. Il est proposé d’« agir sur toutes les capacités intelligentes, dans les masses aussi bien que dans la classe riche et éclairée de la société ».

La démarche de Nodot reste intellectuelle et scientifique. Il doit donner des cours avec Laville de Laplaigne chez Nicolas (voir ces notices), « qui a un grand salon [...], où il se promettent d’attirer des civilisés le plus possible » [14] annonce Cantagrel en novembre 1844. Victor Hennequin, lors de sa tournée de conférences de juin 1846 relève que « Nodot le naturaliste a fait en science analogique des découvertes charmantes, il faut le contraindre au nom de l’unitéisme à les publier dans La Phalange » [15]. Hennequin en donne un aperçu l’année suivante dans La Démocratie pacifique lorsqu’il se rend en « pèlerinage à Besançon » [16]. Le travail scientifique de Nodot est également mené selon cette pratique de l’analogie. Arthur Morelet qui fait son éloge à l’Académie des Sciences Arts et Belles-lettres de Dijon déclare : « En suivant cette direction, qui lui était naturelle, il ne tarda pas à reconnaître qu’un même lien enchaîne tous les phénomènes de la nature, et il fut conduit à penser que les actes de l’humanité, comme les phénomènes de la vie physique, sont solidaires les uns des autres. Voyant partout dominer l’unité, source d’harmonie, il crut que les lois du monde moral et celles du monde matériel pouvaient être réunies en un même faisceau » [17].

Même si sa démarche est essentiellement savante, même s’il appartient, pour reprendre la qualificatif que donne Hennequin au groupe dijonnais, aux « phalanstériens de loisirs » [18], Nodot n’hésite pas à prendre position sur l’orientation et les choix du centre parisien. Lors de la visite de Cantagrel en novembre 1844, il est parmi les plus farouches opposants à l’idée de dépenser l’argent de l’école afin d’acquérir les droits de publication dans La Démocratie pacifique d’un feuilleton littéraire. « On s’indigne de payer 100 mille francs à des barbouilleurs de papier ». Il s’implique par ailleurs publiquement et est l’un des signataires de l’appel lancé le 11 mars 1846 par les phalanstériens de Dijon à ceux de France afin de sauver la colonie de Cîteaux, eu égard aux « sacrifices » et au « dévouement » d’Arthur Young en faveur de l’Ecole sociétaire. « Les intérêts de M. Young se lient aux intérêts moraux et matériels de l’Ecole sociétaire ». N’ayant jamais participé à cette expérience, les phalanstériens dijonnais ne peuvent être suspectés « de partialité » [19].

Lorsqu’éclate la Révolution de février, il reste totalement à l’écart des événements. On peut cependant présumer qu’il est parmi ceux qui demandent l’autorisation au Préfet de se réunir régulièrement afin de « se livrer à l’étude du système de Fourier » [20]. Souffrant depuis quelques temps, Nodot « vit approcher sa fin [...] comme celle de l’honnête homme et du chrétien [...] » déclare Arthur Morelet ; « [...] sa vive imagination [...] poursuivit quelques chimères, gardons-nous de les lui reprocher, car elles furent inoffensives, et elles eurent leur source dans les plus nobles aspirations du cœur » [21]. Son acte de décès indique qu’il a épousé Françoise Fanny Boitet ; aucun enfant ne semble être né de cette union.