Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Chauvelot (ou Barnabé-Chauvelot), (Jean-Baptiste dit) Barnabé
Article mis en ligne le 3 mars 2013
dernière modification le 18 juin 2016

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 6 octobre 1820 à Chazelle-l’Echo, commune de Fontangy (Côte-d’Or). Décédé le 18 août 1879 à Paris (Seine). Ancien séminariste. Conférencier phalanstérien aux côtés de Jean Journet à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) en 1846. Employé à La Démocratie pacifique en 1848. « Apôtre des doctrines sociales » en 1848. Secrétaire de Proudhon. Rédacteur au Peuple. Incarcéré à Sainte-Pélagie. Devenu bonapartiste, ultramontain puis royaliste. Journaliste et polémiste catholique.

Propagandiste phalanstérien

Son père Barnabé Chauvelot, propriétaire demeure dans le hameau de Chazelle-l’Echo. Il a épousé à Fontangy le 19 septembre 1816 Huberte Perreau (ou Perrot). (Jean-Baptiste) Barnabé Chauvelot débute ses études « dans une école ecclésiastique de province » [1]. Il entre « très jeune au séminaire [à Paris], s’apercevant, après de profondes études, qu’il n’a pas de vocation pour la carrière que ses parents lui destinaient [sic], la quitte et va prêcher partout gratuitement [sic] la parole qu’il croit devoir faire triompher le progrès, c’est à dire l’émancipation intellectuelle et physique des masses » [2]. En 1846, ayant récemment quitté les ordres, il se convertit sans doute à la doctrine phalanstérienne lors d’une rencontre avec Jean Journet et s’illustre avec lui lors d’une série de trois leçons données à partir du 27 avril à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) [3]. Tous deux, hébergés chez Jean-Jacques Collenot se sont présentés la veille auprès du maire comme « professant la doctrine de Fourier » et pour demander « la permission de se faire entendre ». Le maire, après avis du sous-préfet, réclame que « la politique rest[e] étrangère à leurs discours » [4]. Lors de la première séance, Journet développe une « description des différents états sociaux que le genre humain a traversés dans son développement » pour aborder la théorie de « l’attraction passionnelle » [5]. Le 28 avril Chauvelot anime la deuxième séance mais de manière moins probante. « Ce garçon n’a pas mal pataugé » [6] dans une tentative d’explication du système passionnel de Fourier, explique Marlet, opposant radical. La troisième séance a lieu le 30 avril et est menée par les deux orateurs. Si « M. Jean Journet a abordé la question de la série » [7], Chauvelot s’est contenté de remercier la population locale. Marlet note qu’« il s’est applaudi des sympathies nombreuses et dévouées que son ami et lui auraient trouvées [...], de l’attention qu’on avait bien voulu leur prêter » [8]. Il rapporte par ailleurs les propos de Chauvelot : « le grain que nous sommes venus semer ici germera et portera un jour des fruits abondans [sic] ; mais, que dis-je, déjà il a été semé par deux de nos frères, citoyens des plus honorables de Semur [Jean-Jacques Collenot et Hector Gamet]. Ils continueront après notre départ l’œuvre qu’ils ont si bien commencée. Nous nous reposons sur eux comme sur deux colonnes inébranlables de la doctrine » [9]. Au terme de la dernière séance Marlet apporte la contradiction et décide de « les attaquer de front et directement » [10]. Chauvelot, semble-t-il, perd son sang-froid à l’écoute des premiers arguments développés et reprend « la parole pour répondre, parl[e] avec force et véhémence afin de réfuter ce que [vient] de dire le sieur Marlet » [11]. Certains membres de l’assemblée contestent cette nouvelle intervention, bousculent les orateurs. L’échange s’envenime, Journet traite finalement Marlet de « sacré couyon » [12]. Le commissaire de police, repris par le commandant de gendarmerie signale que « des paroles irritantes et grossières furent échangées », indique que Journet et Chauvelot ont été « apostrophés de saltimbanques, d’imposteurs et qu’on aurait bien fait de ne point les avoir souffert [sic] dans cette ville et qu’ils auraient mérité d’être chassés à coup de pied au cul ». La sortie des orateurs est houleuse. Le sous-préfet de l’arrondissement en profite pour interdire toute réunion phalanstérienne. L’affaire a des retentissements au sein de l’Ecole sociétaire qui par la plume d’Allyre Bureau se désolidarise officiellement de Journet [13]. Chauvelot ne semble pas inquiété. En juin, Victor Hennequin lors de son passage à Semur-en-Auxois signale par ailleurs que le vrai nom de celui qui était connu de l’Ecole sociétaire sous le patronyme de Barnabé est en fait Chauvelot. Jean Gaumont affirme que Chauvelot entretient des liens plus profonds avec l’Ecole sociétaire [14]. Il est fort probablement l’« employé à La Démocratie pacifique » [15] qui s’illustre lors des journées de février. Il fréquente également le club des Socialistes unis présidé par Bureau (voir cette notice) et Brunier de mars à juin 1848.

Clubiste et secrétaire de Proudhon

Durant la campagne législative de 1848, au club de l’Union, il apostrophe Lacordaire réclamant qu’il se prononce sur un discours de Montalembert « contre nos père de 93 » [16]. Il devient secrétaire de Proudhon et collabore au Peuple [17]. En octobre 1848, il est condamné comme président du club de Saint-Antoine pour avoir fait percevoir un droit d’entrée aux personnes étrangères au club et pour défaut de procès-verbal des incidents [18]. En novembre, il est cité devant le jury de la cour d’assises de la Seine pour contravention à la loi sur les clubs, « affaire des clubs du Vieux Chêne et de Saint-Antoine » [19]. Il est présenté comme « apôtre des doctrines sociales ». Il est condamné avec Boquet, Vidal, Merlieux, Muirson et Valleton, bien qu’ayant récusé le jury issu de la monarchie de Juillet, jury qui aurait dû être élu selon un nouveau décret adopté par l’Assemblée nationale [20]. Il doit purger une peine d’un an de prison et payer une amende de mille francs. A nouveau devant la cour d’assises le 12 décembre 1848, pour délit commis au club de Saint-Antoine lors de la séance du 21 novembre [21], il est condamné à huit mois de prison et mille francs d’amende [22]. Il préside le club de la Reine blanche [23] ce qui lui vaut d’être enfermé à Sainte-Pélagie fin janvier 1849. Il est coupable d’injures envers le commissaire de police. En appel, sa peine est réduite à huit mois d’emprisonnement [24]. Lors de la célébration de l’anniversaire de la proclamation de la République en septembre 1849, les prisonniers de la prison de Sainte-Pélagie sont autorisés à célébrer l’événement par un banquet qui se déroule dans la cours de la prison. A défaut de prononcer les toasts,l’administration les autorisent à les publier dans la presse. Il prononce un simple toast « A Kossuth » [25], leader de la révolution de mars 1848 en Hongrie et auteur de la proclamation de l’indépendance de la République de Hongrie en avril 1849.

Polémiste catholique

La lecture durant sa détention de L’Imitation de Jésus-Christ lui font retrouver la foi catholique [26]. Il rejette avec frénésie et haine les théories qu’il a pu adorer précédemment. En 1850, dans La Solution, il réclame « une dictature puissante et énergique, une dictature anti-révolutionnaire » [27]. « Socialisme et voltairianisme, voilà les deux sources de nos maux » [28]. Seul le groupe de « la jeune école catholique » à l’Assemblée nationale trouve grâce à ses yeux en proposant une « république chrétienne [...] la charité évangélique » [29]. Mais le sursaut est venu le 10 décembre 1848 avec l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte, « la Providence nous a toujours suscité des sauveurs » [30]. L’année suivante, avec La Restauration de l’autorité en France, il dénonce l’anarchisme de Proudhon mais s’en prend également avec haine à Considerant. Chauvelot souligne les réticences anciennes de l’Ecole sociétaire et de Considerant vis à vis de la République et du suffrage universel. « Ne croyant plus à la vertu productrice [sic] et régénératrice de la doctrine phalanstérienne, [Considerant] a cherché un autre piédestal pour s’élever [...]. Aux notes paisibles de la lyre harmonienne ont succédé les sons bruyants du clairon guerrier » [31]. Chauvelot proclame la mise à mort de Considerant : « nous tenons à ce que notre adversaire roule dans la poussière et meure à nos pieds. Allons lui porter de nouveaux coups. Il faut qu’il soit écrasé » [32]. Avec l’Extinction de l’idée révolutionnaire, en 1852, poursuivant son souhait de voir la dictature napoléonienne s’installer et liquider tous les partis, quelques phrases lui permettent de renier définitivement son adhésion antérieure à la pensée de Fourier :

Peuple, il y a deux sortes de révolutionnaires : il y a les révolutionnaires du Diable et les révolutionnaires du bon Dieu. Les premiers veulent bien réformer la société coupable, mais ne point se réformer eux-mêmes ; les seconds, au contraire, sans négliger la réforme sociale, croient qu’il faut d’abord se réformer soi-même.

Quel est, je vous le demande, le problème de la destinée humaine qu’ont résolu ces prétendus philosophes ?

Les uns, comme Charles Fourier et son école, méconnaissant toutes les nobles aspirations de l’âme, ont affirmé que la grande mission de l’homme dans ce monde et dans les sphères transmondaines était de consommer, de consommer encore, de consommer toujours ; les autres, comme M. Proudhon et ses ignorants disciples, ont voulu emprisonner l’homme sur cette terre en affirmant le néant après la mort, d’autres enfin, comme M. Pierre Leroux et son école, se sont jetés dans un panthéisme souvent inintelligible et toujours ridicule. Je défie le plus profond, le plus habile analyste du monde de trouver au milieu de ce fatras, je ne dis pas une science sociale ; mais même l’ombre d’une science sociale. Là, rien, ne tient, tout est disparate, contradictoire.

Figurez-vous un champ cultivé par des fous et vous aurez une juste idée du socialisme. [...]

Charles Fourier, celui de tous qui a eu les plus grandes prétentions scientifiques, n’a ni assez de sarcasmes, ni assez de grossières injures à déverser contre l’abominable morale [sic]. Il n’y a pas une page des dix gros volumes que ce fou a écrits, qui ne soit remplie d’outrages contre la plus sublime doctrine, la doctrine du Christ [33].

Enfin, la même année, dans Proudhon et son livre, il s’attaque à La Révolution démontrée par le coup d’état de Proudhon. Chauvelot s’illustre également dans la presse. Il est rédacteur au Franc-Juge avec Raymond Brucker. Il devient un ardent polémiste catholique et s’affirme royaliste convaincu. Il écrit au Croisé, dans La Revue de la presse, dans Le Messager de la Charité. En 1870-1871, il dirige La Gazette d’Auvergne. Lors de son décès, il est l’un des rédacteurs de La Revue du monde catholique et de L’Univers en charge des débats législatifs, dont l’un des derniers semble l’avoir éprouvé : « l’autre jour un des nombreux amis que son noble caractère lui avait fait dans la presse conservatrice déclarait que c’était la loi Ferry qui l’avait tué » [34]. L’auteur de sa nécrologie dans L’Univers affirme « qu’il ne connut pas d’ennemis parmi ses plus ardents adversaires, car ceux mêmes qu’il flagellait impitoyablement l’estimaient pour sa rude franchise et son incomparable loyauté » ? Lors de son décès, il réside 127 rue du Cherche-Midi. Il est marié à Rose Eléonore Ferrié, âgée de 45 ans, et est père deux petites filles.