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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Brunier, Charles (François)
Article mis en ligne le 6 mai 2013
dernière modification le 22 novembre 2013

par Desmars, Bernard

Né le 11 septembre 1809 à Lyon (Rhône), décédé le 7 juillet 1872 à Paris (Seine). Dessinateur. Rentier. Rédacteur de La Démocratie pacifique à la fin des années 1840. Gérant de la société exploitant la librairie sociétaire de 1850 à 1861.

Charles Brunier est issu des milieux du commerce et de la fabrique à Lyon (son père est qualifié de « fabricant » dans l’acte de naissance, dont les témoins sont un voisin marchand et un grand-oncle négociant). Probablement a-t-il voyagé en Italie dans les années 1830 ou 1840 ; il fait en tout cas partie, selon Désiré Laverdant, des « amis intimes » du peintre Papety et du musicien Besozzi qui ont effectué pendant cette période de longs séjours à Rome et à Florence ; et il est lui-même l’auteur d’une série de dessins intitulés « paysage d’Italie » et « vue d’Italie » [1].

Habitant ensuite Paris, il apparaît dans la liste des rédacteurs réguliers de La Démocratie pacifique à partir de 1846 et entre au conseil de rédaction du quotidien en 1848 [2]. Il collabore également à l’Almanach phalanstérien de 1851.

Il s’intéresse aussi à l’organisation du mouvement fouriériste comme le montrent plusieurs lettres de 1847-1848 : il souhaite l’attribution d’un « minimum en faveur de certains de nos amis qui ayant rendu des services à la cause et pouvant en rendre encore se trouvent aujourd’hui dans une position fâcheuse » ; il propose aussi la formation d’un « conseil de famille […] composé d’homme hommes en dehors de la direction et de l’administration [de l’École] » afin de faciliter les relations au sein du mouvement phalanstérien [3]. En octobre 1848, lors du banquet tenu à la fin du congrès phalanstérien, il porte un toast « à la République démocratique et sociale » [4].

Après le départ en 1849 de Victor Considerant et François Cantagrel à Bruxelles, et alors que la situation de l’École est devenue très difficile, Charles Brunier, Victor Hennequin et Ferdinand Guillon prennent en charge la gérance de la « société pour la propagation et la réalisation de la théorie de Fourier » formée en 1840 et connue sous la raison sociale société Considerant, Paget et compagnie ; ils lui substituent à partir du 1er janvier 1850 un nouveau nom (société Brunier et compagnie). Cette société, chargée de l’exploitation de la librairie, n’a plus beaucoup d’activités : depuis dix ans, « les opérations se sont à peu près bornées à un travail de liquidation », écrit Brunier en 1861 ; « très peu d’ouvrages ont été édités, quelques manuscrits [de Fourier] entre autres, et deux volumes de M. Toussenel, dont la vente facile a contribué à maintenir un petit mouvement d’affaires ». En 1850 et 1851, les gérants réunissent à trois reprises les actionnaires afin d’envisager les moyens de rétablir la situation financière de la société. Mais à partir de 1852, Brunier, qui se retrouve bientôt seul à la tête de la société (Hennequin meurt en 1854 et Ferdinand Guillon quitte Paris peu après), même s’il bénéficie de l’aide d’Emile Bourdon et d’Aimée Beuque, ne convoque plus d’assemblée générale des actionnaires, mais se contente de les informer de la situation financière de la société par la diffusion de rapports annuels, puis par des articles insérés dans le Bulletin du mouvement sociétaire (1857 à 1860) [5].

Son travail consiste surtout à régler les importantes dettes de l’École tout en s’efforçant d’apaiser les récriminations des militants, et, pour les premières années, de répondre aux demandes d’argent et de renseignements de Cantagrel et Considerant [6]. Pour éviter une liquidation brutale, au début des années 1850, et afin de sauvegarder « l’honorabilité commerciale de la société et des noms engagés », il puise alors, de même que Bourdon et Baudet-Dulary, dans ses ressources personnelles pour satisfaire les créanciers et permettre à la librairie de subsister. En 1860, la société Brunier et Cie ne doit plus de l’argent qu’à ces trois hommes (24 000 francs à Brunier ; 14 000 francs à Baudet-Dulary et 11 000 francs à Bourdon) [7].

Parallèlement à la gestion des affaires phalanstériennes, et pendant cette période d’inactivité de l’Ecole, Brunier, comme plusieurs de ses condisciples, découvre et pratique le spiritisme ; dans le récit qu’il a donné des séances spirites pratiquées rue de Beaune, Eugène Nus indique que Brunier prenait alors un crayon qu’il laissait écrire sous la dictée des esprits, et qu’il est ensuite devenu un « medium écrivain » [8]. Par ailleurs, Brunier s’intéresse au projet d’installation au Texas et envisage en 1854 de consacrer 10 000 francs à l’achat de terres et 2 000 francs à la société de colonisation ; il fait partie, avec Bourdon, Allyre Bureau et Guillon, de « l’agence provisoire » constituée à Paris [9]. Il se marie en 1855 avec Louise Joséphine Desmazures, née à Neuilly en 1813 et dont le père était alors directeur général des lits militaires [10].

Parfois qualifié « d’homme de lettres », ou encore d’artiste – on a déjà vu qu’il dessine –, Brunier est cité parmi les futurs collaborateurs de la Revue moderne, un périodique que plusieurs fouriéristes envisagent de publier en 1857. Ce périodique paraît effectivement pendant une année, mais l’on n’y trouve pas la signature de Brunier [11].

La société de 1840 ayant été créée pour vingt années, elle arrive au terme de son existence en 1860. Brunier s’occupe alors de sa liquidation définitive ; en novembre 1861, une assemblée générale des actionnaires prononce la clôture des opérations de la société, qui affiche alors un passif supérieur à 50 000 francs alors que l’actif ne se monte qu’à 20 000 francs environ [12]. Brunier renonce alors à aux sommes qu’il a avancées dans la décennie précédente (la société lui doit 27 540 francs, soit 24 000 francs de capital et 3 540 francs d’intérêts) ; le fonds est cédé aux deux autres créanciers de l’Ecole (Bourdon et Baudet-Dulary) qui le revendent eux-mêmes à François Barrier dont l’objectif est, à partir de la librairie, la réorganisation du mouvement phalanstérien. Affecté par des problèmes de santé, Brunier reste toutefois à l’écart des initiatives prises par Barrier pour reconstituer l’École et relancer la propagande fouriériste.

Lors du banquet du 7 avril 1873, Charles Pellarin consacre quelques mots à Brunier, décédé l’été précédent, qui « accepta dans un moment critique et difficile la gérance de La Démocratie pacifique[en réalité, il s’agit de la gérance de la librairie], et se signala par d’importants sacrifices en faveur de la cause sociétaire à laquelle il demeura toujours attaché » [13].