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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

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BOURG Dominique : Les scénarios de l’écologie (1996)

Suivi d’un débat avec Jean-Paul Deléage, Paris, Hachette, 1996, 144 p.

Article mis en ligne le décembre 1996
dernière modification le 4 avril 2007

par Ucciani, Louis

Il n’est certes pas ici question de Fourier, mais on ne peut à la lecture de ce petit livre, qui présente d’une façon claire et pertinente les enjeux de la pensée écologique, oublier Fourier. Le livre et c’est son grand mérite situe la pensée écologique dans son contexte historique et économique. S’appuyant sur les données de la philosophie politique et notamment sur Adam Smith, Dominique Bourg rappelle que l’idéologie économique qui « désigne la conception de la société qui est à l’origine et au fondement des sociétés occidentales, industrielles et modernes » s’articule autour des trois pôles que sont l’individu, la production et l’autonomie des activités économiques. Cette idéologie en crise voit ses trois pôles être contestés et discutés. Nous retrouvons la critique de l’individualisme, “la crise structurelle de l’emploi“. Sur le dernier versant qui envisageait l’autonomie de l’économie et particulièrement vis-à-vis de la nature qui apparaissait comme « inaltérable, indestructible et impérissable », la crise vient montrer que ce qu’on croyait illimité ne l’est que très peu : « le cadre de nos activités économiques, c’est-à-dire l’écosphère, nous apparaît bien plutôt comme fini et limité ». C’est sur le fond de cette crise de l’idéologie économique que Dominique Bourg situe l’origine de la pensée écologique : « elle donne lieu à des constructions variables, susceptibles d’être réparties selon leur degré de rejet de l’idéologie économique ».

Trois modalités du rejet se dessinent que l’auteur envisage avec une précision étonnante, pour un ouvrage de vulgarisation. Le troisième moment qu’il nomme écologie démocratique est assez bien connu, même si Dominique Bourg remarque avec pertinence qu’il est « très difficile de cerner ce que pourrait bien être une société écologique et démocratique ». Les auteurs de référence en sont Illich, autour de la notion de convivialité, Gorz avec ce qu’il nomme la norme du suffisant, et Van Parijs ou le développement de la sphère autonome. Mais si nous avons pu penser à Fourier c’est surtout à propos des deux autres moments. Celui du refus radical de l’idéologie économiste, ou Deep ecology, autour de deux penseurs peu connus ici, à savoir Aldo Leopold et Arne Naess, ou celui décrit comme “scénario autoritaire” autour du principe de responsabilité de Hans Jonas. La combinaison de ces trois pensées se laisse lire, même et surtout dans ses débordements les plus extrêmes, comme un prolongement de la perspective fouriériste. Nous trouvons en effet le même rejet de la “civilisation” et de ses principes républicains dans les “droits de l’homme”, la même perception des singularités s’harmonisant dans le respect de leur tendances. Ainsi la « conception (de Naess) essentiellement holiste de la nature conçue comme un vaste réseau d’interdépendances où le tout prime sur les parties », ou celle de Leopold « une éthique de la terre fait passer l’homo sapiens du rôle de conquérant de la communauté-terre à celui de membre et citoyen parmi d’autres de cette communauté » retrouvent-ils les mots de Fourier. Dans Détérioration matérielle de la planète  [1] on peut lire en effet : « S’il est vrai que tout soit lié dans le système de l’univers, il doit exister unité entre le matériel et le passionnel, et influence respective de l’un sur l’autre ; le désordre passionnel doit amener le désordre matériel, et vice versa. Si donc une planète croupit trop longtemps dans la subversion sociale ou état de lymbe Civilisée, Barbare, Patriarchale et Sauvage, le matériel du globe en est affecté, il doit décliner en température, s’appauvrir en produits et en facultés ».