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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

45-48
Extrait de la lettre envoyée par Madame Vigoureux et Monsieur Considerant aux soeurs de Charles Fourier
Article mis en ligne le décembre 1997
dernière modification le 29 octobre 2004

...

Vous connaissez le caractère de votre frère ; jusqu’à sa mort il a persisté à refuser les soins exigés par son état.

Nous avons fait tout ce qu’il a permis, et notre affliction profonde était, depuis longtemps, qu’il ne permît pas davantage.

Sa santé a commencé à péricliter au dernier mois de janvier, et bientôt nous l’avons vu baisser avec une rapidité terrible. Nous croyons néanmoins que, s’il s’était prêté aux soins qui lui étaient offerts avec la plus tendre sollicitude, nous l’aurions conservé encore parmi nous. Ses amis et ses disciples voyaient avec la plus grande douleur approcher sa fin ; bien des personnes auraient racheté sa santé au prix de leur sang. Madame Vigoureux, dont vous savez l’ancienne et pieuse affection pour votre frère ; madame de B... dont les soins aussi ont été pour lui ceux de la piété filiale la plus continue et la plus vive ; les vœux ardents et le dévouement de tous ses disciples, rien n’a pu maîtriser le mal qui l’emportait, et contre lequel il ne voulait agir que par l’énergie de sa volonté puissante.

Les beaux jours de l’été l’avaient un moment ranimé ; mais aux mauvais temps de septembre il prit le lit, et tout espoir fut bientôt perdu.

Les rapports des docteurs Simon et Chapelain vous feront connaître avec détails le cours de la maladie. Le docteur Simon a fait pour votre frère tout ce qu’un médecin plein de dévouement aurait pu faire pour son propre père, et le docteur Chapelain, ami et disciple, qui s’est joint à M. Simon dans les derniers temps de la maladie, a droit avec lui à notre vive reconnaissance.

Votre frère ne voulut pas, dans les derniers moments, accepter un lit chez mesdames Vigoureux et de B..., ni se transporter dans une maison de santé, ni laisser veiller une garde volontaire ou mercenaire auprès de lui. « Je n’ai pas besoin d’être veillé, répondait-il de l’accent de sa volonté ; je suis bien ici. J’aime à être seul ; je ne veux pas donner de la peine pour moi ». Madame Vigoureux et M. Considerant n’avaient obtenu qu’avec de grandes difficultés qu’il permît à madame Delahaye, sa portière, de monter fréquemment auprès de lui. Cette femme s’est conduite avec le dévouement que la fin prochaine d’un pareil homme inspirait à tous ceux qui en étaient témoins. Tous les jours et à chaque heure, de 5 heures du matin à minuit, elle montait dans la chambre et veillait à tous les besoins.

Le 8 et le 9 octobre, votre frère semblait aller un peu mieux ; il causait avec nous comme toujours et dans toute la liberté d’esprit qu’il n’a pas perdue d’ailleurs un seul instant. La portière le quitta à minuit ; il lui avait parlé comme à l’ordinaire et dit bonsoir.

Le lendemain, elle monta à cinq heures du matin ; elle le trouva mort.

Madame Vigoureux et M. Considerant, avertis par les soins de cette femme que M. Fourier allait très mal, arrivèrent en toute hâte. Une femme, dans la cour, leur dit qu’il était mort.

M. Considerant et Madame Vigoureux montèrent. Madame Vigoureux attendit dans l’antichambre que M. Considerant eût remis et couvert le corps dans le lit ; puis elle entra et vint fermer les yeux du mort. Un moment elle voulut croire qu’il n’était pas mort, car la figure qu’elle touchait n’étais pas encore refroidie.

M. Considerant alla déclarer le décès à la mairie du 3e arrondissement, fit apposer les scellés, et, avec l’aide de M. Blanc, préparer les funérailles. Le soir, par ses ordres et sous la surveillance de M. Daly, la tête du mort fut moulée, avec le plus grand soin, par Micheli. Le lendemain matin, le corps fut embaumé par Gannal, l’autopsie faite par les docteurs Simon et Chapelain, le cerveau et la face intérieure de la boîte osseuse moulés par un ouvrier spécial.

Vers deux heures, la rue Saint-Pierre-Montmartre se remplit de ceux qui venaient rendre les derniers devoirs à votre frère.

À trois heures le service funéraire fut célébré, sur le corps, à l’église des Petits-Pères ; et après, le convoi s’achemina vers le cimetière Montmartre, où les restes de CHARLES FOURIER, renfermés dans un cercueil de plomb, recouvert d’un cercueil de chêne, furent déposés en terre, au milieu d’un grand deuil.

Ces restes attendent les honneurs suprêmes qui leur seront rendus par le Globe, après sa délivrance.

Nous avons fait, dans ces moments solennels et terribles, tout ce que pouvait la piété la plus profonde. Nous avons conservé à l’humanité tout ce qui pouvait lui être conservé de la dépouille mortelle de l’HOMME DE CETTE TERRE.

Avec les empreintes et les portraits d’après nature que nous possédons, avec les précautions solennelles que nous prendrons, nous léguerons authentiquement et sans altération possible son image aux âges futurs.

La sépulture

Nous ne pouvons pas aujourd’hui élever le tombeau de Charles FOURIER. Ls Pouvoirs sociaux actuels eux-mêmes, le voulussent-ils, ils ne le pourraient pas. Le tombeau du REVELATEUR des lois de DIEU sur les Destinées universelles est réservée à la capitale du Globe. Là, quand l’Humanité sera constituée dans son Unité, un monument plus grand que les plus grands monuments du monde s’élèvera par le concours de tous les peuples de l’Univers pour recevoir le Corps et marquer le centre social du Globe transfiguré et rayonnant de gloire. Les temps où ces choses s’accompliront sont proches.

Aujourd’hui nous avons résolu de couvrir le lieu de la sépulture avec une simple pierre, sur laquelle on lira l’inscription suivante :

ICI SONT DEPOSES
LES RESTES DE
CHARLES FOURIER

***

LA SERIE DISTRIBUE
LES HARMONIES.

LES ATTRACTIONS SONT PROPORTIONNELLES
AUX DESTINEES

Le Corps demeurera sous cette pierre jusqu’au moment où les moyens de la Réalisation Sociétaire étant rassemblés, nous pourrons fonder en sûreté le premier élément d’Harmonie sur un sol protégé par sa présence. Sur cette terre consacrée, dévoués sur le Sépulcre du REDEMPTEUR, nous accomplirons son œuvre.

La Phalange, novembre 1837