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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Carlet, Hubert
Article mis en ligne le 7 juin 2015
dernière modification le 14 décembre 2015

par Chérouvrier, Daniel, Sosnowski, Jean-Claude

Né le 27 janvier 1814 à Arcis-sur-Aube (Aube). Décédé le 23 mars 1880 à Arcis-sur-Aube. Magistrat dans l’Aube, conseiller à la Cour d’appel de Paris à son décès. Auteur d’une brochure sur Fourier et son système d’après l’ouvrage de Zoé Gatti de Gamond. Collaborateur de Jan Czynski.

Une carrière de magistrat ralentie par son indépendance politique

Il est le fils d’Honoré-Prudent Carlet (dit Carlet-Ludot), marchand de draps aisé à Arcis-sur-Aube et d’Elisabeth Joseph Bérey, décédée deux jours après sa naissance. Le 10 juin 1839 à Arcis-sur-Aube, il épouse la fille d’un marchand de la localité Virginie Elisa Lasnier. Au moins deux enfants naissent de ce mariage.

Après des études de droit à Paris où il réside lors de son mariage, il débute sa carrière en 1839 comme juge suppléant à Arcis-sur-Aube. En 1845, il devient substitut du procureur royal. Il se plaint régulièrement des lenteurs de sa carrière qu’il attribue au commencement par l’opposition du député d’Arcis-sur-Aube le polytechnicien Jean-François Armand. La famille Carlet soutient un opposant appartenant à la famille de Colbert-Chabanais. Dès sa nomination, Hubert Carlet aurait dû être inscrit par le préfet sur la liste électorale de l’Aube. Le préfet omet de le faire, sans qu’on puisse déterminer la part de négligence ou la volonté délibérée. Le tribunal constate la faute du préfet mais ne rétablit pas Carlet dans son droit, pour des questions de procédure (délai dépassé et demande non effectuée directement auprès du préfet) [1]. Son dossier administratif [2] contient également de nombreuses lettres qu’il écrit pour obtenir des promotions et justifier les conflits qu’il entretient avec les autorités politiques qui ne respectent pas son statut de magistrat indépendant. Le 20 mars 1848 la République lui permet enfin d’accéder aux fonctions de procureur à Arcis-sur-Aube. Puis, il accepte de prêter serment de fidélité à l’Empereur Napoléon III mais exerce ses fonctions avec retenue selon le propos tenu en 1880 par son ami d’enfance le colonel député et sénateur de l’Aube Tézenas lors de ses obsèques religieuses :

il représentait la loi, alors que la loi était foulée aux pieds ; il représentait la justice alors que la justice était méconnue ; dans une position si difficile, si délicate pour lui, il sut concilier son devoir avec les idées libérales dont il a toujours été animé. Grâce à lui, Arcis n’a connu que par oui dire les condamnations iniques, les déportations sans jugements qui vinrent frapper d’honnêtes citoyens suspects seulement de haine contre le despotisme. […] bien des gens ne sauront jamais les persécutions que leur a évitées, les services que leur a rendus celui de leurs concitoyens que nous pleurons en ce moment [3]

En novembre 1857, procureur impérial toujours à Arcis-sur-Aube, il est promu président du tribunal de Nogent-sur-Seine (Aube).
Carlet est conseiller municipal d’Arcis-sur-Aube de 1853 à 1860 (son père l’était avant la Révolution de février 1848), puis conseiller municipal de Nogent-sur-Seine en 1863. Il refuse alors de participer à la campagne législative du candidat officiel dans l’arrondissement, opposé à un membre de la famille Casmir Perrier. Soucieux de faire respecter l’indépendance de la justice, il se plaint d’être traité comme un simple commissaire de police. Les menaces répétées du Préfet de l’Aube et du sous-préfet depuis 1861 ne le font pas plier.Le sous-préfet de Nogent sur Seine, dans une « notice individuelle » [4] établie en 1863 avant le renouvellement du Conseil d’arrondissement, relève qu’il est « très instruit » et doté d’une « intelligence remarquable ».

Il jouit d’une grande et légitime considération due à sa valeur personnelle, à sa fortune et aux bons souvenirs qu’il a laissé au parquet du tribunal d’Arcis.

Mais son influence est « amoindrie ». Après avoir été orléaniste, il est devenu « orléano-républicain », proche de l’ancien représentant de l’Aube à la Constituante de 1848 Nicolas Lignier, « auquel il a dû, en 1848, sa nomination de procureur de la République ». Il conclut que « son concours dans tous les cas est plus que douteux ». Carlet accepte toutefois de ne pas se représenter au conseil d’arrondissement d’Arcis-sur-Aube où il siégeait sans discontinuité depuis 1845. Il doit accepter une mutation à Etampes (Seine-et-Oise, auj. Essonne) le 29 avril 1863. Le 17 avril 1867, l’un de ses amis Alexandre, conseiller, écrit au Secrétaire général du Minitère de la Justice :

Carlet n’est point un homme brillant, mais c’est un excellent juge, il voit bien le droit [5].

Grâce à cet appui, en mai 1867, il devient président du tribunal civil de la Seine.
Le retour de la République améliorent également le jugement porté sur ses compétences. En 1875, une note le décrit comme un :

magistrat intelligent, expérimenté, homme d’affaires plus que jurisconsulte, exercé depuis plusieurs années à la Présidence des audiences parisiennes, ayant à un degré peu commun l’allure et le ton de l’autorité nécessaire […] [6].

Le 25 avril 1875, Casimir-Périer écrit également :

M. Carlet est un homme d’un caractère des plus agréables, il unit à la fermeté, la modération et l’indépendance d’un vrai magistrat. Il l’a prouvé sous l’Empire. Je connais M. Carlet depuis plus de vingt ans, j’ai beaucoup d’estime pour lui et je le crois tout à fait digne d’une Présidence de chambre à Paris [7].

Il est ainsi choisi pour les fonctions de vice-président de la chambre temporaire du tribunal civil de la Seine le 18 mai 1875 et est confirmé le 7 août 1875. En août 1877, il est nommé conseiller à la Cour d’appel de Paris.

Carlet est membre correspondant de l’Institut historique en 1843. Il est promu chevalier de la Légion d’honneur le 4 février 1880. Décoré à compter du 9 mars, il reçoit sa médaille le 17 mars, mais décède peu avant de recevoir le brevet remis le 16 avril à son fils Léon, alors sous-préfet d’Ancenis. Ce dernier en 1886, comme son frère Jules Henri, avoué honoraire, président de la Société de secours mutuels du 1er arrondissement de Paris en 1901, est également promu chevalier de la Légion d’honneur. Hubert Carlet réside à Paris, 13 rue des Saints-Pères et décède dans sa maison d’Arcis-sur-Aube, 12 rue de Troyes.

Collaborateur de Jan Czynski

En 1837, il contribue à La Russie pittoresque de Jan Czynski, illustrée par Jean-Baptiste Gatti. En 1838, il publie dans Le Journal de l’Aube un article critique de l’ouvrage de Zoé Gatti de Gamond, Fourier et son système. La Phalange en vante la rédaction :

Aussi cet article, écrit avec autant de facilité que de talent et de conscience, constitue-t-il un petit abrégé de la Théorie sociétaire [8].

Carlet, convaincu par sa lecture, « exprime ses convictions subites sur la doctrine » [9]. L’éditeur Desessart publie également son texte en préambule du second volume du Roi des paysans de Jan Czynski et de Zoé Gatti de Gamond. Il en fait également l’éloge :

Jamais dans un cadre si étroit le système de Fourier n’avait été présenté d’une manière aussi lucide [10].

L’article est réédité sous l’intitulé Petit résumé de la théorie de Charles Fourier chez Malatier, selon Le Nouveau Monde qui annonce la parution d’une cinquième édition en avril 1840. Une sixième édition parisienne de la brochure est programmée selon L’Almanach social pour l’année 1841 sous le titre de Petit résumé de la science sociale. Une septième édition publiée par les soins de Jean Journet est également prévue à la même époque à Bruxelles [11].

Il est l’un des rédacteurs du journal L’Association, journal régional et revue de la Champagne publié en 1840, supplément du journal L’Aube créé par son propriétaire et rédacteur en chef Théodore-Alphonse Bayle en 1839. Il est en charge de la partie « Economie sociale »aux côtés de ses amis Jan Czynski et Mme Zoé Gatti de Gamond sous le nom L. Carlet juge-assistant au tribunal d’Arcis-sur-Aube, L. Carlet pour Lasnier-Carlet, du nom de son épouse.
Fin 1840, Carlet s’abonne pour une année à La Phalange. Il renouvelle cet abonnement pour une nouvelle année en décembre 1841.
Si aucune autre activité publique en lien avec le mouvement phalanstérien n’est connue au cours de la décennie, Carlet reste en contact avec les phalanstériens. Sa nomination aux fonction de procureur de la République est probablement le fruit de l’intervention de Jan Czynski qui le recommande à Crémieux, ministre de la Justice, soit pour être maintenu comme substitut à Arcis-sur-Aube, soit pour remplacer le procureur en fonction si celui-ci est révoqué :

Je connais Mr Carlet depuis longtems [sic], il a été mon collaborateur, c’est un homme de bien et qui a des moyens. On peut se fier à sa parole et à son intégrité [12], souligne Czynski.

Lors de ses obsèques, aucun discours ne mentionne ses attaches avec le mouvement phalanstérien.