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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Glorget Louis-François
Article mis en ligne le 5 septembre 2015
dernière modification le 3 septembre 2015

par Desmars, Bernard

Né le 21 février 1824 à la Chapelle Saint-Quillain (Haute-Saône). Maître d’études à Libourne, Bordeaux, Angoulême, puis commis d’économat et économe en lycée, à Coutances (Manche). Frère de Jean-Baptiste Glorget, professeur et également fouriériste.

Fils d’un aubergiste, Louis François obtient son baccalauréat es lettres ; il est maître d’études de 1843 à 1846 à Libourne (Gironde), où enseignent également ses condisciples François Antoine Boullet depuis 1841 et Auguste Thérault à partir de l’automne 1844. En 1846, il rejoint le « collège royal » (c’est-à-dire le lycée) de Bordeaux.
Dès ces années 1840, il est un disciple de Fourier. Il entre en relation avec Jules Duval, venu à Bordeaux faire des conférences lors desquelles il expose la théorie sociétaire. Il lui propose de faire un détour par Libourne et d’y rencontrer ses amis.

On s’occupe à Libourne de votre cours de Bordeaux, et il y a en ce moment une fermentation qu’il serait très avantageux d’exciter. Pour cela, vous nous consacrerez une soirée dans un café, en buvant la bière ou autre chose. Ce sera une petite exposition sans bruit, en petit comité, en famille, pour ainsi dire. Nous serons six phalanstériens, plus une quinzaine de civilisés, qui ont de la sympathie pour nos principes, mais ne s’y rallient pas. Dans une réunion, il suffit d’un de ces mouvements électriques si communs pour rallier définitivement des personnes qui déjà se rapprochaient et s’entendaient sur beaucoup de points » [1].

En octobre 1847, il est affecté au lycée d’Angoulême. Mais c’est de Libourne qu’il écrit à la rédaction de La Démocratie pacifique, le 1er mars 1848, pour décrire la façon dont, localement, on a vécu la nouvelle de la chute de la monarchie de Juillet et de l’instauration d’un régime républicain :

Les Phalanstériens sont les seuls hommes à Libourne qui aient fait éclater leur joie, qui aient salué ouvertement à la première nouvelle le triomphe de la liberté sur le despotisme.

Le groupe de Libourne est peu nombreux, mais il est énergique ; et tout ce que l’amour de l’ordre, tout ce que le courage civique peut inspirer, il est prêt à l’entreprendre. Nous seuls ici, avons des plans d’organisation, et par conséquent, seuls nous avons foi dans l’avenir.

La Démocratie pacifique a été lue hier par plus de 500 personnes ; plusieurs devaient prendre des abonnements ; quand j’ai voulu les inscrire et m’en charger, ils ont reculé par … avarice ou peut-être par crainte de réactions … quelle force d’âme !

La bourgeoisie a été foudroyée par la dépêche télégraphique qui annonça la proclamation de la République et la chute du trône. Il faut avoir vu ces hommes transformés en cadavres pour comprendre jusqu’à quel point l’amour de l’or et la crainte de le perdre, bouleverse le physique et le moral des rentiers et négociants civilisés. Si l‘on eut dit : La ville de Libourne va être mise à sac ! la stupeur n’eut pas été plus grande.

Le lendemain 25, un bruit se répandit que Paris était assiégé par 110 mille hommes, le roi, Bugeaud et Lamoricière en tête ; et qu’on allait le bombarder si dans 24 h les insurgés n’avaient pas posé les armes. L’espérance irradie dans tous ces cœurs transis de la manière la plus subite, et ces spectres de la veille furent transformés en Vandales sanguinaires. Ha ! ha ! disaient-ils, dans 24 heures, on va écraser ces forcenés, ces pillards, sous les bombes ; le procureur du roi se frottait les mains en colportant cette terrible nouvelle. Les héros de barricades étaient des forçats libérés, des pillards, des forcenés, etc. Les membres du gouvernement provisoire étaient des ultra-radicaux, des communistes, des hommes perdus de dette, etc. J’ai défendu avec calme le peuple parisien et les membres du gouvernement, j’ai protesté contre les imputations qu’on voulait faire planer sur les soldats de la liberté, ainsi que nos amis.

Nous avons donc dû refouler dans nos cœurs l’indignation qu’un tel langage, qu’un tel ultimatum, qu’une joie aussi féroce y firent naître…. Dans une réunion qui eut lieu à la sous-préfecture le colonel proposa de marcher sur Paris avec le 1er dragon ; mais le maire, le sous-préfet et les autres avaient une peur effroyable de se trouver seuls en face du peuple, et les dragons restèrent à Libourne. Nous attendîmes avec anxiété les journaux du vendredi 25, ils arrivèrent dimanche 27 à 10 h du matin ne parlant nullement du siège de Paris. Alors tous les Vandales redevinrent spectres. Ils avaient revu l’ombre de Marat !

Cependant, ne voyant pas arriver la guillotine ni les brigands, ils reprirent leurs sens peu à peu et maintenant ils ont la force d’entonner le chant du départ et de crier Vive la République ! J’ai crié miracle ! Tout ce que je vous dis dans cette lettre est ponctuellement vrai. Aujourd’hui 1er mars, la République a été proclamée devant l’Hôtel de Ville au milieu des vivats de la garde nationale, du peuple et des dragons avec un grand appareil. Le sous-préfet pâle comme la mort a crié Vive la République, le maire a crié aussi et une foule d’autres qui, quatre jours avant, ne pouvaient pas entendre ce mot sans éprouver un frisson d’horreur !

[…]

Que le gouvernement provisoire ne fasse pas la faute impardonnable de laisser le sous-préfet, le maire et le procureur du roi à la tête d’un arrondissement comme celui-ci surtout lors des assemblées primaires. Partout on doit le plus tôt possible éliminer les hommes du passé !

Agréez mes salutations amicales et mes affections sympathiques.

Votre tout dévoué frère en Fourier

Glorget, maître d’études à Libourne [2].

Au collège puis lycée d’Angoulême, Glorget est maître d’études, puis maître répétiteur ; mais d’après le proviseur, il consacre une part croissante de ses loisirs à l’économat du lycée, à partir d’octobre 1848, à la satisfaction de l’économe et du proviseur. Au début des années 1850, il souhaite abandonner les activités d’enseignement pour un poste de commis d’économat. Il obtient satisfaction en 1854, au lycée de Montpellier où il reste jusqu’en 1857. Il exerce ensuite les mêmes fonctions à Coutances (1857-1862) avant d’entrer dans l’administration centrale du ministère de l’Instruction publique et des Cultes (1862-1865), puis de retourner, mais cette fois comme économe, à Coutances (1865-1877) [3].

Dans les notices individuelles rédigées par ses supérieurs, disponibles pour le Second Empire et la Troisième République, il apparaît comme un fonctionnaire « zélé », remplissant sa tâche avec « exactitude ». C’est un « économe intelligent et capable, comptable exact et consciencieux » et « sa conduite est irréprochable » [4] ; « il a de l’autorité chez les gens de service. Ses relations avec le proviseur, avec les maîtres et avec les familles sont excellentes. Il est actif et laborieux », il a « un caractère aimable » et « jouit de l’estime générale » à Coutances, selon le proviseur [5]. Cela lui permet de devenir officier d’académie au début des années 1870. Il n’existe aucune allusion, pendant toute cette période, à ses convictions fouriéristes [6].

A la fin des années 1860, pourtant, il est en relation avec le Centre sociétaire qui, sous la direction de Barrier, s’efforce de réorganiser le mouvement fouriériste. Il est abonné à La Science sociale. Dans la décennie suivante, il prend une action dans la société qui exploite la Librairie des sciences sociales (il se fait généralement représenter par son frère Jean-Baptiste lors des assemblées d’actionnaires) et s’abonne au Bulletin du mouvement social [7]. Il apporte aussi sa contribution financière à la Maison rurale de Ry, du docteur Jouanne [8].

Au milieu des années 1870, l’état de santé de Louis-François Glorget se dégrade et il remplit moins efficacement ses fonctions. En 1877, souffrant de la maladie de la gravelle et atteint de surdité, il obtient sa mise à la retraite. Il reste pendant quelque temps à Coutances, puis rejoint La Chapelle Saint-Quillain, sa commune natale. Il y vit toujours lors du décès à Paris de son frère Jean-Baptiste, en 1888 [9].