Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Crépu, (Jean-Baptiste) Albin
Article mis en ligne le 18 décembre 2015
dernière modification le 8 décembre 2016

par Desmars, Bernard

Né le 15 juin 1799 à Grenoble (Isère), décédé le 17 février 1859 dans la même ville. Médecin homéopathe et conservateur du Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble. Abonné à La Phalange, actionnaire de sociétés fouriéristes, membre du groupe phalanstérien grenoblois.

Le père d’Albin Crépu est d’abord un fonctionnaire de l’administration militaire, successivement qualifié de contrôleur des transports militaires (lors de la naissance de son premier fils, Alexandre, en l’an IV), puis de « vérificateur des étapes » (an IX, lors de la naissance d’Albin) ; il devient ensuite avocat et exerce un moment la fonction de bâtonnier de l’ordre des avocats [1].

Albin Crépu, par Diodore Rahoult (coll. du Muséum d’histoire naturelle de Grenoble).

Zoologie, botanique et médecine homéopathique

Albin Crépu devient en 1825 conservateur du Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble. Il est réputé pour ses qualités de taxidermiste et pour ses compétences en ornithologie [2] ; il rédige en 1826 un travail sur les oiseaux du Dauphiné [3]. A partir de 1827, il dispense également un cours de botanique au Jardin des plantes de Grenoble, dont il devient le directeur en 1842 [4].

Parallèlement, il fait des études de médecine à Montpellier où il obtient le doctorat en 1832. Il pratique l’homéopathie dont il s’efforce de diffuser les principes à Grenoble. Il s’intéresse aussi – apparemment très ponctuellement et sans beaucoup de réussite – au magnétisme, toujours dans une perspective thérapeutique [5].

Les résultats auxquels il parvient auprès de ses patients ainsi que son activité en faveur de l’homéopathie lui valent une certaine notoriété dans les milieux favorables à la nouvelle doctrine et en particulier dans les associations et les périodiques qui la propagent. Dans la Bibliothèque homœopathique, un périodique publié à Genève, un médecin de Valence fait l’éloge de son confrère « qui pratique avec de si brillants succès à Grenoble » [6]. Selon l’auteur d’un rapport présenté en 1834 devant la Société homœopathique gallicane,

Grenoble mérite d’être signalé comme un autre centre d’où rayonnent les connaissances homœopathiques. Le docteur Crépu, professeur de botanique, non seulement l’y pratique avec succès, mais il a entraîné, par ses conseils et ses exemples, plusieurs autres médecins, et il a autour de lui des élèves qu’il anime de son zèle et qu’il nourrit des principes de la science [7].

En septembre 1834, Albin Crépu participe au congrès de la Société homœopathique gallicane, qui réunit des médecins français et des médecins suisses ; il y présente le cas d’une patiente souffrant d’une phtisie pulmonaire « déclarée incurable par plusieurs médecins », mais dont il a obtenu la guérison [8]. Il publie vers 1835 une brochure dans laquelle il répond aux critiques émises par l’Académie de médecine, accusée de méconnaître la doctrine qu’elle vient de condamner [9].

Au printemps 1839, l’un de ses confrères suisses, lui-même disciple de Hahnemann, effectue un bref séjour en France, qu’il relate lors d’une séance de la Société homœopathique lémanienne :

J’ai bientôt atteint Grenoble, où m’attendaient l’amitié et le talent du savant et brave CREPU. Vous savez tous, Messieurs, quelles lances a rompu ce professeur en faveur de notre doctrine, et comment il a réduit au plus profond silence ses dénigreurs, en les qualifiant publiquement de CALOMNIATEURS. Le Dr CREPU marche dans la voie qu’il s’est ouverte, et il y marche à front découvert [10].

Le Dr Crépu fait paraître en 1840 un Dialogue entre un docteur homœopathe et un allopathe. Le texte constitue une critique virulente de la médecine allopathique, qui manque « d’une loi générale d’application thérapeutique » et qui « marche à l’aventure selon l’impression du moment, et ne procède jamais, vu au grand jour, qu’avec inconséquence et divagation » [11]. Après avoir dénoncé « les procédés usuels et routiniers » et les « vieilleries médicales » des allopathes, le médecin homéopathe – c’est-à-dire Crépu lui-même – ajoute :

Depuis dix ans j’étudie, je professe et je pratique l’homœopathie. Elle seule m’a offert tous les caractères de la science et a fait s’évanouir le cruel scepticisme médical qui s’était antérieurement saisi de ma pensée [12].

Sa pratique homéopathique lui attire apparemment les faveurs de nombreux patients dans la capitale iséroise. Ainsi, quand, en 1836, certains affirment qu’il ne garde la direction du Cabinet d’histoire naturelle que pour des raisons financières, il peut répondre au maire de Grenoble :

Mon intérêt personnel ne se trouve point lié à de petites places misérablement rétribuées. Mon énorme clientèle et ma réputation médicale me mettent suffisamment à l’abri de tout soupçon à cet égard [13].

A la fin des années 1830, il doit d’ailleurs se faire aider pour suivre ses patients, constate son confrère suisse :

Ses occupations scientifiques et pratiques ne lui laissant pas le loisir nécessaire aux visites en ville, il a désiré s’adjoindre un confrère, et il a fait un choix excellent dans la personne du Dr Juvin [14].

Juvin, également fouriériste, vient alors de soutenir une thèse à la faculté de Paris, dans laquelle il exprime son adhésion aux principes homéopathiques. Crépu l’en félicite dans une longue lettre publiée dans la Bibliothèque homœopathique. Il y dénonce une nouvelle fois l’allopathie (« la vieille médecine ») et affirme la prochaine victoire de l’homéopathie :

Plus j’étudie, plus j’expérimente, plus je pratique, et plus profondément aussi s’enracine en moi cette conviction que la loi des semblables est appelée dans l’avenir à régir le monde médical tout entier. Encore un peu de temps, encore quelques efforts de la part des hommes progressifs qui l’ont mise en lumière, et la foule des jeunes médecins en fera la base de ses méditations physiologiques et thérapeutiques [15].

Membre du groupe phalanstérien de Grenoble

L’adhésion d’Albin Crépu à l’École sociétaire remonte au moins au début des années 1840. Il est un des actionnaires de la Société du 10 juin 1840 – en 1843, il possède une action de 500 francs [16]. Il est abonné à La Phalange [17]. En novembre 1844, François Cantagrel séjourne en l’Isère, dans le cadre d’une tournée dans le Sud-Est. Il s’agit notamment pour lui de rencontrer ses condisciples et de leur demander leur opinion sur La Démocratie pacifique, le journal fouriériste qui paraît depuis un peu plus d’un an, mais dont la situation financière est mauvaise : « à Grenoble, Crépu, Théodore Guigonnet, Petit, le dévoué capitaine Guillot ont voté le maintien du journal » [18]. Cantagrel incite ses condisciples grenoblois à se « voir souvent » en leur présentant « tous les bons résultats de ces rencontres ». Un groupe phalanstérien se forme alors au chef-lieu de l’Isère ; « des réunions hebdomadaires [sont] établies chez le docteur Crépu ». Mais cela ne dure guère d’après l’un des fouriéristes grenoblois qui écrit en septembre 1845 à son condisciple brestois Guiastrennec : « nous sommes retombés dans l’isolement » [19].

Au milieu des années 1840, alors que la municipalité grenobloise envisage la transformation du Cabinet d’histoire naturelle en véritable musée, l’indépendance revendiquée par Crépu dans sa gestion de l’établissement et l’orientation qu’il lui donne – privilégier les collections alpines au détriment de l’ouverture à des collections étrangères – sont contestées, notamment par Hippolyte Bouteille qui convoite sa place. Crépu doit abandonner son poste de conservateur en 1847 (Bouteille lui succède). Deux années plus tard, ses fonctions (direction et cours) cessent au Jardin botanique [20].

Il participe dans les premiers mois de 1850 à la création d’un restaurant sociétaire, dont l’initiative revient au conseil municipal, mais dont la formation est soutenue par les milieux réformateurs locaux [21].

Albin est le frère d’Alexandre Crépu, carbonaro sous la Restauration, avocat et journaliste républicain sous la monarchie de Juillet, élu représentant de l’Isère à l’Assemblée constituante en avril 1848.