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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Tiquet, (Jean-) Pierre
Article mis en ligne le 1er mars 2017
dernière modification le 24 janvier 2018

par Desmars, Bernard

Né à Anthon (Haute-Saône ; la commune est réunie à Rioz en 1807), le 25 janvier 1803, décédé à Baignes (Haute-Saône), le 31 mars 1881. Directeur de plusieurs usines métallurgiques et maître de forges dans différentes localités du Doubs et de Haute-Saône, principalement à Magny-Vernois (Haute-Saône), puis à Baignes. Banquier. Contributeur financier de la Maison rurale de Ry (Seine-Maritime) et de l’École sociétaire.

Fils d’un cultivateur, Pierre Tiquet consacre sa vie professionnelle à la métallurgie, un secteur prospère en Haute-Saône pendant une grande partie du XIXe siècle [1]. Le département produit, grâce à des forges de modeste dimension appuyées sur la force motrice de l’eau, sur la présence de massifs forestiers et sur des minerais locaux, un fer « affiné à la comtoise » réputé au-delà de la Franche-Comté.

Pierre Tiquet
(Collection privée)
Collection familiale

Maître de forges

En 1837, lors de son mariage avec la fille d’un ancien officier de l’armée, Pierre Tiquet est « directeur des usines » de Moncley (Doubs). Il est dès ce moment abonné à La Phalange [2]. L’année suivante, lors de la naissance de sa fille Jeanne Marie Idalie, il est « directeur des usines de Bonnal » sur la commune de Chassey-les-Montbozon (Haute-Saône). Deux autres enfants naissent en 1839 et 1841 à Pesmes (Haute-Saône) ; Pierre Tiquet est alors le « directeur des forges » situées sur la commune.

En 1840, survient la faillite de l’empire industriel de Joseph Gauthier, le « Napoléon des forges » de la Franche-Comté [3], par ailleurs frère de Clarisse Vigoureux et père de Clarisse Coignet. Une partie de ses activités – les usines de Baignes et de Magny-Vernois – est reprise par la société Gustave Robinet, Pierre Tiquet et Cie [4]. Les deux associés s’installent à Magny-Vernois.

Dans les dernières années de la monarchie de Juillet, le Colmarien Jean Griess, tout en exerçant sa profession de voyageur de commerce, propage les idées fouriéristes et place les publications phalanstériennes dans l’Est de la France. En novembre 1846, il est en Haute-Saône ; il convainc un limonadier de Lure et un aubergiste de Clairegoutte de s’abonner à La Démocratie pacifique. C’est Tiquet qui est chargé d’encaisser le montant de ces abonnements [5].

La métallurgie traditionnelle décline à partir du milieu du XIXe siècle. Les deux usines de Baignes et de Magny-Vernois sont rachetées en 1857 par Pierre Tiquet et J.A. Pergaud, qui s’efforcent d’adapter la production à la demande et à la concurrence de la fonte au coke. À Baignes, le haut-fourneau est éteint, tandis qu’en 1869, la production de la fonte au bois est interrompue. Parallèlement, Tiquet obtient quatre brevets d’invention : un en 1864 pour une « machine de compression dite pressoir locomobile-ominibus » ; un second en 1865 pour une « caisse de serre ou d’orangerie, dite caisse-magny » ; deux en 1866, l’un pour un fourneau à chauffer les fers, dit fourneau de repasseuse », et l’autre, en association avec Pergaud, pour « un procédé de fabrication d’outils » [6].

La société Pergaut-Tiquet est dissoute en 1870. Tiquet prend l’établissement de Baignes, où il s’installe avec sa famille, tandis que Magny-Vernois est conservé par Pergaud. Pierre Tiquet reconvertit les ateliers de Baignes dans la fonderie de seconde fusion et parvient ainsi à sauver l’entreprise. Le nombre d’ouvriers s’accroît, tandis que la réputation de la marque Tiquet se développe, avec l’obtention de prix lors de concours et d’expositions. La maison fabrique des produits pour la vie domestique, tels que des poêles de chauffage, des fourneaux pour la cuisson, des gaufriers et des fers à repasser, mais aussi des produits pour l’agriculture, comme des abreuvoirs ou des presses à fourrage [7]. Parallèlement, Pierre Tiquet fonde en juin 1870 avec ses deux fils, Alexis Elzéard et Gustave une banque, localisée d’abord à Lure, puis à Vesoul. Alexis Elzéard meurt en 1874. La société est dissoute en 1878 [8]. En cette même année, Pierre Tiquet forme avec son fils Gustave une société pour l’exploitation des fonderies de Baignes [9].

Soutien financier de l’École sociétaire et de la Maison rurale de Ry

L’engagement fouriériste de Tiquet s’accroît autour de 1870. La société en commandite créée par François Barrier pour exploiter la Librairie des sciences sociales et publier La Science sociale, connaît des difficultés financières à la fin des années 1860. Ses responsables sollicitent leurs condisciples pour apporter de l’argent. Tiquet fournit 100 francs [10].

La guerre de 1870-1871 interrompt la parution de La Science sociale et suspend les activités du Centre sociétaire. Adolphe Jouanne, qui est en train de créer un établissement d’enseignement à Ry (Seine-Maritime) – la Maison rurale d’expérimentation sociétaire – tente de se substituer au Centre parisien ; il crée une revue pour à la fois redonner une voix au mouvement fouriériste et attirer des fonds pour son projet éducatif. Tiquet lui écrit depuis Lure, en novembre 1871 :

Depuis les immenses malheurs de notre chère patrie, causés par une guerre si stupidement provoquée et par l’affreuse et criminelle entreprise des communeux, j’étais en peine de ne plus entendre parler de l’École sociétaire ; je craignais, hélas ! de la voir morte pour longtemps ; jugez de la satisfaction que j’ai éprouvée, en apprenant, il y a quelques jours, par la réception de votre Bulletin de juillet-août, que vous releviez le drapeau de l’École, et que vous continuiez l’organisation de la Maison rurale d’enfants [11].

Tiquet joint à sa lettre une « petite offrande », qui, d’après la liste des souscriptions, s’élève quand même à 500 francs. Il prolonge son aide dans les années suivantes, avec l’envoi de sommes importantes, destinées à faciliter le fonctionnement de la Maison rurale : l’ensemble se monte, sur la période 1871-1877 à 2 000 francs.

Cependant, l’École se réorganise à Paris au cours de l’année 1872. Des fouriéristes envisagent la création d’une « Société d’études sociales » à laquelle Tiquet promet d’apporter 100 francs ; l’initiative est finalement abandonnée. Cependant, le maître de forges de Baignes s’abonne au Bulletin du mouvement social, publié à partir de décembre 1872. Et alors que la Librairie des sciences sociales est à plusieurs reprises menacée de fermeture, il envoie régulièrement des sommes d’argent afin d’assurer la survie. En 1880 encore, il s’engage à verser 200 francs par an pendant trois années.

Il est élu au conseil municipal de Baignes en 1874 (il est le candidat qui recueille le plus de voix), et réélu en 1878 et 1881. Son fils Gustave, déjà associé à la direction de l’entreprise du vivant de son père, lui succède à la tête de la Maison Tiquet. Les biens laissés par Pierre Tiquet à ses héritiers se composent non seulement de l’usine et de la maison de maître de Baignes – patrimoine dont une partie a été classée « monument historique » en 1978 et une autre partie inscrite à l’inventaire en 2007 [12] – mais de plusieurs autres maisons, d’un moulin, de terres et de nombreux titres et actions qui attestent l’aisance du maître de forges [13].