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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Templier, Louis (Désiré)
Article mis en ligne le 25 janvier 2018
dernière modification le 12 juillet 2021

par Desmars, Bernard

Né le 30 novembre 1834 à Baud (Morbihan), décédé le 9 juin 1893 à Ry (alors en Seine-Inférieure, aujourd’hui en Seine-Maritime). Employé à Lille. Conseiller municipal et adjoint au maire de Ry. Collaborateur de Jouanne à la Maison rurale d’expérimentation sociétaire de Ry, actionnaire de la Librairie des sciences sociales, abonné à La Science sociale et au Bulletin du mouvement social, membre de la société des Orphelinats agricoles d’Algérie.

Louis Templier, lors de sa naissance, a un père employé aux travaux du canal de Blavet, puis marchand de draps, un grand-père paternel employé des ponts et chaussées et un grand-père maternel greffier de la justice de paix du canton de Baud. Lui-même, dans les années 1860 est à Lille ; il est qualifié tantôt d’employé, tantôt de caissier. Il se marie en 1864 avec Rosalie Coulembier, domestique originaire de Belgique.

Actionnaire et abonné

Il apparaît dans la documentation fouriériste dans la seconde moitié des années 1860, lors de la réorganisation du mouvement sociétaire autour de François Barrier. Il fait partie des actionnaires de la société en commandite constituée en 1866 et dirigée par Jean-Baptiste Noirot ; il apporte 500 francs au capital de cette société qui exploite la Librairie des sciences sociales et qui fait paraître La Science sociale à partir de 1867 [1]. Quand la société en commandite est transformée en société anonyme, en 1869, Templier porte sa part du capital à 550 francs [2]. Par ailleurs, il commande les Principes de sociologie de François Barrier ainsi que Raison et préjugés d’Hippolyte Renaud [3]. Il est un partisan de la réalisation phalanstérienne : quand il envoie le montant de son abonnement à La Science sociale, en 1869, il ajoute 50 francs « pour contribution aux frais d’étude ou de publicité relatif à l’essai sociétaire proposé par M. Chasle-Brenezay » [4]. Il est membre correspondant du Cercle des familles, une association fondée par ses condisciples parisiens [5].

La parution de La Science sociale s’interrompt dans l’été 1870 avec la guerre entre la France et la Prusse qui suspend aussi les activités du Centre sociétaire. En mars 1871, Templier écrit à Valère Faneau, ancien responsable de la rédaction de La Science sociale, en insistant sur la nécessité de reconstituer un « centre de ralliement » ; « c’est dans les temps d’incohérence et de division où nous vivons que nous devons redoubler d’énergie, de bonne volonté » [6].

Cependant, Faneau est exécuté pendant la « Semaine sanglante » par des Versaillais qui le prennent, à tort, pour un Communard.

La Maison rurale de Ry

L’École sociétaire tarde à se réorganiser. De son côté, Adolphe Jouanne publie à partir de septembre 1870 un bulletin qui porte en titre École sociétaire et qui vise à rassembler les fouriéristes autour du projet de la Maison rurale d’expérimentation sociétaire. Dès la fin 1870 ou le début 1871, Templier entre en relation avec lui et le soutient très activement dans ses diverses initiatives.

Il devient membre honoraire de l’Unité fraternelle de Ry, une mutuelle fondée en 1855-1856, sur laquelle s’appuie Jouanne pour développer ses projets associatifs et éducatifs. Il prend également des actions de la Société de fondation de la Maison rurale dont les capitaux servent à financer l’édification et l’équipement de bâtiments scolaires et l’achat de terres. Il adresse régulièrement ses encouragements à Jouanne :

Quoi qu’il en soit, soit pour l’idée, soit pour l’application, ou simultanément, encore une fois ne nous décourageons pas. Profitons de l’entr’acte politique qui se prépare pour redoubler d’énergie, de bonne volonté.

Nous n’en sommes plus à nous laisser abattre, pas plus qu’à nous raffermir sur des apparences, n’est-ce pas ? [7]

Oui, c’est plus que jamais le moment de redoubler de bonne volonté en ne nous laissant plus séduire par le mirage républicain ou du progrès à toute vapeur. Avis à nos amis de Paris que je désirerais voir coopérer, et apporter un concours plus actif à l’œuvre pivotale que vous poursuivez avec autant de circonspection que de courage… [8]

Jouanne ayant publié un texte très hostile au socialisme (« doctrine de désordre et de bouleversement », « doctrine révolutionnaire et subversive »), dont il veut nettement distinguer la Théorie sociétaire (« toute conciliante, servant les intérêts de tous » [9]), Templier lui apporte son entière adhésion, disant lui-même se méfier des « élucubrations politico-socialistes et religieuses ». Il continue à lui prodiguer des encouragements :

Poursuivez résolument votre belle mission ; vous possédez l’arme régénératrice dont le coup, bien appliqué, assommera la civilisation toute entière. – N’est-ce pas à nous à former l’avant-garde qui doit vous défendre contre toute attaque, afin que vous puissiez travailler en paix à l’accomplissement de votre œuvre ? [10]

À l’automne 1871, Jouanne annonce la prochaine venue parmi les élèves du « jeune Noël Templier, âgé de six ans et demi, fils de M. Templier, de Lille » [11]. Le père indique aussi en octobre 1871 son intention de s’installer bientôt à Ry :

Je suis encore lié ici par mes affaires pour six mois environ ; aussitôt que je les aurai terminées et que j’aurai réalisé ce que je puis prévoir aujourd’hui, j’irai me fixer à Ry avec ma famille, et là, oubliant le vieux monde, je me consacrerai tout entier à votre œuvre, je me mettrai tout à votre disposition et il est entendu que mes services à la Maison rurale seront absolument gratuits [12].

En attendant, il fait don d’« une collection d’instruments de géométrie comprenant deux équerres d’arpenteur, une mire à coulisse, trois niveaux d’eau, deux double mètres, une douzaine de jalons, une chaîne d’arpenteur, etc. etc., le tout d’une valeur de 130 fr. » [13]

La famille Templier s’établit effectivement en mars 1872 à Ry, où naît un quatrième enfant en août de la même année. Désormais qualifié de « rentier » dans les actes d’état civil, Louis Templier arrive à la Maison rurale « avec l’intention formelle de consacrer ses loisirs, à titre tout à fait gratuit, à l’enseignement et à la direction de nos enfants » [14]. Mais probablement dépourvu – comme Jouanne – des diplômes qui permettent de diriger un établissement scolaire, il n’apparaît pas dans la liste des directeurs successifs de la Maison rurale. Dès le printemps 1872, il est nommé vice-président du « conseil de famille », une instance chargée de surveiller le fonctionnement de l’établissement [15] ; il abandonne cette fonction un peu plus d’un an plus tard tout en continuant à siéger dans ce conseil [16].

En 1872, puis en 1876, il effectue de nouveaux versements au profit de la Maison rurale. Le montant total de ses apports dans les années 1870 se monte à plus de 2 000 francs pour la société de fondation [17]. Son épouse et son frère Henri Templier contribuent également au financement de l’œuvre de Jouanne [18]. Enfin, au moins deux de ses enfants sont des élèves de la Maison rurale lors de l’année scolaire 1874-1875 [19]. Mais lui-même ne semble plus occuper de fonction au sein de l’institution. Et quand, au début des années 1880, la Maison rurale devient un orphelinat, il n’apparaît pas dans la liste des membres de la Solidarité universelle, la nouvelle association formée par Jouanne pour gérer l’établissement.

École sociétaire et conseil municipal

Louis Templier reste en relation avec le centre parisien de l’École sociétaire. Il s’abonne au Bulletin du mouvement social, l’organe fouriériste des années 1870 [20]. Il envoie des sommes d’argent pour assurer l’existence de la Librairie des sciences sociales, menacée à plusieurs reprises de disparition autour de 1880 [21]. Il est également abonné au Devoir, le périodique publié par Jean-Baptiste Godin [22]. Au début des années 1880, il adhère à la Société des Orphelinats agricoles d’Algérie, une association fondée par Henri Couturier qui reprend les terres et les bâtiments de l’Union agricole d’Afrique, à Saint-Denis-du-Sig [23].

En 1888, quand Hippolyte Destrem et les membres de la Ligue du progrès social lancent un nouveau périodique fouriériste, La Rénovation, Louis Templier s’y abonne aussitôt et envoie au centre parisien une liste de vingt noms à qui adresser la revue afin qu’ils s’y abonnent [24].

Après plusieurs échecs (1874, 1884), il entre au conseil municipal de Ry en 1888. Il est candidat au poste de maire, mais il n’est pas élu par les conseillers municipaux ; il est reconduit dans ses fonctions municipales en 1892 [25] ; il est alors élu adjoint. Il est qualifié de « républicain » par les autorités préfectorales [26]. Au lendemain de la mort de Templier, le maire écrit au préfet que « la municipalité de Ry vient de faire une grande perte en la personne de M. Louis Templier, adjoint. Je perds en lui un ami dévoué, un collaborateur et la République un de ses plus vaillants défenseurs » [27].
La Rénovation signale le décès de « l’un des plus anciens et des dévoués disciples de la science sociale et de ses doctrines rénovatrices ». Sa direction reçoit 200 francs que lui a légués le défunt et qui lui sont transmis par Germain Délias, un ancien professeur de la Maison rurale demeurant à Paris et participant aux activités des fouriéristes parisiens [28]. L’épouse de Louis Templier et un de leur fils, Vincent Templier, entretiennent pendant quelques années encore des relations avec la direction parisienne de l’École sociétaire.