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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Museux, Ernest
Article mis en ligne le 18 octobre 2019

par Desmars, Bernard

Né le 2 octobre 1853 à Saint-Quentin (Aisne), décédé le 7 mars 1917 à Saint-Quentin. Publiciste socialiste. Membre de l’École sociétaire expérimentale et de la colonie fouriériste du Vaumain au début du XXe siècle.

Ernest Museux est le fils d’un dessinateur et professeur de musique [1]. Son « père voltairien […] le laiss[e] jouir de son libre arbitre » ; lui-même « s’esquiv[e] le dimanche lorsque le maître condui[t] son école à la messe » [2]. À la fin des années 1860, il est un adversaire de l’Empire et un partisan de la République. Membre de la Garde nationale, il participe en octobre 1870 à la défense de Saint-Quentin face aux troupes prussiennes et alliées, sous la direction du préfet et futur député républicain Anatole de la Forge, à qui il consacre une brochure quelques années plus tard.

Il suit les cours de l’école de dessin Quentin de la Tour, puis ceux de « dessin de fabrique » de la Société industrielle de Saint-Quentin [3]. D’après quelques renseignements, qu’il a vraisemblablement lui-même fournis à un journal dont il est proche (s’il n’a pas lui-même rédigé la notice biographique), il entre à quatorze ans dans le commerce et y occupe diverses fonctions : employé, comptable, caissier, représentant de commerce, et enfin « négociant de tissus en gros » [4].

Militantisme politique et artistique

Dans les années 1870, il est l’un des animateurs du courant socialiste et libre-penseur à Saint-Quentin. Il organise des conférences avec Eugène Fournière, Jules Guesde, Benoît Malon, Paule Minck et Léonie Rouzade [5].

Ses activités politiques entraînent son licenciement en 1880 [6]. Ne parvenant plus à trouver du travail à Saint-Quentin, il s’installe à Paris et se consacre à l’activité militante. Il participe en 1886 à la création du cercle Vallès, une « réunion à caractère politique et littéraire anarchiste » [7]. Il est le secrétaire de cette association et le co-fondateur de son organe Le Va-nu-pieds, un mensuel qui paraît au printemps 1886, avec dans son comité de rédaction Eugène Pottier [8]. Museux explique ainsi les origines du cercle Vallès :

Quelques citoyens convaincus qu’il ne pouvait sortir rien d’utile de ces sociétés bohèmes dont ils faisaient partie, songèrent à organiser sur des bases solides un Cercle propre à rendre des services multiples à la grande cause sociale ; et, comme ils étaient en même temps que socialistes quelque peu littérateurs, leur Cercle devait être politique et littéraire, et surtout indépendant [9].

Selon ses statuts,

le but du cercle est : Littérature et Révolution, par les moyens suivants : Publications diverses. Réunions privées, publiques et contradictoires. Conférences, Matinées et Soirées amicales. Lectures et Récitations. Auditions d’œuvres inédites, etc., etc., etc. [10]

Le cercle Vallès est bientôt remplacé par le cercle Germinal, dont Museux est encore le secrétaire [11]. Dans ces groupes ainsi que dans L’Art social, il souligne que les activités artistiques s’inscrivent dans le combat révolutionnaire.

Nous lutterons : par la plume, par la parole, par le pinceau, par le crayon. Prose, poésie, articles de combat, de doctrine, de philosophie ou de critique, tout portera […]

Nous viendrons dans la rue, parmi la foule, et nous y chercherons des hommes à l’âme ardente, au cœur de feu ; nous leur dirons qu’avec nous est la justice, et ils nous suivront […]

Nous travaillerons à l’affranchissement de l’âme humaine ; nous ferons tous nos efforts pour que les cachots s’ouvrent, pour que les fers se brisent, pour que les iniquités disparaissent [12].

D’un autre côté, les arts

n’atteindront leur entier développement que lorsque la Société moderne, vermoulue et craquant de toutes parts, aura fait place à une société nouvelle, assise sur des bases véritables de Liberté et de Justice, formera un édifice harmonieux où l’homme le plus délicat trouvera la paix de l’esprit et du cœur [13].

Sa participation à la rédaction de L’Art social de l’anarchiste Gabriel de la Salle suggère qu’il est alors proche des milieux libertaires. Cependant, dans les années 1890, il est engagé du côté du socialisme révolutionnaire. Il est d’ailleurs secrétaire de l’Union socialiste révolutionnaire du VIe arrondissement,

un groupement puissant et modèle, qui fait des cours, des conférences, dépose des propositions à l’Hôtel de Ville, organise une bibliothèque de prêt gratuit, […], etc. [14]

Ce groupe l’envoie au congrès socialiste international de Londres en 1896. S’il affirme son appartenance au socialisme, Museux ne semble pas s’identifier à un courant particulier ; il se retrouve aux côtés, tantôt de Jean Allemane, tantôt d’Édouard Vaillant. Les informations biographiques publiées en 1902 indiquent :

Socialiste révolutionnaire convaincu, il a toujours cherché à rapprocher les différentes écoles socialistes, possède des amitiés dans toutes les fractions du parti, n’a jamais voulu être à la remorque de qui que ce soit, voulant conserver son indépendance [15].

Il collabore à de nombreux périodiques socialistes, « plus de cent journaux et revues de Paris, de province et de l’étranger » [16]. Il contribue aussi à l’Almanach socialiste illustré pour 1894 et pour 1895 ainsi qu’à un Almanach Eugène Pottier pour 1912. Il publie plusieurs brochures, consacrés notamment à des « défenseurs du prolétariat », le peintre Ernest Pichio et le poète Eugène Pottier.

Lui-même aurait aussi été poète, et ses œuvres auraient « été assez répandues dans les milieux ouvriers » [17] ; cependant, on ne connaît de lui aucun recueil de poésies et lui-même n’en signale pas quand il dresse la liste de ses publications en 1911, pas plus que n’est mentionnée une activité poétique dans les éléments biographiques publiés en 1902.

Il fait partie de la Ligue pour l’abolition des armées permanentes, de la Ligue socialiste, de la Ligue de la révision par le peuple [18]. Adversaire déclaré du boulangisme, il ne prend pas publiquement parti lors de l’affaire Dreyfus, même si postérieurement, il affirme avoir été « plutôt » en faveur du capitaine [19]. Il mène par ailleurs une campagne très active (articles, enquêtes, meetings) contre la loi de 1838 qui crée des asiles d’aliénés départementaux ; il milite en faveur de profonds changements dans le traitement des maladies mentales [20].

Museux et les fouriéristes

Dans les premières années du XXe siècle, il se rapproche du mouvement fouriériste, ou en tout cas de l’un de ses groupes, l’École sociétaire expérimentale (É.S.E.) qui a pour objectif la réalisation d’un essai phalanstérien. Il figure en 1901 sur une liste des membres de cette organisation [21]. En janvier 1903, il participe à l’assemblée constitutive des « Pionniers sociétaires, société coopérative d’habitation, de production et de consommation » fondée par les dirigeants de l’É.S.E., et entre au conseil d’administration [22]. La société achète le domaine du Vaumain (Oise) où s’installent plusieurs disciples, dont Museux, qui y séjourne cinq mois avant de se retirer « pour des raisons d’intérêt personnel » [23].

Cet engagement fouriériste semble n’avoir été qu’une parenthèse. On retrouve Museux à Saint-Quentin dans les années suivantes. Il continue à écrire pour divers journaux socialistes et à rédiger des brochures militantes, dont une partie seulement semble avoir été publiée [24]. Dans l’une d’elles, datée de 1911, il est mentionné comme imprimeur [25]. C’est par ailleurs un « bibliophile et collectionneur éclairé », ayant réuni « une bibliothèque dont la valeur documentaire était précieuse pour l’histoire du socialisme », écrit L’Humanité qui, avec plusieurs mois de retard, signale le décès « du bon et vieux militant Ernest Museux » [26].