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Duballen (parfois Duballin), Jean-Jacques-François
Article mis en ligne le 13 juillet 2020
dernière modification le 15 décembre 2020

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Haguenau (Bas-Rhin) le 10 frimaire an IV (1er décembre 1795) [1]. Décédé à Bondy (Seine, auj. Seine-Saint-Denis) le 18 mars 1888. Débitant de tabac, épicier, mercier à Montrouge, puis employé teneur de livres (comptable). Secrétaire de la mairie du 12e arrondissement de Paris en 1836. Employé à l’hôtel de Ville de Paris en 1853. Garde national en 1836. Souscripteur au « Crédit de dix mille francs » demandé pour les études d’un phalanstère d’enfants en 1838. Membre et secrétaire du conseil d’administration de l’Union industrielle en avril 1841. Responsable administratif de la librairie sociétaire en 1845. Décoré de la médaille de Juillet.

Jean-Jacques-François Duballen est le fils de Jean Duballen et Elisabeth Labolle qui se marient à Haguenau quelques semaines après sa naissance, le 11 pluviôse an IV (31 janvier 1796). Jean Duballen, âgé de 24 ans est sergent des carabiniers au premier bataillon de la quatorzième demi-brigade d’infanterie légère, auparavant au dépôt à Landau (Bas-Rhin). Il est originaire de Grignols (Gironde). Il est fils d’un notaire. Quant à Elisabeth Labolle, âgée de 26 ans, ménagère à Strasbourg, elle est née à Senones (Vosges). Elle est la fille d’un laboureur, alors veuf.
Le 19 novembre 1821, Jean-Jacques-François Duballen épouse Anne Emey. Le couple semble avoir deux garçons, Jules, Jean-Baptiste, Adolphe né le 25 juillet 1822 et Jacques, François, Frédéric né le 28 juillet 1826.
Jean-Jacques-François Duballen épouse en seconde noces, Catherine Charlotte Boppe, le 4 mai 1835 à Paris. Le couple a au moins quatre filles. Caroline, Edouard, Joséphine, née à Paris, décède à l’âge de cinq mois le 15 octobre 1834 à Montrouge. Rose-Caroline, née en 1835 ou 1836 décède à Montrouge le 10 mars 1840. Fanny Antoinette Désirée naît à Paris le 3 mars 1838. Mariée à un représentant de commerce, Eugène Garin, elle décède à son domicile, voisin de celui de ses parents, au 24 rue Bénard à Paris le 1er février 1860. Enfin, Aimée Charlotte, née à Montrouge le 7 février 1837, épouse de Charles de Mouilhet, dessinateur architecte, décède le 10 mai 1870 à l’âge de 33 ans.
« Débitant de tabac » à Montrouge, 1 rue Neuve d’Orléans en 1834, lors du décès de Caroline, ou bien en 1837 lors de la naissance d’Aimée Charlotte, et au 291 Petit-Montrouge à Paris en 1840, lors du décès de Rose-Caroline, Jean-Jacques-François Duballen est connu au sein du mouvement phalanstérien comme épicier, mercier en 1835-1836, puis « teneur de livres », résidant 27 rue d’Orléans toujours à Montrouge en 1846. Il est alors employé de la librairie sociétaire. On peut se demander s’il n’est pas le « teneur de livres, homme exact, laborieux et joignant à ces qualités l’avantage de posséder une très belle écriture, désir[ant] trouver un emploi » dont La Démocratie pacifique fait paraître l’annonce à plusieurs reprises d’octobre 1847 à janvier 1848. C’est dans les bureaux de La Démocratie pacifique qu’il faut se renseigner. L’annonce est précédée du signe distinctif « ⁂ » signalant les publicités émanant d’un « phalanstérien dévoué » [2]. En 1853, Duballen travaille à l’Hôtel de Ville de Paris. En 1857 et 1858, lors du mariage de ses filles Aimée Charlotte et Fanny Antoinette Désirée, il est employé à la Préfecture de la Seine. Si en 1860, il est qualifié de « propriétaire » lors du décès de Fanny, il est dit de nouveau « employé » en 1870 lors de celui d’Aimée Charlotte.
Dès 1847, il habite rue Bénard à Paris, peut-être au n° 24 ou alors déjà au 26 où il réside lors des mariages et décès de ses filles Aimée Charlotte et Fanny Antoinette Désirée. Le nom de Duballen est inscrit par deux fois dans un fichier d’adresse de la Librairie sociétaire constitué vers 1860 [3]. Une première fois, comme propriétaire, « Paris, Bénard, 24, rue du Petit Montrouge, 14e arrond. » ; une seconde fois, sans adresse, comme employé à la « Préfecture de la Seine ».

Un engagement phalanstérien ancien

Jean-Jacques-François Duballen est un ancien sous-officier de l’Empire. Il est décoré de la médaille de Juillet [4] pour s’être illustré lors des journées de juillet 1830. Son nom est inscrit sur des listes saisies en 1835 sur des membres de la Société des Familles [5]. Il est parmi les quarante-trois prévenus de « l’Affaire des poudres » et comparait le 2 août 1836 aux côtés entre autres de Barbès et de Blanqui. Prévenu d’association illicite de plus de vingt personnes, de port d’armes et de munitions de guerre, il se justifie en expliquant qu’il est secrétaire de la 12e mairie de Paris et garde national. Sa garde s’étant terminée trois jours auparavant, il a conservé son arme. Par ailleurs, il explique que les cartouches qu’il possède « venaient de la révolution de Juillet. Je les conservais comme souvenir » [6]. Il est néanmoins condamné à un mois de prison mais acquitté en octobre. Il explique alors « qu’il n’est point démocrate, et que ses opinions sont celles de M. Charles Fourrier [sic], chef de l’École du Phalanstère. Je désirerais, dit-il, que mes coprévenus, et notamment M. Barbis [Barbès], rendissent hommage au grand génie de Fourrier [sic] » [7]. Il prend même la défense de ses coprévenus et déclare :

Messieurs, il est impossible que dans le court exposé que je vous ai présenté des vices de la société, vous n’ayez pas reconnu quelques vérités, que sans doute vous aviez pressenties. Eh bien ! croyez-vous qu’une condamnation la rendra meilleure, cette société ? Non, Messieurs, mais je crois qu’un peu d’indulgence envers ceux qui m’ont paru le plus gravement inculpés, les lierait par le souvenir d’un bienfait. D’ailleurs, la plupart d’entre eux, par une prison préventive de huit mois, n’ont-ils pas assez expié ces quelques erreurs ? Tenez, Messieurs, moi à votre place, j’acquitterais tout le monde, et les familles auxquelles vous auriez rendu un père, un époux, un fils, vous plaçant à côté des Fénélon [sic], des saint Vincent-de-Paul, des l’abbé de l’Épée, vous appelleraient aussi bienfaiteurs de l’humanité [8].


Le 15 mai 1836, Jean-Jacques-François Duballen, « épicier, mercier » est l’un des participants au banquet donné par les ouvriers pour présenter à Charles Fourier « un projet de souscription à 90 c. par semaine, d’en placer le montant, qui avec l’intérêt composé, ne pouvait manquer de produire un jour la somme nécessaire aux besoins de la Réalisation. C’est [déclare Eugène Fugère] cette idée qui a donné à Brucker, le sujet de la chanson tant approuvée par Fourier ; faisons le phalanstère à dix sous » [9]. Duballen est à ranger à cette période parmi les réalisateurs. Avec sa femme, il est recensé parmi les contributeurs au « Crédit de dix mille francs » demandé pour les études d’un phalanstère d’enfants à l’initiative du centre parisien de l’École sociétaire. Au 27 juillet 1838, il a versé la moitié des dix francs promis [10].
En 1840, il est inscrit sur les listes des abonnés à La Phalange [11]. Il a pour adresse « Petit Montrouge » à Paris. Son abonnement est pris pour 6 mois.
En avril 1841, il est désigné comme l’un des administrateurs et secrétaire de l’Union industrielle dirigée par Arnaud, Jamain et Derrion, union chargée de recruter des colons pour établir un phalanstère au Brésil à l’initiative de Benoît Mure [12].
Au cours de l’année 1845, Duballen exerce des fonctions de secrétaire administratif de La Démocratie pacifique. A Recife (Brésil), Louis-Léger Vauthier, ingénieur en chef du Service des Travaux Publics du Pernambouc et propagateur des théories sociétaires au Brésil, est en relation avec lui au cours de cette année [13]. Dans une note qu’on peut dater de cette période, Duballen est qualifié de « chef de la librairie chargé de la surveillance des diverses impressions, de toutes les expéditions, et d’assurer le service intérieur de l’administration » [14] pour des appointements de 1650 francs par an.
En 1846, il contribue pour deux francs à la souscription nationale en faveur de la révolution polonaise, souscription que portent, entre autres soutiens, La Démocratie pacifique et le centre parisien de l’École sociétaire. Il se présente alors comme « ancien sous-officier de l’Empire et décoré de juillet » [15].
En novembre 1848, on le trouve parmi ceux qui contribuent à la souscription en faveur de la famille de Robert Blum, député démocrate au Parlement de Francfort, exécuté par les troupes impériales autrichiennes en raison de sa participation à l’insurrection viennoise d’octobre-novembre 1848 [16].
Il est probablement « l’ami » [17] à qui Charles Pellarin dédicace la 4e édition de sa biographie de Charles Fourier publiée en 1849.

Initié Franc-maçon

Duballen est aussi franc-maçon. Il est initié selon le rite écossais du Suprême conseil en 1830 par une récente loge au titre très significatif de son adhésion aux idéaux de Juillet, « Les Amis de la liberté », à l’Orient de Paris [18]. Le 11 novembre 1846, il est Rose-Croix fondateur de la loge écossaise « Les Amis de l’Humanité », à Montrouge, Orient de Paris. Il est vénérable de cette loge de 1846 à 1848, puis en 1852 [19], 1853 et 1870. Il en est vénérable d’honneur en 1868 [20].
Le 9 juin 1848, il représente le « chapitre Saint-Pierre des Vrais Amis (Vallée de Paris) » [21] lors de l’assemblée générale « de tous les ateliers de France, sans distinction de rites ni d’obédiences » convoquée par le Grand Orient de France [22]. Cette assemblée réunie à Paris a pour objectif de « fondre toutes les obédiences et tous les rites, en un mot proclamer l’unité maçonnique en France » [23]. La loge, dont Duballen est le délégué, est celle d’Allyre Bureau qui en est vénérable en 1852 [24].
Le 10 février 1853, Duballen, employé à l’Hôtel de Ville de Paris, est admis au sein d’un atelier au titre significatif de son adhésion au régime issu du coup d’État du 2 décembre 1851, la loge « Bonaparte » [25]. Fondé en octobre 1852, l’atelier a pour maître des cérémonies un autre phalanstérien, J.P.A. Déchevaux-Dumesnil. Duballen en devient membre libre le 22 mars 1855 [26]. La loge compte parmi ses membres d’honneur, « leurs altesses impériales » [27]. En 1855, on retrouve Duballen également inscrit au tableau de la loge « Les Amis bienfaisants et imitateurs d’Osiris réunis », Orient de Paris [28].

Fidélité à ses convictions sociétaires

En 1861, il s’abonne aux Communications familières du doyen [29] (Just Muiron), publication qui vise à « rétablir des contacts entre quelques militants, réfléchir aux moyens de relever l’École en tenant compte des expériences passées, et informer des initiatives prises » [30]. Il ne peut cependant pas participer au « colloque » ou congrès (en fait une simple réunion de quelques-uns au domicile de Just Muiron [31]) qui doit se tenir à Besançon en octobre mais il adresse comme d’autres une note résumant sa pensée sans que nous ayons connaissance de sa position. Duballen souscrit au banquet anniversaire de la naissance de Fourier organisé en 1866, réunion annuelle rétablie depuis 1865 et qui doit réveiller le mouvement sociétaire [32].
À la même époque, François Barrier et Jean-Baptiste Noirot créent une société en commandite pour exploiter la librairie des sciences sociales. Duballen fait partie des premiers actionnaires, avec 10 actions qui représentent un montant total de 500 francs [33]. Il est membre du premier conseil de surveillance de la société, mais en démissionne en 1867 en invoquant ses nombreuses occupations [34]. Il garde ses actions quand la société en commandite se transforme en société anonyme, dans l’hiver 1870-71 [35].
Il assiste au banquet du 7 avril 1873 [36]. Peu après, il déménage à Bondy (alors une commune de la Seine, aujourd’hui située en Seine-Saint-Denis). Il y réside en 1875 quand est établie une liste des actionnaires de la librairie [37]. Il participe aux assemblées générales de la société qui possède la Librairie des sciences sociales (novembre et décembre 1883 [38], ou s’y fait représenter par Charles Pellarin ou parfois Eugène Tallon [39]. Quand l’un des objets de discussion concerne l’existence de la librairie, et que les actionnaires doivent opter entre sa dissolution ou son maintien accompagné d’un apport financier, Duballen choisit la seconde solution ; en 1880, il s’engage à verser 10 francs chaque année pendant trois ans [40].
Il ne figure pas parmi les quelques disciples (Étienne Barat, Hippolyte Destrem et Jenny Fumet qui créent un nouveau groupe fouriériste à partir de 1886, la Ligue du progrès social. Il décède le 18 mars 1888 dans son domicile de l’avenue des Pavillons, à Bondy.