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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Joubert, Ponce Charles Pierre
Article mis en ligne le 9 mars 2021

par Desmars, Bernard

Né le 10 (ou 19) janvier 1821 à Paris (Seine), décédé le 21 novembre 1891 à Paris, 5e arrondissement (Seine). Employé au Jardin des plantes de Paris, puis agronome et cultivateur dans le Loir-et-Cher, et enfin homme de lettres à Paris. Candidat fouriériste lors des élections législatives d’avril 1848 dans le Loir-et-Cher.

P.-Ch. Joubert [1] est le fils de Charles Catherine Joubert, homme de lettres [2]. Il fait des études au Muséum d’histoire naturelle [3]. En 1840, il publie son premier travail, sur la « séminologie » [4]. Il s’agit d’une nouvelle « méthode [de classification] applicable à tous les végétaux connus » ; il annonce « prochainement l’application de cette heureuse découverte à la famille des graminées, […] découverte qui, sans contredit, doit opérer en botanique une révolution presque aussi grande que celles que produisirent les méthodes de Linné et de Jussieu » [5]. On ne dispose pas d’informations sur cette « application ».

Agronome dans le Loir-et-Cher

Quand il publie son livre suivant, il est employé au Jardin des plantes de Paris [6]. Peut-être est-il alors un lecteur de La Phalange : un Joubert demeurant à Paris s’abonne pour six mois à partir du 1er mars 1842 [7]. Peu après, il s’installe dans le Loir-et-Cher, d’abord à Tremblevif (aujourd’hui Saint-Viâtre). En 1843, il épouse Esther Forcé, dont le premier mari est décédé un peu plus de deux années plus tôt. Il vient habiter dans la commune de sa femme, Nouan-le-Fuzelier (Loir-et-Cher). Deux garçons naissent, l’un en 1844 et l’autre en 1846. Vivent également au domicile familial, lors du recensement de 1846, le père d’Esther, ainsi que sa fille, issue de son premier mariage. Dans ces actes d’état civil ainsi que lors du recensement, Joubert se dit « agronome ».

Il exploite des terres en Sologne ; en 1845, il indique que depuis « le début de l’année 1843 », il a « fait arracher un grand nombre d’arbres » sur ses terres ; il se livre en même temps à des observations scientifiques dont il envoie le résultat aux sociétés savantes [8].

Il est l’auteur d’un Agenda de comptabilité agricole [9] et d’un Almanach agricole qui paraît pendant deux années, et dont La Démocratie pacifique recommande vivement la lecture [10]. En 1845, il publie avec Isaac Chevallier un ouvrage sur l’agriculture en Sologne [11]. La même année, il participe au Congrès général des agriculteurs du Centre de la France, dont il est le secrétaire [12]. Lors de la seconde session de ce congrès, en 1846, il présente un mémoire concernant les domestiques et les journaliers, qu’il envoie à La Démocratie pacifique. Selon Joubert,

la misère qui plane sur les classes agricoles de nos départements est inhérente à l’insolidarité qui règne entre les travailleurs. Il faut, suivant nous, unité de vue et unité d’action, aussi bien entre les ouvriers agricoles qu’entre les propriétaires du sol. Quand notre organisation domestico-agricole en sera à ce point, alors, seulement alors, nous n’aurons plus à nous occuper des misères de la classe laborieuse.

Ce qui précède nous conduit à poser en principe : que la misère provient de la mauvaise organisation qui régit l’existence des travailleurs agricoles ; que point d’organisation sans unité ; que l’unité est un lien qui rattache les hommes et les choses à un même principe, en les conduisant vers un seul et unique but ; que ce but peut être formulé par ces deux mots : Richesse et Bonheur ; que la voie la plus sûre pour arriver à une unité universelle, c’est I’ASSOCIATION.

Suivant nous, l’association est le véritable levier du progrès. Malheureusement ce principe est méconnu, aussi bien en politique qu’en industrie, aussi bien par le commerce que par l’agriculture. De cette première faute, il résulte qu’à côté de la production on rencontre la misère, à côté de la richesse le dénuement, à côté des fortunes colossales nées comme par enchantement des ruines nombreuses, des banqueroutes, des faillites, des fraudes et des vols.

Si maintenant nous supposons les hommes associés, leurs intérêts scientifiquement liés, alors la production préviendra la misère, la richesse, le dénuement, la fortune […], il y aura équilibre, et la répartition des bénéfices se fera mathématiquement suivant un principe d’immuable justice, et par contre l’humanité tendra directement vers la richesse et le bonheur [13].

La Démocratie pacifique rend compte à plusieurs reprises de ses publications. En 1846, elle signale que « M. Ch. Joubert, à qui l’agriculture française est déjà redevable de plusieurs ouvrages, vient de publier sur les reboisements une notice qui se recommande par des vues larges et justes » [14] ; elle consacre un long article à ce travail, dont l’auteur signale l’importance des arbres, notamment pour la régulation des eaux et des vents, avant de déplorer la déforestation des derniers siècles et de souhaiter un reboisement.

Nous devons dire ici en toute humilité que les principes ayant servi de base à cette notice nous ont été suggérés par l’étude d’un livre immense, au point de vue de la philosophie universelle des sciences dont l’auteur est connu sous le nom de Charles Fourier.

La rédaction de La Démocratie pacifique ajoute :

Que tous les agronomes, à l’exemple de leur zèle et savant collègue, s’inspirent aux mêmes sources, et bientôt ils inscriront sur le sol la preuve matérielle de l’exactitude de la science sociale ; et élèveront à son inventeur le seul monument qui soit digne de lui ! [15]

Socialiste sous la Deuxième République

Peut-être Joubert est-il en relation avec le groupe phalanstérien de Blois, très actif à partir du milieu des années 1840. En avril 1848, quatre hommes constituent une liste pour les élections à l’Assemblée constituante : un professeur du collège de Blois, Arsène Houzé ; un directeur d’une entreprise des messageries, Payen ; un contremaître, Lilas, et enfin Joubert. Leur profession de foi, qui s’adresse « aux ouvriers, aux cultivateurs, et à tous » insiste sur l’égalité, qu’elle définit comme

le droit que tout homme apporte en naissant de développer toutes ses facultés naturelles, toutes ses tendances physiques, intellectuelles et morales, afin de savoir ce qu’il en est, ce qu’il peut ; c’est le droit pour chacun de posséder tous les instruments de travail (éducation, capital et fonction) nécessaires pour arriver dans la société où le placent sa moralité et ses talents [16].

Le programme des quatre hommes s’articule autour de trois points :

1° Avant tout et à tout prix, l’ordre dans la rue […] mais ferme résolution de maintenir la République, de la défendre jusqu’à la mort […].

2° Éducation unitaire, commune, gratuite, professionnelle la plus complète […] la bourgeoisie n’a pas craint d’arracher de vive force à la noblesse ses droits séculaires. Les travailleurs n’emploieront, eux, que la force morale : le levier qui doit remuer le monde, c’est l’éducation unitaire […]

3° Essais de transformation en services publics de certains travaux rudes, de certaines industries répugnantes, de sorte qu’on puisse faire apprendre plusieurs états à un même individu, alterner ses occupations, prévenir le chômage, l’élever en grade, selon ses efforts, et lui assurer une retraite ; de sorte enfin, qu’on puisse arriver à l’association agricole et industrielle, seul moyen possible d’organiser intégralement et raisonnablement le travail.

Soupçonné de « communisme » par ses adversaires dans la presse locale, Joubert précise : « Je suis socialiste, je ne suis pas communiste, je suis phalanstérien » [17].

Des quatre candidats, dont aucun n’est élu, Joubert est celui qui obtient le plus grand nombre de voix (2145), grâce en particulier aux électeurs du canton de Montrichard et à ceux de la Sologne, région du département dans laquelle il s’est montré très actif [18]. Il est cependant très loin des six élus, qui ont entre 24 000 et 55 000 voix [19].

En mai 1849, de nouvelles élections ont lieu pour désigner les membres de l’Assemblée législative. Joubert n’est pas candidat, mais il préside le « Comité des Travailleurs » formé à Blois pour préparer les élections [20].

La liste démocrate-socialiste, sur laquelle figure notamment François Cantagrel l’emporte dans le canton de Salbris, qui comprend la commune de Pierrefitte-sur-Sauldre [21], là où demeure maintenant Joubert. Celui-ci, cependant, quand il se porte candidat au Conseil général et au Conseil d’arrondissement, ne parvient pas à se faire élire [22].

Son activité militante lui vaut, au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851 d’être arrêté et traduit devant une commission mixte chargée d’examiner son comportement. Selon les autorités,

[il] a perverti son canton tant par ses écrits anarchiques que par ses menées. Possède 40 000 f.

Chef principal de la démagogie dans l’arrondissement de Romorantin. Il résulte de la notoriété publique qu’il était en correspondance avec les chefs de toutes les sociétés secrètes. Il s’est soustrait par la fuite aux poursuites qui auraient inévitablement été dirigées contre lui. Il exerçait une influence considérable dans son canton dont il a perverti l’esprit, non seulement par ses discours et ses menées, mais encore par les écrits qu’il insérait dans les journaux et les écrits anarchiques qu’il répandait de tous côtés.

Il est d’abord condamné à la déportation en Algérie ; mais en décembre 1852, il est gracié et retrouve la liberté [23].

On ne lui connaît plus ensuite de relation avec les milieux socialistes de façon générale, et avec les fouriéristes en particulier.

Activités savantes

Joubert s’installe alors avec sa famille à Boulogne (Seine, auj. Hauts-de-Seine). Son épouse y décède en 1855. Il s’établit ensuite à Paris, où il se marie en 1860 avec Léontine Dardelet, lingère à Paris, fille d’un cultivateur des environs d’Étampes. Il est désormais un publiciste ou « homme de lettres », membre de plusieurs sociétés savantes et auteur d’ouvrages et d’articles sur des sujets variés. En 1856, il publie un Annuaire manuel du mécanicien constructeur de machine à vapeur [24]. Il rédige un rapport sur l’Exposition universelle de Besançon [25], ainsi qu’un Manuel de l’oiseleur [26]. En 1871, il publie un ouvrage sur le siège de Paris pendant la guerre franco-prussienne, dans lequel il critique la mauvaise organisation du ravitaillement [27].

Il est membre de plusieurs sociétés savantes : la Société française de statistique universelle ; la Société centrale d’apiculture et d’insectologie, où il exerce la fonction de secrétaire du Comité d’insectologie ; l’Académie nationale, manufacturière et commerciale, dont il devient le directeur général. Il est d’ailleurs le responsable du Journal mensuel des travaux de l’Académie nationale agricole, manufacturière et commerciale.

Il demeure rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, où il meurt en 1891.


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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