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GALLO Ivone Cecila d’Avila : A Aurora do socialismo. Fourierismo e o falanterio do Sai (1839-1850) (2002)

Thèse sous la direction du professeur Edgar Salvadori de Decca, soutenue en mars 2002 à l’Université d’Etat de Campinas, Etat de Saint-Paul, Brésil, 297 p.

Article mis en ligne le décembre 2003
dernière modification le 21 février 2006

par Abramson, Pierre-Luc

Disons d’emblée que, selon nous, la thèse de Mme d’Avila Gallo mérite non seulement d’être publiée au Brésil (elle le sera peut-être, nous l’espérons), mais aussi en France et en français. En effet, on aurait pu s’attendre à ce que l’apport du chercheur à la connaissance de l’histoire des phalanstères du Santa Catarina - il y en eut en réalité deux et non un seul, comme le laisse entendre le titre -, soit exclusivement fondé sur la découverte et l’exploitation de sources brésiliennes. Malheureusement, si ces sources nouvelles apportent beaucoup à l’histoire des graves dissensions entre les deux fondateurs, Michel Derrion et le Dr Mure, à celle de la politique d’immigration du gouvernement impérial et à celle des activités médicales du Dr Mure au Brésil, elles restent obstinément muettes, ou presque, sur l’histoire interne des deux phalanstères. C’est le seul aspect de la question où Mme d’Avila Gallo n’a pu faire progresser la connaissance de façon significative ; et nous mesurons notre propos puisque nous avons nous-mêmes rédigé, en 1990, trente-quatre pages sur le sujet, exclusivement fondées sur des sources françaises.

Cependant, là ne s’arrêtent pas ses découvertes, puisqu’elle a également exploité, avec la même rigueur, des sources françaises, aussi bien au Quai d’Orsay qu’aux Archives Nationales. Elle a ainsi pu construire une véritable encyclopédie de la dissidence fouriériste. On peut lire, dans le chapitre intitulé O movimento dissidente, une description très complète, scientifiquement étayée, de l’univers des groupes « contestataires », en particulier des groupes lyonnais, d’où l’expérience du Saí (ou Sahí) est sortie. Il semble qu’aucune feuille périodique, qu’aucune brochure de propagande, pour éphémère et ténue qu’elle fût, n’ait échappé à la vigilance critique de Mme d’Avila Gallo. Si l’on ajoute à cette mise au point presque définitive ses apports concernant l’activité militante et la trajectoire idéologique de Benoît Jules Mure, on comprend à quel point il nous semble nécessaire de mettre ce travail à la portée des chercheurs non lusophones.

Il est bien sûr de rigueur, dans l’exercice du compte rendu, d’émettre quelques critiques. En cherchant bien, nous ne pourrons en formuler que trois. Les deux premières sont assez semblables et relèvent d’une certaine difficulté à hiérarchiser une information particulièrement riche. Ainsi, le troisième chapitre, dont le titre est A ciência organiza o caos, consacré à la formation complexe de la pensée du Dr Mure, nous semble justement quelque peu chaotique : même si Mure a lu Hahnemann, Mesmer, Swedenborg, Wronsky, Jacotot et bien d’autres, il reste pas moins, avant tout, un fouriériste et ce fut bien un phalanstère qu’il voulut fonder. Au demeurant, à la lecture de ce passage, on est conduit à se poser la question : a-t-il jamais existé, si ce n’est Fourier lui-même, de fouriéristes purs ? Même reproche en ce qui concerne le dernier chapitre de l’ouvrage, intitulé Isto é muito belo para não ser a verdade. En guise de conclusion, il cherche à cerner la place spécifique du fouriérisme dans l’histoire général des utopies. Ces pages, qui constituent une sorte d’essai théorique un peu trop délié du reste de la thèse, sont trop touffues et ne tranchent pas vraiment la délicate question qu’elles posent, même si, au passage, elles soulignent avec pertinence l’originalité de la pensée économique de Fourier à son époque. En fait, la plus grave de mes trois critiques est la troisième, et l’on constatera qu’elle reste fort mince et qu’elle implique un hommage à la qualité exceptionnelle de cette recherche : il s’agit de l’absence d’index thématique et onomastique, qui rend difficile la consultation de l’ouvrage.

Nous sommes en effet persuadé que la thèse de Mme d’Avila Gallo deviendra un texte de référence, aussi bien pour ce qui est de l’histoire des débuts du socialisme au Brésil, marqués par l’aventure du Saí, que pour l’histoire de la dissidence fouriériste en général.