A L’Harmattan, la collection « Utopies » dirigée depuis plus de dix ans par Michèle Madonna Desbazeille a déjà fait connaître de nombreux travaux importants. Là ont paru par exemple le Fourier et la civilisation marchande de Philippe Riviale ou La Cité heureuse d’Adelin Fiorato. Dans la tradition des études sur l’utopie en littérature, et après le livre de Jacqueline Dutton sur Le Clézio (2003), le livre d’Anne-Marie Gresser porte sur la littérature suisse de langue allemande. Il s’agit pour elle de comprendre comment peuvent s’articuler littérature, utopie et territoire. La Suisse est à ce titre, souligne de manière convaincante l’auteur, un cadre d’analyse particulièrement fécond. Dans une première partie, après un « Essai de typologie de la notion » [d’utopie] » et une exploration du « principe utopie », elle réfléchit à la « construction de la Suisse comme territoire de l’utopie ». Dans une seconde partie, elle aborde les œuvres d’une série d’écrivain-e-s (Nozon, Burger, Ilma Rakusa, Adelheid Duvanel, d’autres encore). Les écrits des deux dernières citées se distinguent de l’ensemble car elles ouvrent sur une « utopie au quotidien » où l’utopie « cesse d’être un horizon pour devenir une dynamique ». C’est à ce prix, explique Anne-Marie Gresser, que la relation douloureuse au territoire peut s’estomper.