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Charles Gide, les coopératives et Fourier
Article mis en ligne le 15 décembre 2006
dernière modification le 23 avril 2007

par Guillaume, Chantal

Pourquoi Gide nous intéresse-t-il dans notre rubrique « Expérimentations sociales et économiques » ? La première raison tient au fait qu’il est le penseur et le militant « des sociétés coopératives de production et de consommation » qui entrent bien dans ce cadre des tentatives d’expériences de réformes sociales. Fourier lui-même connaissant le caractère trop radical, voire subversif de son modèle sociétaire intégral, envisageait des essais de phalange ou des demi-associations sur le modèle des coopératives, sérigermes ou lueurs d’association qui seraient des modèles rognés, aseptisés réalisant à demi l’idéal d’Harmonie. La coopérative en Civilisation appartient à ce type d’association en mode simple, qui n’opère pas en mode composé, c’est-à-dire en combinant tous les ressorts et attractions passionnels.

Charles Gide est aussi l’auteur d’un livre sur Charles Fourier (Fourier, précurseur de la coopération, Association pour l’enseignement de la coopération, 1922), dont le contenu témoigne de la filiation qu’il établit entre la pensée de la coopérative et la pensée de Fourier. Il s’agit de Fourier précurseur de la coopération, transcription d’un cours donné au Collège de France en 1922-1923.

La deuxième raison est que Gide fait ici une lecture de Fourier qui correspond, dans l’esprit, à notre même volonté aujourd’hui de tester la pertinence et la justesse des propositions de Charles Fourier (on évitera l’idée d’une valeur prophétique du fouriérisme !), en établissant des parallèles et des rapprochements avec les tentatives d’expérimentations économiques et sociales de notre époque. Gide, en effet, parcourt l’œuvre de Fourier en cherchant à mettre à l’épreuve la validité et la faisabilité des propositions de Fourier, leur potentiel de réalisibilité dans les expériences de coopératives et dans les applications partielles des principes phalanstériens. Fourier ne voulait pas être un utopiste en chambre mais, comme il le disait, un casse-cou scientifique, utopique et politique. Que voudrait dire être casse-cou utopiste aujourd’hui ? Peut-être faire de l’utopie dans les interstices du système sans attendre le renversement du système.

Les coopératives ont été et sont encore des essais d’invention sociale, brisant les cadres du salariat et du travail exploité, même si les expériences isolées n’ont pu donner toute leur mesure. Nous chercherons à identifier des associations coopératives qui sont des expériences, certes tronquées, de principes fouriéristes. René Schérer, dans son ouvrage sur Fourier (Fourier, Paris, Seghers, 1969), ironise sur la valeur fausse de ces applications de l’inventeur Fourier qui ne font que trahir la radicalité de la pensée de Fourier en prenant l’exemple du familistère de Godin qui se dispense de toute la charge subversive de l’attraction passionnelle et amoureuse et même prend la voie inverse ! Il est vrai que la mécanique sociétaire de Fourier n’a jamais reposé exclusivement sur une amélioration de l’économique mais a représenté une invention sociale totale destinée à réviser les principes de toutes les institutions historiques (mariage, famille, organisation du travail...), fondements invariables de la Civilisation, en les engrenant à la problématique renouvelée du désir. Mais le beau livre de René Schérer est paru en 1969 ! Depuis bien des rêves se sont effondrés, ce qui légitimerait de ne pas bouder les tentatives d’associations coopératives, ou les dernières expérimentations qui témoigneraient d’une forme de résistance au système mondialisé, sans nier pourtant le caractère transcendant du modèle fouriériste. Il faut aussi prendre la mesure que notre pensée politique s’est rabougrie à tel point qu’elle ne peut pas imaginer l’effectivité de la démocratie hors des urnes. Au XIXe siècle on plaidait et combattait pour la République dans les ateliers. L’imaginaire politique s’est appauvri au point qu’il devient même superflu de penser la démocratie sociale et économique c’est à dire d’autres rapports au travail, au salariat, à la production et à la consommation. D’ailleurs la force de la pensée de Fourier réside dans ce dépassement du politique comme seule forme de perfectibilisation de la société.

L’auteur, dans sa lecture de l’œuvre de Fourier, se montre pragmatique : qu’est-ce qui « marche » dans la théorie de Fourier ? Qu’est-ce qui s’est révélé dans les faits ou dans les quelques réalisations pratiques faux, irréalisable, contestable ou bien encore à contre-marche de l’évolution économique postérieure ? Sa lecture de Fourier consiste à tester la validité des propositions et principes essentiels qui président à l’organisation de la vie collective du phalanstère comparable à une coopérative de production ou de consommation. Il faut reprendre ce beau néologisme inventé par Henri Desroche, l’ucoopisme ou l’utopie des associations coopératives de toutes les sortes, de toutes les variétés possibles et imaginables. Les coopératives sont des applications du socialisme et leur caractère expérimental oeuvre pour, dit Desroche en 1966, une dédogmatisation et une désidéologisation du socialisme ! (Henri Desroche, “Voyages en Ucoopies”, Esprit, 2, février 1966, p. 222-246. Nous reviendrons sur cet article qui est une fantaisie et une variation sur l’utopie, inventive et drôle) Ucoopisme car dans la coopérative, ce que défend aussi Gide, il y a un écart avec la réalité existante, un autre possible de la communauté économique et sociale. Henri Desroche plaide constamment pour l’inimaginable qui cesse d’être irréaliste, pour une réalité qui cesse d’être inimaginable.

Gide ne s’intéresse pas à ce qu’il appelle les « excentricités » métaphysiques et philosophiques de Fourier mais pénètre de plain-pied d’abord dans la cuisine du phalanstère, celle-là pouvant être considérée comme le pivot central de l’Harmonie. La gastrosophie ou « sagesse du ventre » (et surtout pas, remarque t-il, l’hygiène alimentaire qui règne en maîtresse à son époque) est posée comme un objectif prioritaire du programme social de Fourier dont le but est de ne jamais réprimer les instincts, les sens et les passions susceptibles de générer de multiples accords sociaux. Gide note d’ailleurs que la pensée socialiste fait l’apologie du producteur et de la production mais ignore le consommateur qu’il s’agirait selon Fourier d’élever au goût des aliments les plus diversifiés, les plus nobles et raffinés comme aux plaisirs de la gourmandise. La société de surconsommation actuelle, consommation abusive et intempérante, est à contre-sens de cette éducation du consommateur.

Tout est conçu dans le phalanstère pour l’organisation d’un ménage collectif (de 1620 personnes) qui apprendra à déguster, banqueter et distinguer la qualité des aliments. L’auteur tout au long de cette présentation fait des critiques, des contre-propositions à celles de Fourier ; envisager leur caractère irréalisable ou peu réaliste. Il n’est pas un disciple qui sacraliserait la pensée du maître au point de s’interdire de la contrer. Ainsi Fourier haïssait la vie de ménage réduite à la cellule familiale, au point de lui substituer celle du ménage collectif ; ce que conteste Gide qui va jusqu’à prétendre qu’il n’est pas de l’ordre du possible de supprimer radicalement la vie de famille séparée et le choix de s’isoler des autres ménages. Gide affirme même que les essais de phalanstères en Amérique ont passé outre la nécessité de la vie communautaire pour recréer la cellule familiale fermée. Il concède cependant à Fourier que le choix de la vie collective peut être une réponse rationnelle à la crise du logement du début du XXe siècle : nécessité de prévoir des bâtiments communs ou services communs (blanchisserie, salle de réception...), nécessité économique d’une cuisine partagée pour économiser l’énergie. Gide veut penser que le génial inventeur social est visionnaire, qu’il peut pressentir les tendances de la transformation sociale. Ainsi il questionne : la vie de ménage a-t-elle encore un sens puisque les femmes la délaissent pour travailler à l’extérieur ? Mais ne néglige-t-il pas l’absolue nécessité pour Fourier d’établir l’égalité entre les hommes et les femmes ? La cellule familiale dans le cadre du mariage monogame devait bien pour Fourier exploser même si la morale civilisée ne peut l’entendre. Pour subvertir l’ordre Civilisationnel, il fallait bien penser d’autres relations familiales, conjugales. Après tout habiter autrement, c’est instaurer d’autres liens sociaux, matrimoniaux, économiques. La radicalité de l’utopie sociétaire déborde toutes les tentatives raisonnées et raisonnables de réforme sociale.

Gide concentre ensuite son intérêt sur l’économie du phalanstère ou ce que Fourier nomme « l’association domestique et agricole », ce qui confirmerait son lien possible avec la coopérative. Il remarque que Fourier va à contre-marche de l’évolution économique qui fait prédominer la production industrielle sur la production agricole. Dans le phalanstère de Fourier un quart des travaux sont industriels et trois quart agricoles. Gide ne raille pas Fourier mais cherche à comprendre les raisons de ce choix. L’industrie, dit-il, représente dans son essence, le gaspillage, la surproduction, le luxe et surtout le gâchis du travail humain. Pour produire le superflu, il faut intensifier l’usage de la force de travail. Et encore ce trop n’est qu’accumulation de « camelote » ; au contraire, le travail agricole est au service d’une économie de l’essentiel et du nécessaire.

Mais quelle agriculture pour Fourier ? Il s’agit de développer non pas la culture des céréales mais la culture maraîchère et arboricole. La tradition alimentaire française du pain est une aberration pour Fourier : elle exige la plus grande somme de travail pénible (et Gide d’ajouter que la culture du blé stérilise rapidement la terre). Fourier préconise la polyculture : lentilles, pois, haricots, denrées plus conformes à l’hygiène alimentaire précise Gide mais aussi à la diversité des goûts et des plaisirs. Cultiver son jardin, tel est le programme sage du phalanstère, et soigner la culture des arbres. Gide se montre sceptique : contre cette représentation simpliste de l’aimable jardinage source de plaisir, il rétorque que jardiner est une activité pénible comme les cueillettes de fruits ou les vendanges qui ne peuvent être des jeux d’enfants ! Gide note aussi que la prédominance au XXe siècle de l’industrie dément la prophétie de Fourier. Pourtant ce choix du développement industriel est-il rationnel ou plus cohérent ? Pas sûr, affirme l’auteur, il y aurait danger à sacrifier l’agriculture, comme en témoigne l’épisode de la guerre 1914-1918. Ce constat nous paraît encore si juste aujourd’hui : la souveraineté alimentaire devrait être une priorité de toutes les nations. Et si l’agriculture elle-même s’est industrialisée, ce que Gide remarque déjà dans les années 1920, la fin du pétrole pas cher devrait nous obliger à retrouver le chemin d’une agriculture paysanne et de proximité (pour se démarquer d’une agriculture industrielle) pas si éloignée de la représentation que pouvait en avoir l’utopiste casse-cou. Il pourrait avoir raison contre les excès de l’économie industrielle !

Gide ne conteste pas la critique de fond de l’industrialisme que fait Fourier : c’est une chimère scientifique de vouloir produire selon l’utopiste confusément sans garantie de favoriser la richesse pour tous. Rien encore ne dément ce paradoxe : l’accumulation de richesses peut aussi produire son lot de misère et d’indigence au niveau mondial. Les « docteurs du laissez-faire » comme les nomme Gide auront beau nier cette évidence, elle ne manque pas au XIXe et en partie au XXe siècle d’apparaître toujours aussi forte. L’industrialisme pour Fourier c’est l’esclavage industriel, le pouvoir des féodalités industrielles loin de toutes les mystifications de la liberté économique et de l’ordre spontané. Et encore, note Gide, Fourier n’a pas connu la grande industrie mais seulement les manufactures. Il faut donc mesurer la profondeur et la vérité de sa pensée : « l’industrie ne peut donner que des éléments du bonheur mais pas le bonheur » (Charles Fourier, Le Nouveau Monde industriel et sociétaire, Paris, Anthropos, tome VI, 1966, p. 35).

Gide poursuit en questionnant encore l’anti-industrialisme de Fourier : peut-on se contenter d’une industrie réduite dans le phalanstère à un artisanat ? L’industrie de village peut-elle suffire à la population ? Les réponses de Fourier sont pour le moins extravagantes et déraisonnables : le travail sera si attrayant que la productivité sera décuplée. Les armées industrielles s’adonneront à des travaux de « colosses » dans le Sahara ! Le lecteur de Fourier opte pour une solution plus rationnelle : l’industrie peut produire des objets à valeur d’usage durable et ce choix sera facteur d’un moindre gaspillage de travail et de richesse. Hannah Arendt, dans La Condition de l’homme moderne, ne dit pas autre chose : le surtravail, c’est-à-dire la transformation de l’homme en homo laborans dans la société industrielle, a pour cause la surproduction d’objets sans valeur et inutiles.

Cette réflexion sur l’économie du phalanstère débouche nécessairement sur le problème du travail salarié. Le projet de développement des coopératives auquel Gide se consacre, remet en question le salariat. Fourier, lui, substitue le travail associé au travail salarié. L’association dans le mécanisme social a une vertu émulative, impliquant chacun dans le produit de son travail. L’organisation des tâches, leur diversité, les courtes séances, rendent le travail attrayant. Gide a bien des réticences sur cette représentation du travail, écartant toute la dimension de désir et de plaisir que lui confère Fourier : pour lui cela ne peut jamais devenir jeu ou plaisir, étant irrémédiablement associé à l’effort voire au devoir et à une certaine idée de l’honneur professionnel. Sur ce terrain du travail, il est plus proche de Proudhon qui pense le dévouement et le don de soi dans la tâche professionnelle. On peut concéder que le travail est par essence contrainte, activité hétéronome et jamais totalement autonome. Mais on peut aussi défendre le principe du désir dans l’accomplissement des tâches professionnelles en brisant les formes connues d’aliénation au travail.

Ce qui intéresse le penseur des coopératives dans la théorie de Fourier, c’est la co-association et la co-propriété des travailleurs. Tout travail dans la phalange est rétribué en proportion de trois facultés : capital, travail et talent. Fourier imagine une formule de répartition qui repose sur ces trois paramètres : 5/12 au travail, 4/12 au capital et 3/12 au talent. Gide fait remarquer qu’il donne beaucoup au capital par rapport au travail, ce qui dénote « sa vision encore bien bourgeoise » : en clair, Fourier n’est pas très socialiste ! Pourtant la pensée de Fourier est stimulante, à contre-marche du sens commun : le talent est déjà un don de la nature, alors pourquoi lui ajouter un surcroît de richesse ? Gide interroge les critères pour juger le talent ou pour établir une capacité distinctive, la seule lui semblant pouvoir être retenue, celle de commander les hommes.

La propriété est conçue sous forme d’actions : actions bancaires les moins rétribuées, actions foncières ou apport en terres et actions ouvrières les plus rétribuées car elles constituent l’épargne des travailleurs (le capitaliste, note Gide, n’a pas de mérite à épargner). La pensée actuelle, si loin de l’ucoopisme et de l’utopisme, trouve si normatif voire si logique de valoriser la répartition par capitalisation qui ne favorise que l’épargnant riche !

Le système de Fourier est encore plus complexe, intégrant des critères supplémentaires, par exemple une meilleure rétribution des travaux les moins attrayants, les plus pénibles. Pourquoi, questionne Gide, une telle complexité ? Fourier voit dans cette organisation le moyen de résoudre le problème le plus ardu : le conflit entre l’intérêt privé et l’intérêt collectif ; conflit selon l’auteur qui est la croix de tous ceux qui cherchent une solution sociale !

Gide enfin soumet les propositions et expérimentations de Fourier à l’épreuve de la réalité. Il passe en revue les applications réelles (jamais intégrales) de l’inventeur social. Gide se déprend d’un optimisme excessif ou d’un idéalisme naïf : les tentatives américaines n’ont pas été à la hauteur des attentes du mouvement social. Il lui faut aussi établir des liens avec le mouvement coopératif : comment le rattacher à la pensée de Fourier ? Les coopératives de production ont peu de points de convergence avec le fouriérisme des phalanstères mais elles ont en commun cependant l’abolition du salariat et un mode différent (non identique) de répartition des bénéfices. Le militant du mouvement coopératif dénombre pourtant 12 coopératives sur 500 qui se réclament de Fourier sans mettre en œuvre la vie collective des ménages (comme si l’on ne pouvait jamais appliquer intégralement le fouriérisme surtout dans ce qu’il a de plus dérangeant) mais qui seraient plus conformes à une organisation socialiste des rapports économiques.

Les coopératives s’efforcent en effet d’éliminer le capital (celui-ci appartient aux ouvriers) et la hiérarchie des profits en survalorisant le travail. Le triomphe du capitalisme financier à la fin du XXe siècle ne rencontre plus d’obstacle à son développement et à son épanouissement, à une large rétribution du capital aux dépens du travail.

Enfin, l’auteur s’attarde sur l’expérience du familistère de Guise : alors que René Schérer voit en elle une trahison de l’originalité et de la fécondité de la pensée de Fourier, Gide la classe parmi les plus proches et fidèles à la pensée de Fourier, même si son fondateur et maître d’œuvre possède une toute autre conception de l’organisation du familistère et du travail. Il est vrai que Gide a privilégié, comme militant des coopératives, l’économique sur la subversion dans l’ordre des passions et des amours dans toutes les relations sociales (il n’avait pu avoir accès à la politique de l’amour du Nouveau Monde amoureux).

Travailler est un devoir et un tribut dû à Dieu dans le familistère de Guise. L’organisation du travail est conventionnelle, même si Godin s’efforce de réaliser les séries de Fourier : pour organiser des conférences, pour décorer, pour entretenir le parc... La révolution opérée par Godin a consisté dans la répartition juste des bénéfices : le travail est plus rétribué que le capital au nom de ce principe que la valeur du service rendu par le travail est éminement supérieure à celle que rend le capital. D’office, Godin transforme à la fin de chaque année la part des bénéfices en actions qu’il distribue aux ouvriers devenus les co-associés et co-propriétaires de l’entreprise. L’idée d’une République ouvrière est en marche même si l’expérience est un demi-échec (élection des chefs et vote des rémunérations). Godin meurt en 1888 et le familistère lui survit : pas de raison, plaide Gide, pour que cette institution ne dure pas indéfiniment ! Il fait erreur car celui-ci a fermé ses portes en 1968... Gide calque le modèle de l’expérimentation sociale sur celui de l’expérimentation scientifique. Une expérimentation qui réussit une fois serait reproductible de multiples fois et possèderait ainsi une certaine validité. Cela nous paraît être un contre-sens épistémologique : l’expérimentation sociale n’obéit pas au déterminisme.

Gide termine son parcours par les coopératives de consommation qui témoignent de l’esprit fouriériste (voir à ce propos les Cahier Charles Fourier 14). Il montre que « le comptoir communal » de Fourier est à rapprocher de la coopérative de consommation. Il met en relation directe le producteur et le consommateur. Il établit des liens durables entre les différentes associations agricoles. Toujours chez Fourier prime la nécessité de court-circuiter les intermédiaires et lutter contre la spéculation et le gaspillage.

Gide ne veut pas croire que l’invention sociale est u-topie, sans lieu, de nulle part et pour cette raison impossible à réaliser. La réalisation sera imparfaite, tronquée mais il faut encore imaginer des correctifs, des améliorations, des possibles... C’est un peu le sens de notre recherche des expériences et inventions sociales. Il faut s’efforcer de dédogmatiser les doctrines et systèmes politiques. La radicalité tient à la nécessité de penser le système économique et social dans ses aberrations et incohérences : appauvrir en enrichissant, détruire en produisant, gaspiller en vain sans gain de plaisir et de temps... La folie de Fourier fut de dénoncer une autre forme de folie qui ne se livre pas comme telle mais aurait même les apparences de la raison !