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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Briancourt, Mathieu
Article mis en ligne le 8 février 2008
dernière modification le 25 août 2021

par Bouchet, Thomas

Né en 1793 à Sedan, mort le 19 juillet 1882 à Donchery (Ardennes). Ouvrier teinturier. Propagandiste fouriériste, auteur d’articles et d’ouvrages.

Mathieu Briancourt est le fils de Sébastien Briancourt et de Marie-Thérèse Grosselin. Son acte de décès indique en outre qu’il est veuf de Jeanne-Charlotte Rennesson - il associe de fait dans certaines lettres le nom de son épouse au sien. En 1845, il publie à la Librairie sociétaire L’Organisation du travail et l’association. Dans des années d’intenses débats doctrinaux sur la question, il s’attache à prouver que l’idée d’organisation du travail est d’essence fouriériste et il affirme qu’en dehors de l’Ecole sociétaire, il n’y a pas d’organisation du travail qui soit réalisable. Son texte, présenté sous forme dialoguée et structuré en trois parties (« le travail anarchique » ; « le travail organisé » ; « l’homme est créé pour l’association »), suit une progression à visée pédagogique qui l’apparente à la fois à bien des brochures de propagande qui fleurissent alors et aux traditions des écrits utopistes. Le texte ne dévoile que très progressivement sa coloration fouriériste. Dans un premier temps, les discussions démontrent par petites touches l’intérêt de l’association, à la fois dans les domaines agricole et industriel et dans la vie en société. Le livre vante l’intérêt que représente la mise en commun des instruments de travail dans un grand domaine agricole, les vertus d’une association dans le logement (« Quant aux appartements, nous les réunirons dans une aile du bâtiment » ; « N’oubliez pas une belle salle de bal, dirent les jeunes filles », p. 33-34), les avantages que procurent l’alternance des activités et l’émulation (la figure du détournement de la rivalité guerrière à des fins pacifiques, chère aux fouriéristes et aux saint-simoniens, est ici reprise p. 44). L’accent porte sur deux points : ce type d’association est hautement moral et chrétien, et il ne remet nullement en cause l’ordre des lois. C’est grâce à un nouveau protagoniste, « un homme grave qu’on nous dit être professeur de physique et de mathématiques au collège royal du chef-lieu », que Briancourt laisse saisir un peu plus nettement les grandes lignes de la pensée de Fourier, mais sans nommer son modèle. Le professeur a écrit un manuscrit. Il le lit « à l’ombre d’un vieux tilleul » à un auditoire souvent défiant au départ, conquis à l’arrivée. Le titre du manuscrit, qui n’est autre qu’une phrase de Fourier (« Les attractions sont proportionnelles aux destinées »), n’évoque rien de particulier aux auditeurs ; le professeur décrit les principaux « stimulants » chez l’homme, parmi lesquels « l’enthousiasme », « le besoin de rivalité », « le besoin de changement » (on reconnaît ici la composite, la cabaliste et la papillonne) ; il s’attache au plan divin qui anime toute la création, les végétaux, les animaux, les hommes, la Terre, l’univers ; il évoque une dynamique de diffusion du modèle associé par capillarité, « de proche en proche », d’une commune d’essai jusqu’à la Terre entière ; il explique que les catastrophes naturelles peuvent être vaincues par l’action d’armées industrielles (« Si Dieu a chargé l’humanité de la gestion de sa planète, il lui a nécessairement donné le pouvoir de combattre tous les désordres quels qu’ils soient, et de les faire disparaître, car les attractions sont proportionnelles aux destinées. » p. 128-129). Il propose une organisation du travail et de la société sous forme d’« association intégrale », sans rien changer aux lois religieuses, morales, civiles et politique ». Un riche marchand, convaincu, propose alors de consacrer à l’expérimentation les terres qu’il possède, tout en demandant quelques éclaircissements complémentaires. C’est là que le second tournant du livre se produit :

Le professeur : [...] si donc toutes les populations de France étaient organisées en phalanges, le budget pourrait très facilement être doublé sans occasionner le moindre murmure.
Le marchand : que veut dire, je vous prie, le mot ‘phalange’ dont vous venez de vous servir ?
Le professeur : Charles Fourier, qui a découvert la loi d’association dont nous parlons depuis ce matin, nomme phalange la population d’une commune organisée sociétairement. De là phalanstère, habitation de la phalange, comme monastère signifie habitation des moines. De là phalanstérien, appartenant au phalanstère, et par extension au système d’association tout entier. » (p. 149)

Face à la curiosité parfois sceptique de l’auditoire, le professeur dévoile alors ce qui était jusque là resté sous-entendu. Il tâche de dégager la pensée de Fourier de la mauvaise réputation qui l’entoure : elle est scientifique (lui, le professeur, peut en attester) ; elle n’a rien d’excessif ni de subversif, même si le professeur glisse que dans le domaine des mœurs « [son] opinion personnelle est qu’il [Fourier] n’a pas toujours rencontré juste » (p. 152). Briancourt cherche au total, avec L’Organisation du travail et l’association, à installer la pensée de Fourier et l’action de l’Ecole sociétaire dans les débats de l’heure.
Il publie en 1848 un nouveau livre (dont il précise à la fin de son avant-propos qu’il l’a écrit avant la révolution de Février), complémentaire du premier : Visite au phalanstère.

Visite au phalanstère - 1848
La sommaire de l’ouvrage

Son objectif est de répondre aux objections qui ont été formulées après L’Organisation du travail, de rallier les enthousiasmes, de « donner une idée, aussi palpable que possible, de ce que sera la société harmonienne » (p. IX). On retrouve dans Visite au phalanstère certains personnages du précédent livre, et notamment le professeur : cette fois, celui-là a fait un songe qui, espère-t-il, dissipera les hésitations toutes rhétoriques du narrateur (« Je le confesse, dit le narrateur : je me sens toujours entraîné à confondre l’association phalanstérienne ou avec le communisme, c’est-à-dire l’oppression de l’individu par la masse, ou avec le saint-simonisme, c’est-à-dire l’oppression de la masse par l’individu. ») Ce songe est retravaillé, précise le professeur : il n’a conservé dans son récit « que ce qui [lui] a paru être une conséquence nécessaire de l’organisation phalanstérienne » (p. 31) Suivent de longs développements dont le sommaire de l’ouvrage indique les principales étapes (voir le document joint). La scène se passe en 1950. C’est un vieux phalanstérien nommé Léonard qui fait visiter le phalanstère ; il présente sa famille et ses amis, ils décrivent ensemble la vie quotidienne des harmoniens. On en retiendra, entre autres, l’évocation d’une statue de Charles Fourier sur la plus vaste des places ; à la base du piédestal, on lit tout naturellement : « La série distribue les harmonies. Les attractions sont proportionnelles aux destinées. » Au terme du récit, le professeur explique que son rêve s’est interrompu brusquement par une « détonation semblable à celle d’une arme à feu », signal d’un retour pénible à la Civilisation. Mais l’ouvrage se termine par une déclaration énergique et optimiste : « préparons et organisons, sans nous lasser, les conditions de la Victoire définitive du Génie du Bien sur le Génie du Mal. » (p. 340)
En 1849, Briancourt envoie à l’Union agricole du Sig une petite somme d’argent pour contribuer à l’achat d’une horloge. Dans les années 1860 et 1870, d’après les courriers qu’il envoie à l’Ecole sociétaire, il est domicilié à Donchery (Ardennes). Il est actionnaire de la colonie sociétaire de Condé sur Vesgre à partir de juillet 1862. D’après le registre du Syndicat de la Société immobilière de Condé, à la séance du 6 juillet : Briancourt (de Donchéry) demande à souscrire pour une part dans la société ; la demande est acceptée ; selon le livre des actionnaires, une action est délivrée à Briancourt le 15 juillet ; (ses héritiers la revendent en 1886 à la veuve Poisson). Puis il fait partie de ceux qui reçoivent le compte rendu de la Société de Beauregard pour l’année 1864 [1]. Il publie en 1868 à Bruxelles des Lettres à mon frère sur mes croyances religieuses et sociales, volume constitué de 52 lettres adressées à son frère Auguste - complétées par des notes et un glossaire - dans lesquelles il réaffirme ses convictions phalanstériennes. Il correspond par ailleurs avec le centre parisien de l’Ecole sociétaire. Le 16 mai 1870, il signe un article dans La Science sociale, « Sur la réalisation ». Il envoie régulièrement des lettres pour s’abonner et se réabonner à La Science sociale [2]. Il adresse des lettres au Bulletin du mouvement social à la fin des années 1870.

Mathieu Briancourt âgé (cliché sans date, collection particulière)