Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

SCHERER René, avec DE LAGASNERIE Geoffroy : Après tout. Entretiens sur une vie intellectuelle (2007)
Paris, Cartouche, 2007, 206 p.
Article mis en ligne le 15 décembre 2007
dernière modification le 7 avril 2008

par Bouchet, Thomas

Une pensée en mouvement. Libre, passionnée. Ouverte sur le monde. Dans Après tout, René Schérer revient grâce à Geoffroy de Lagasnerie sur sa vie aux multiples facettes, tissée aussi de quelques fils d’une solidité à toute épreuve. Au terme de l’entretien, il évoque ce qui pourrait aider à définir la pente de sa pensée, une « coincidentia oppositorum », « cette capacité, exigence de maintenir ensemble des choses éloignées les unes des autres et même opposées. Sans qu’il soit absolument nécessaire d’établir entre elles un accord ou une continuité. Une discontinuité, au contraire, qui unit entre elles des oppositions. » (p. 201) Voilà qui le place, glisse-t-il dès l’avant-propos, à « contre-temps » du « sens de l’Histoire » (p. 10). Il ne se lasse pas de dénoncer la « pesanteur morale » de notre temps, sa « bêtise » (id.) Ses bêtes noires ? Psychologisme et psychanalyse, conformisme mou, « dispositif pédagogique » entre autres. Ses boussoles ? Les expériences fondatrices des années de Vincennes (il y est entré en 1969) ; les amitiés, les amours homosexuelles et Guy Hocquenghem en tout premier lieu ; des complicités intellectuelles durables ou ponctuelles, interrompues parfois par la mort (à propos de Kateb Yacine : « avec lui est tombé tout un pan de ma vie, encore un », p. 71) ; la figure de Pasolini, une fois pour toutes ; Deleuze omniprésent, à la fois proche et à distance ; Foucault d’un peu plus loin ; Duvert ; les œuvres philosophiques, mais aussi littéraires qu’il a fréquentées et fréquente toujours assidûment. Fourier enfin, Fourier peut-être surtout : Après tout fourmille de très belles pages sur l’« issue passionnelle et théorique » que René Schérer trouve dans sa pensée (on lira par exemple les très riches « Vivre avec Fourier » et « Fourier intempestif », p. 127-143). C’est notamment avec Fourier qu’il réfléchit sur l’« esprit d’enfance » - or l’enfance colore l’ensemble de l’œuvre de Schérer, ce dont témoigne son tout récent Vers une enfance majeure. C’est par Fourier qu’il pense une « utopie » débarrassée des jugements dépréciatifs qui la cernent, à concevoir plutôt comme une pensée radicalement critique et comme la « recherche d’une réalité absente » (p. 124). Et c’est Fourier que René Schérer convoque lorsqu’il demande ensuite : « car la force, le mouvement passionnel, qu’est-ce d’autre que la réalité en elle-même [...] ? » Les éditions Cartouche ont été bien inspirées d’ajouter à leur intéressant catalogue ce remarquable texte - on regrettera simplement un nombre excessif d’erreurs typographiques, de coquilles, qui en gênent parfois la lecture.