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BREMAND Nathalie : Les socialismes et l’enfance. Expérimentations et utopie 1830-1870 (2008)
Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, 365 p.
Article mis en ligne le 15 décembre 2008
dernière modification le 6 janvier 2009

par Bouchet, Thomas

Les lecteurs des Cahiers Charles Fourier connaissent déjà les travaux de Nathalie Brémand. Elle a publié dans le Cahier 17 (2007) « La rue-galerie et les relations adultes-enfants chez Fourier et les fouriéristes ». L’article était issu d’une thèse de doctorat, soutenue en 2006, et dont Les socialismes et l’enfance est la très intéressante traduction sous forme de livre. S’interrogeant sur la place centrale qu’occupe l’enfant dans les sociétés d’aujourd’hui, Nathalie Brémand se penche sur le XIXe siècle central. Elle repère dans les pensées des socialistes de ces décennies une volonté partagée de transformer les relations entre individus ; elle montre que les enfants tiennent souvent une place essentielle dans les dispositifs. Pour rendre compte de ce qui se joue alors, elle organise son ouvrage en deux parties. « Les premières décennies sont marquées par la publication des écrits et les suivantes par la volonté de mettre les idées en pratique » (conclusion, p. 319). La première partie est intitulée « L’enfant dans les projets de société » (p. 23 à 105) et elle comprend trois chapitres : « Une place nouvelle pour l’enfant » ; « L’éducation » ; « L’enfant en société ». Nathalie Brémand y rencontre notamment deux penseurs : Cabet, et Fourier selon qui les enfants sont « la cheville ouvrière de l’harmonie sociétaire et de l’Attraction Universelle » (Le Nouveau Monde industriel et sociétaire, cité p. 18) ; elle s’attache aussi aux pensées de Pierre-Joseph Proudhon, Victor Considerant, Louis Blanc, Joseph Déjacque, Théodore Dézamy, Flora Tristan, Pierre Leroux, Joseph Rey. Dans une seconde partie beaucoup plus longue (p. 109-313), elle se consacre à « L’enfant dans les expérimentations sociales ». Les tentatives qu’elle étudie indiquent que leurs promoteurs préfèrent les vertus de l’expérience au recours à la violence ; tantôt ils placent les enfants au cœur de l’expérience, tantôt les enfants participent avec le reste de leurs familles. Les expériences de Châtillon-sous-Bagneux, de Beauregard, de Saint-Benoît ou encore de Ry sont analysées dans « Les réalisations pour enfants » ; Cîteaux, Sig, les « phalanstères » brésiliens et Réunion dans « Les enfants dans les communautés familiales ». Le familistère de Guise est l’objet d’un chapitre VII très nourri et très instructif, fondé sur un corpus remarquable. Nathalie Brémand livre au total une synthèse inédite sur une question de fond. Elle souligne en conclusion que les socialismes ne mettent pas surtout l’accent sur l’innovation pédagogique, sur les manières d’instruire ; ils tâchent plutôt de former l’individu comme être social (p. 320). Ils impriment un double mouvement : vers l’enfant-personne (on retrouve là le mouvement plus général que Jean-Noël Luc, le directeur de sa thèse, a étudié par exemple dans L’invention du jeune enfant au XIXe siècle, 1997) et vers une extension de la famille vers la collectivité. « Au lien parent-enfant doit se substituer le lien individu-communauté ou encore citoyen-Etat » (p. 325).