Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

134-136
Prolégomènes à « L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique »
Article mis en ligne le 5 janvier 2011
dernière modification le 2 octobre 2016

par Adorno, Theodor W.

Les paralipomènes reproduits ci-dessous se trouvent dans deux liasses : (a) un certain nombre d’annotations et de passages intercalés dans le texte (avec stades antérieurs ou variantes et notices) se rattachant à la — nouvelle — deuxième version (= Ms 971, 978-995), que Benjamin rédigea fin janvier / début février 1936 (voir Bd I, 986, 987) — cette liasse se trouve aux Archives Benjamin de Francfort ; et (b) un certain nombre d’extraits, de notes, et de notices principalement rattachés à « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », soit au travail dans sa troisième version, et à la recension de « Encyclopédie française », vol. 16 et 17 (voir Bd 3, 579-585) avec quelques projets de lettres ou fragments de celles-ci et trois inserts du tapuscrit de la version française (= Enveloppe 3, Feuillet [1]-[29]) — cette liasse se trouve au Département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, Paris, où elle fut découverte en 1981 (cf. R. Tiedemann, Epilégomènes de l’édition Benjamin, l. c., 155), et est détenue par les auteurs de l’édition sous forme de microfilm.

(a) la première liasse se compose des feuillets suivants, reproduits en cas de besoin comme paralipomènes (l’impression est superflue s’agissant des feuillets intégrés dans le tapuscrit de la deuxième version ; les écarts le plus souvent minimes sont indiqués comme des variantes de lecture ; voir entre autre 687-689 :

le Ms 971 renferme 4 notes, dont la première est une variante du Ms 981, note en bas de page 4) dans la deuxième version — abrégé en ZwF (cf. partie de texte, 360 ; cf. aussi Bd I, 1048), la deuxième la forme antérieure d’un passage du Ms 985, la note en bas de page 10) dans ZwF (cf. 368 et suiv.), la troisième est la quatrième des formes antérieures du Ms 981 (voir ci-dessus) :

Au demeurant, une autre volonté utopique encore se fait jour dans les révolutions. A côté de l’utopie de la seconde nature, en effet, il y a une utopie de la première. Celle-là est plus proche de la réalisation que celle-ci. Plus l’évolution de l’humanité gagne en portée, plus les utopies concernant la première nature (et surtout le corps humain) vont reculer ouvertement au profit de celles relatives à la société et à la technique. Qu’il s’agisse là d’un recul provisoire, cela va de soi. Il faut que les problèmes de la seconde nature, sociaux et techniques, soient très proches de leur solution, avant que ceux de la première — amour et mort — laissent deviner leurs contours. (C’est une chose que ne voulaient pas admettre, justement, quelques-uns des esprits de la révolution bourgeoise qui voyaient le plus loin. Sade et Fourier envisagent la réalisation immédiate des joies de la vie humaine. En regard, on voit reculer en Russie cet aspect de l’utopie. En revanche, la planification de l’existence collective s’allie à une planification technique à une vaste échelle planétaire [)]. (Ce n’est pas par hasard que les expéditions dans l’Arctique et dans la stratosphère se rangent parmi les premiers exploits de l’Union soviétique pacifiée.) Accorde-t-on dans ce contexte une oreille au slogan « sol et sang », c’est alors le fascisme qui se dresse là soudain, cherchant à barrer le chemin aux deux utopies. « Le sang » — cela s’oppose à l’utopie de la première nature, qui veut donner à tous les microbes pareille médecine comme terrain propice à leurs ébats. « Le sol » — cela va contre l’utopie de la seconde nature, dont la réalisation doit être au privilège de ce type d’homme qui monte dans la stratosphère pour jeter des bombes de là-haut.

Celle-ci [l’origine de la conception antique de l’art] réside dans la mimésis en tant que phénomène originaire de toute activité artistique. Celui qui imite rend une chose apparente. (Et à vrai dire l’imitation la plus ancienne ne connaît d’abord qu’une seule substance qu’elle façonne ; et c’est le corps de l’imitant lui-même. [)]. Le langage et la danse (gestus des lèvres et du corps) sont les premières manifestations de la mimésis. L’imitant, il rend une chose apparente. On peut dire aussi qu’il joue la chose : et avec cela, on touche la polarité qui repose dans le fondement de la mimésis.

C’est le but des révolutions que d’accélérer cela. Le corps libéré par la liquidation de la première technique

Les révolutions sont des innervations du collectif, des essais pour dominer cette seconde nature dans laquelle la maîtrise des forces sociales élémentaires est devenue indispensable, comme condition d’une maîtrise technique supérieure des forces naturelles élémentaires. De même qu’un enfant apprenant à saisir tend la main vers la lune aussi bien que vers une balle, de même chaque révolution envisage-t-elle, à côté de buts saisissables, également des buts qui sont d’abord utopiques. Or, dans les révolutions, se fait jour une double volonté utopique. Car ce n’est pas seulement la seconde nature — dont le collectif s’empare comme de sa première dans la technique — qui va poser ses exigences révolutionnaires. La première nature, l’organique et en premier lieu l’organisme corporel de l’individu, n’a pas encore eu sa part elle non plus et ce depuis longtemps. Ses exigences, en tout état de cause, auront d’abord, dans le processus évolutif de l’humanité, à prendre la place où les problèmes de la seconde nature…

Archives Benjamin, Ms 971