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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Michelot, Pierre-Marie-Nicolas (dit Théodore Michelot)
Article mis en ligne le 30 juillet 2011
dernière modification le 18 septembre 2016

par Desmars, Bernard

Né le 5 juin 1786 à Paris, décédé le 18 décembre 1856 à Passy (Seine). Acteur à la Comédie française, professeur au Conservatoire. Fouriériste lui-même, il est le père de Jenny Fumet, l’une des dirigeantes d’un groupe phalanstérien entre 1885 et 1914.

Michelot a pour père un interprète-traducteur, qui lui fait commencer des études classiques, avec pour objectif l’entrée à l’École polytechnique. Mais, par choix ou par nécessité (la famille serait ruinée pendant la Révolution), les raisons divergeant selon les sources, Michelot abandonne ses études et travaille quelque temps dans une banque, tout en pratiquant le théâtre en amateur.

Galerie historique des comédiens de la troupe de Talma, 1866

Une carrière théâtrale

Mais la Comédie française, fermée en 1793, est reconstituée sous le Consulat. Grâce à l’appui du tragédien Talma, Michelot y entre en 1805, et en devient sociétaire en 1811. Il se marie en 1814 avec Jenny Boissière (1792-1839), pensionnaire depuis 1809 dans la même institution, qu’elle quitte en 1817. Cette même année 1817, le couple a un enfant, Jeanne (ou Jenny), qui jouera un rôle de premier plan dans le mouvement phalanstérien, du milieu des années 1880 jusqu’à sa mort en 1914.

Le jeu de Michelot a suscité des jugements assez sévères ; selon un historien du Théâtre français, « sa taille était au-dessous de la moyenne ; les traits de son visage n’offraient aux regards qu’une physionomie sèche et dure, et par conséquent peu propre à exprimer les émotions tendres et pathétiques. Outre ces désavantages naturels, Michelot avait adopté un système de déclamation excessivement monotone ; on aurait pu noter sa récitation, tant les mêmes inflexions s’y reproduisaient périodiquement à la fin de chaque vers » [1]. Cependant, avec l’aide de Talma, qui dispose alors d’une grande influence, et grâce à son travail, Michelot conquiert une place importante à la Comédie ; il y joue de très nombreux rôles, dans des registres différents, même s’il se montre plus à l’aise dans la comédie que dans la tragédie. En 1830, il crée le rôle de Don Carlos dans Hernani, mais sa façon de déclamer le texte ne convient guère au nouveau théâtre des romantiques. « Michelot était si souvent interrompu dans le monologue de Charles-Quint qu’il se voyait contraint à s’arrêter tout à fait, ne pouvant plus lutter contre les bruits de natures si diverses qui couvraient sa voix » [2]

Affecté de surcroît par une surdité croissante, il interrompt sa carrière théâtrale en 1831. « Il laissa derrière lui la réputation d’un acteur agréable, instruit, homme de goût, beau diseur quoique peu naturel, mais qui ne figura pas en première ligne dans la hiérarchie théâtrale, parce qu’il manquait de cette ampleur qui fait les grands artistes. [...] Un critique a pu le caractériser d’une manière aussi vraie que piquante en l’appelant un grand comédien en miniature » [3].

Parallèlement aux rôles occupés à la Comédie française, Michelot mène une activité d’enseignement au Conservatoire du Français dès 1812-1813 comme répétiteur, puis professeur adjoint, et enfin, à partir de 1816, comme professeur titulaire ; après avoir suspendu son enseignement en 1819, il le reprend quelques années plus tard (1822 ou 1825 selon les sources). Il le continue cependant jusqu’en 1851 et est considéré comme un bon découvreur de talents ; il a notamment pour élève la tragédienne Rachel. Parallèlement, depuis au moins le début des années 1820, il donne des cours particuliers à des jeunes gens souhaitant devenir acteurs ; il dispense également des leçons privées d’art oratoire et de diction aux jeunes hommes aisés qui se destinent (ou que leur famille destine) à une carrière politique ou à la profession d’avocat. Charles Dupin, qui sera député à partir de 1827, et même, brièvement, ministre sous la monarchie de Juillet, le remercie en 1822 pour ses « excellentes leçons » [4]. Il a aussi parmi ses élèves quelques jeunes hommes de l’aristocratie française, comme Georges d’Harcourt et Joseph d’Haussonville, futurs hommes politiques et diplomates, beaucoup plus critiques envers les exercices d’élocution qui leur sont imposés [5].

Il est par ailleurs franc-maçon et appartient à la loge de la Triple Harmonie.

Fouriériste et républicain

Dès les années 1830, Michelot est un disciple de Fourier auquel il rend visite avec sa fille. Il lui parle notamment des lois du langage, thème qui semble beaucoup le préoccuper et qu’il évoque aussi devant ses condisciples lors des réunions hebdomadaires autour de Considerant, le mercredi soir [6]

Il participe activement aux projets et aux manifestations de l’École sociétaire : le 20 août 1837, une assemblée de fouriéristes - l’une des dernières sans doute à laquelle a assisté Fourier - se réunit sous la direction de Considerant pour examiner les plans d’un futur essai sociétaire réalisés par Maurize et préparer une « fondation en échelle réduite », un « institut sociétaire pour 400 enfants ». Pour gérer les premiers fonds récoltés, une commission est désignée, dont fait partie Michelot [7]. Et alors que Victor Considerant est contesté par des fouriéristes dissidents en cette année 1837, Michelot fait partie de ceux qui lui apportent leur soutien [8].

Lors du banquet du 7 avril 1839, qui commémore la naissance de Fourier, Michelot lit « avec âme le chapitre si remarquable de Fourier, intitulé Dualité du destin social et enfance politique du Globe », extrait du Traité de l’Association domestique agricole [9].

La lettre qu’il envoie en cette même année 1839 à Harel, pour le remercier de lui avoir envoyé Le Ménage sociétaire, témoigne de ses convictions fouriéristes :

« Je regarde votre livre, comme le meilleur moyen d’ébranler ces esprits arrêtés dans l’ornière civilisée, et de leur faire franchir le premier degré de conviction, qui conduit à l’adhésion de la théorie sociétaire. Fourier, dans sa parole, a jeté tant de lumière, qu’il a frappé de cécité bien des vues faibles. Il n’était pas dans la nature de son génie de donner une allure précautionneuse à la vérité.

Vous, Monsieur, vous avez eu pitié des pauvres d’esprit. Vous êtes descendu jusqu’à peindre de petits intérêts matériels, les seuls que ceux-ci peuvent comprendre dans leur engourdissement civilisé ; vous les avez conduits par la main dans une sorte de phalanstère préparatoire, où le bien-être que vous leur avez composé, leur rendra bientôt compréhensibles, les lois écrites par Fourier sous la dictée de Dieu. Sans vous, ils n’auraient pas connu le génie de notre ami, qui, de son vivant, vous aurait donné la sanction qu’il fait descendre aujourd’hui sur votre livre » [10].

Après la révolution de février 1848, Michelot contribue à la création du Club républicain des artistes dramatiques ; avec des sociétaires (en activité ou en retraite) et des auteurs (dont Bérenger, Félix Pyat, Etienne Arago), il fait partie, brièvement semble-t-il, d’une commission chargée d’examiner la liquidation de la Société du théâtre, et la réorganisation de la Société de la comédie française. Il est candidat en avril 1848 lors de l’élection pour l’assemblée constituante, à la demande, dit-il, de ses amis auxquels il adresse sa profession de foi :

« Je n’ai point d’antécédents politiques. J’ai vécu en humble artiste, résigné à souffrir ce qu’il ne pouvait empêcher. Je me réveille avec la liberté et je proclame à haute voix le cri de ma conscience.

Plus de privilèges artistiques.

Plus de caste nobiliaire et prolétaire.

Egalité pour tout le monde et fortune ouverte à toutes les carrières utiles et honorables.

Moralisation de tout ce qui a été atteint par la corruption et pour arriver à ce but, voici ce que je demande.

Une loi sur l’impôt proportionnel en faveur des travailleurs pauvres.

Une loi sur l’abolition de l’agiotage à tous les degrés.

Une loi sur le divorce.

Une loi sur l’abolition du duel.

Une loi sur les récompenses nationales dues aux vertus civiques et aux services rendus à la République.

Une loi sur la mobilisation graduée de la garde nationale en cas d’agression étrangère.

Une loi qui en honorant le travail de toutes les choses utiles, flétrisse l’oisiveté et qui proclame que la vraie fraternité dans une république n’existe que chez ceux qui produisent et sont bons pour le prochain.

Une loi sur la proscription des jeux dont l’argent est le but, depuis la roulette des rues jusqu’aux marchés à terme de l’antre de la bourse.

Une loi sur l’éducation publique et gratuite et sur la tutelle de la nation adoptant tous les enfants de la République.

Et enfin, un essai d’association intégrale, du capital, du travail et du talent.

Voilà ma profession de foi politique. Je la signerai de mon sang s’il le faut. Elle trouvera des sympathies ou non, mais je n’en changerai jamais.

Salut et fraternité.
Michelot [11] »

Il n’est pas élu et semble ensuite s’éloigner de toute activité publique. Dans ses dernières années, il fréquente beaucoup la bibliothèque impériale, s’intéressant en particulier à l’étude des langues. Retiré dans une modeste maison de Passy, une commune alors distincte de Paris, il y meurt en 1856.