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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

19-21
Le Maitron et le Dictionnaire biographique du fouriérisme
Article mis en ligne le 7 octobre 2016
dernière modification le 8 octobre 2016

par Pennetier, Claude

Cette contribution met en lumière les passerelles qui existent entre le Maitron et le Dictionnaire biographique du fouriérisme et pose les jalons d’une coopération renforcée.

Le Maitron et l’Association d’études fouriéristes partagent bien des intérêts. La cohérence d’un travail spécifique sur les diverses composantes du fouriérisme s’impose et le site remarquable qui se développe pour accueillir les itinéraires de celles et ceux qui se sont réclamé de la pensée de Charles Fourier a sa pleine légitimité, et surtout une grande utilité.

On ne peut qu’être séduit par l’élégance de la présentation, la forte présence de l’iconographie, la clarté des rubriques. La datation des mises en ligne et des révisions, de même que l’organisation de la notice, s’avèrent des atouts. La rubrique « pour citer la notice » est particulièrement bienvenue ; elle n’existe pas sur le site Maitron, car il faudrait reprendre 130 000 notices ; celle qui s’intitule « index » reste visible sur l’écran, alors qu’elle est masquée dans le Maitron-en-ligne [1], accessible aux seuls rédacteurs.

Nous ne pouvons qu’être sensibles aux références au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF) dans les notices, puisqu’il apparaît soit par une icône signalant que cette notice doit beaucoup au Maitron, soit dans « pour citer la notice » avec l’indication explicite : « initialement parue dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier ».

Ainsi, dans la première, par ordre alphabétique : BREY Gérard (2012), “Joaquín Estanislao Abreu y Orta”, Dictionnaire biographique du fouriérisme, notice mise en ligne en septembre 2012, initialement parue dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier [2].

Mention justifiée car il s’agit du même auteur, mais celle du Dictionnaire biographique du fouriérisme (DBF) de l’Association d’études fouriéristes est plus complète, et d’ailleurs plus agréable à consulter avec ses intertitres et ses deux documents iconographiques. La notice du DBF s’affirme surtout plus riche par son contenu, avec sa bibliographie et même, au prix d’un néologisme, sa Sitographie, avec référence à un site espagnol. De son côté, le site MEL [3], sans référence à la sitographie, offre un lien vers la notice du DBF.

On pourrait souhaiter que la notice du MEL capte l’essentiel de la richesse du DBF. C’est possible, mais ce n’est pas une mince affaire. Un simple copier-coller n’aurait pas de sens et serait scientifiquement improductif. Des obstacles rédactionnels rendent d’ailleurs cette opération impossible. Le DBF est écrit au présent, le Maitron au passé ; le DBF utilise les notes, le DBMOF la référence entre parenthèses ou dans la partie source. Il convient cependant que le lecteur du MEL dispose d’une biographie mise à jour et il faut donc, pour le moins, colmater les lacunes. Lorsque c’est le même auteur, la mise à jour semble facile. Naturellement, il faut faire un lien internet vers la biographie du DBF.

La question essentielle est la définition et les frontières du corpus fouriériste. Le Maitron doit beaucoup à un historien aujourd’hui oublié, Jean Dautry (1910-1968), qui joua un rôle de premier plan dans l’élaboration de la première période du Maitron [4]. La préface de Jean Maitron et Jean Dautry ne s’attarde guère sur les critères de sélection :

De toute manière, sauf rarissimes exceptions, les hommes connus qui ont pris place dans ce Dictionnaire ne sont, par rapport à la classe ouvrière, si l’on nous permet d’employer ce néologisme, que des « compagnons de route ». D’origine bourgeoise, idéologues ou politiques, ils ont à un moment donné, pour des raisons qui leur sont propres, de façon durable ou temporairement, pris le parti de la classe ouvrière. Est-il besoin de préciser que, parmi eux, les socialistes des obédiences diverses, depuis le socialisme chrétien des bucheziens jusqu’au communisme anarchisant de plusieurs sectateurs de sociétés secrètes des années 40, en passant par les adhérents des écoles célèbres, école saint-simonienne, école fouriériste, école du communisme icarien, école du communisme néo-babouviste, que tous ces « socialistes » et leurs successeurs du Second Empire ont été au centre de nos préoccupations ? [5].

Les auteurs pensent en premier lieu aux noms phares, les Victor Considerant ou Just Muiron. Il n’y a donc pas de limites sociales ou politiques placées sur le chemin de la sélection. Dans la pratique, c’est un choix de plus de 250 noms qui est fait, correspondant aux situations les plus diverses, de l’ouvrier cordonnier Laurent Héronville à Eugène Nus, des membres de l’École sociétaire aux « réalisateurs », en passant par les déplacements dans les deux sens entre saint-simoniens et fouriéristes. Ce premier travail date de cinquante ans. Depuis l’historiographie du fouriérisme a été profondément transformée. Fort heureusement, à l’initiative de Michel Cordillot, une étape intermédiaire s’est ouverte à la fin des années 1990, au moment de la réalisation du cédérom « Deux siècles d’histoire sociale » [6].

Ce fut beaucoup plus qu’une révision : ont été intégrés dans le Maitron à cette occasion une nouvelle notice de Charles Fourier par Jonathan Beecher, une série d’autres apports dont les biographies de fouriéristes aux Amériques par Michel Cordillot, des contributions de Thomas Bouchet, Bernard Desmars, Jean-Claude Dubos, Jacques Grandjonc, Raymond Huard … C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’émergea l’idée d’un dictionnaire des fouriéristes qui prit la dimension que l’on connaît aujourd’hui. Grâce à Philippe Régnier, un effort semblable fut fait pour les biographies de saint-simoniens, d’ailleurs un peu plus présents en nombre que les fouriéristes dans le Maitron.

Le passage en ligne du Maitron, sous un logiciel SPIP facilitant les révisions, a permis des modifications ponctuelles, quelques nouvelles biographies, mais la révolution fouriériste reste à venir, du moins une réforme radicale. Notons parmi les avancées, la présence du Dictionnaire biographique Grande-Bretagne et Irlande, révisé, qui recèle quelques croisements avec le fouriérisme, ainsi Vansittart Neale, même si l’apport sur les owenistes est plus conséquent.

La participation de Bernard Desmars à la Journée Maitron du 8 décembre 2011, les échanges avec Thomas Bouchet et Michel Cordillot ouvrent la voie à une coopération entre le Maitron et le DBF.