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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Berger, Octave
Article mis en ligne le 7 janvier 2013
dernière modification le 13 novembre 2013

par Desmars, Bernard

Avocat. Vit à Tervueren (ou Tervuren), dans la banlieue de Bruxelles. Anarchiste individualiste, puis socialiste colinsien, et enfin proche du courant fouriériste d’Alhaiza. Théosophe. Rédacteur de La Rénovation au XXe siècle.

L’itinéraire d’Octave Berger est assez complexe. Cet avocat belge s’inscrit dans un premier temps dans la mouvance anarchiste ; il est le responsable de la publication de La Réforme sociale (mai-juin 1890), puis de La Question sociale qui a d’abord pour sous-titre Revue mensuelle de sociologie anarchiste. Mais dès 1890-1891, il évolue vers le « socialisme rationnel » de Colins (La Question sociale prend alors pour sous-titre. Bulletin périodique du socialisme rationnel, puis Étude de science sociale).

En 1901, Adolphe Alhaiza, à la tête de l’un des courants du fouriérisme, se rapproche des socialistes colinsiens, dans le cadre de la création commune d’une « Ligue pour la nationalisation du sol ». C’est alors, probablement, qu’il noue des relations avec Berger, qui, en 1906, fait dans La Revue du socialisme rationnel, l’organe colinsien, une présentation élogieuse du groupe de La Rénovation et souligne les convergences entre le socialisme rationnel et le fouriérisme [1]. Les deux hommes, outre leur adhésion au principe de la nationalisation du sol, partagent un même intérêt pour l’occultisme, Berger étant membre de la Société théosophique [2] ; il publie dans La Rénovation plusieurs articles où il s’efforce de montrer « une certaine analogie, au point de vue de la loi des cycles et des sous-cycles, ou de la grande doctrine de l’évolution des sociétés, entre la théorie sociétaire et l’ésotérisme théosophique » [3].

Des sympathies pour l’Action française

Certes, Berger continue à collaborer à La Revue du socialisme rationnel, mais il est désormais un des « sympathisants plus ou moins hérétiques » du socialisme colinsien [4]. Et de plus en plus, il se présente comme fouriériste et devient l’un des rédacteurs réguliers de La Rénovation, avec des articles à tonalité nationaliste et antisémite. Il accueille avec sympathie la parution en 1908 du quotidien L’Action française, « un nouveau quotidien qui est ma foi intéressant, bien qu’il soit ultra-royaliste, et que je lis chaque jour avec curiosité » [5]. Il souligne la communauté de vues entre le groupe de La Rénovation et l’Action française de Maurras : « nous aussi, les disciples de Fourier, nous sommes logiquement nationalistes, dans le véritable sens du mot, synonyme de ‘’sociétarisme intégral’’ […] Sans être royalistes ou catholiques comme l’Action française, nous pouvons parfaitement nous associer à plusieurs des justes critiques que ce journal a faites du parlementarisme » [6]. Berger déclare d’abord ne pas s’intéresser à la question du régime, républicain ou monarchiste, et en particulier au « néo-royalisme » de Maurras ; « mais, à celui qui étudie et médite durant de longs mois, comme j’ai essayé de le faire, tout cela devient de plus en plus sympathique et séduisant, et l’on finit par se déclarer, sinon vaincu, au moins singulièrement empoigné et ému, et conquis, sinon en théorie, du moins en pratique, considérant ce néo-royalisme comme fort acceptable en fait, tout en le croyant en droit amendable » ; il apprécie beaucoup l’Enquête sur la monarchie de Maurras, « un beau traité de positivisme sociologique » ; « ce bel ouvrage constitue un véritable plaidoyer en faveur des idées de nationalisme, d’ordre réel, de liberté politique et sociale dans l’ordre intégral, de hiérarchie harmonieuse et de splendide autonomie des divers corps sociaux dans l’Etat bien administré » [7]. Berger dénonce « la République jacobine, centralisatrice, parlementaire, bourgeoise, essentiellement individualiste, qui régit la France actuelle », un « Républicanisme qui n’a rien de commun avec celui de l’Ecole sociétaire, essentiellement basé, lui, sur la hiérarchie » ; et « ce système hiérarchiste […] se rapproche infiniment plus du Néo-Royalisme que de la démocratie républicaine aujourd’hui dominante » ; Berger appelle donc ses condisciples à prêter leur « attention sympathique à une doctrine de réformation politique », celle de l’Action française [8]. Parallèlement, dans une série de quatre articles, il présente avantageusement le mouvement « jaune » et le « Parti propriétiste » de Pierre Biétry, dont il veut montrer qu’ils sont très proches des « sociétaristes fouriéristes ». Et il défend le principe synarchique de Saint-Yves d’Alveydre, qu’il s’efforce de relier au fouriérisme et à l’Action française [9].

Berger apporte sa contribution financière à la publication du Dictionnaire de sociologie phalanstérienne, de Silberling ; il souscrit d’abord pour 100 francs et 10 exemplaires en 1908, puis, quand il apparaît que le montant nécessaire n’est pas atteint, pour 50 francs et 5 exemplaires supplémentaires en 1909 [10]. Lors des anniversaires de la naissance de Fourier, il envoie un mot pour s’excuser de son absence et signaler sa « participation mentale » [11].

Les derniers temps de La Rénovation

Pendant la Première Guerre mondiale, il quitte son domicile de Tervueren, dans la banlieue de Bruxelles, et se réfugie à Rouen [12]. Ayant obtenu l’insertion dans L’Action française d’un article en faveur de la réunion des États provinciaux et des États généraux, il continue à prôner dans La Rénovation l’alliance entre l’Action française de Maurras, la synarchie et le sociétarisme fouriériste ; il souhaite que « la France d’après-guerre suive l’avis de son grand citoyen, Charles Maurras, en adoptant, en acclamant la fondamentale idée des Etats généraux, la seule qui puisse élever le monde au plus haut degré de prospérité » [13].

Après la guerre, l’existence de La Rénovation est menacée. Ses moyens financiers sont désormais insuffisants pour assurer une publication régulière de la revue ; et son principal rédacteur, Adolphe Alhaiza, âgé et fatigué, cherche un successeur. Berger, qui est retourné à Tervueren, est d’abord désigné comme le « continuateur » [14] ; il s’efforce de ranimer l’espoir chez les disciples en déclarant observer dans l’opinion publique un mouvement en faveur de Fourier ; et « dans vingt-cinq ans je pense, il triomphera. Je le prévois du moins, après plus de trente ans de sincères et sérieuses méditations sociologiques. Soyons-en joyeux et consolés, chers lecteurs de la pauvre petite Rénovation, qui, malgré tout, ne périra pas, si Dieu le permet » [15]. Outre ses articles, Berger apporte un peu d’argent afin de permettre l’impression du périodique [16]. Il essaie aussi d’orienter La Rénovation vers le catholicisme et veut proclamer « l’Evangile en Religion ; - la Synarchie, en Politique ; - le Sociétarisme en Economie sociale » [17].

Mais dans le numéro de janvier 1922, présenté comme pouvant bien être le dernier, Alhaiza indique que Berger, « qui s’était offert pour [la] continuation, paraît maintenant se désister » ; il fait donc appel « au désiré continuateur » qui pourrait se substituer à « notre assidu collaborateur de Bruxelles » maintenant présenté comme « simplement ami de Fourier » [18]. Pourtant, deux numéros plus tard, le nom du gérant indiqué à la fin du journal est celui de Berger, à la place de celui d’Alhaiza. Il s’agit là de la dernière livraison de La Rénovation [19].