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Girault-Lesourd, Augustine (Héloïse) (pseudonyme : Mme A. Gaël)
Article mis en ligne le 19 janvier 2014
dernière modification le 26 juin 2022

par Bastit-Lesourd, Marie-Françoise

Née le 16 octobre 1810 à Paris (Seine), décédée le 9 juillet 1890, à Angers (Maine-et-Loire). Artiste peintre. Auteur d’ouvrages sur l’Algérie et sur l’instruction des filles, et d’articles publiés dans L’Economiste français et La Science sociale. Militante féministe, républicaine, partisane de l’éducation populaire et de la protection des animaux.

Augustine, à sa naissance, porte d’abord le patronyme de sa mère, Marie-Ursule Cavour ; quelques années plus tard, en 1816, celle-ci épouse Auguste (Louis) Lesourd-Delisle qui légitime l’enfant. Ce père est issu d’une famille de riches indienneurs, qui possédaient au XVIIIe siècle une manufacture à Angers ; lui-même est employé à la préfecture de police de Paris où il est attaché à la division de l’approvisionnement et du commerce de Paris, après avoir passé quelques années en captivité dans les prisons anglaises [1]. Il est ensuite conservateur des canaux du Centre et de la Seille, puis du canal latéral de l’Oise, à Compiègne.

Mme Girault-Lesourd
Portrait par Victor Louis Mottez (Musée des Beaux-Arts d’Angers).

Formation et milieu social

Augustine reçoit une instruction soignée de jeune fille de la bourgeoisie. Elle étudie la peinture en s’inspirant des ouvrages de botanique de son père, puis elle est élève du peintre de fleurs, Pierre-Joseph Redouté [2], qui ouvre un cours au Muséum d’histoire naturelle à Paris en 1824, cours fréquenté par des jeunes femmes de la noblesse et la haute bourgeoisie. Elle fait le portrait de ses grands-parents paternels en 1837 [3]. Elle obtient une récompense en 1838 lors d’une exposition à Angers et une médaille d’or au salon des Beaux-arts de Paris la même année :

Mademoiselle A. Lesourd-Delisle de Compiègne, élève de M. Redouté, a exposé cette année au Salon de Paris un tableau de fleurs à l’aquarelle pour lequel il lui a été justement décerné une médaille d’or [4].

Elle épouse le 6 août 1838 à Compiègne René Girault, originaire de Saint-Georges-les-Sept-Voies dans le Maine-et-Loire où il est propriétaire [5]. Les deux époux associent désormais leurs noms et se font généralement appeler Girault-Lesourd. Le couple, lorsqu’il séjourne à Saint-Georges-des-Sept-Voies, dans sa propriété de Vendor, est voisin de Grégoire Bordillon, chef de file des républicains d’Anjou et fondateur en 1832 du journal le Précurseur de l’Ouest, mais aussi du fouriériste Eugène Bonnemère dont les propriétés se trouvent sur la même commune. Les familles se fréquentent et se retrouvent dans les mêmes cercles intellectuels et progressistes. L’influence de Bonnemère est prépondérante dans l’ouverture d’Augustine Girault au fouriérisme. Par son intermédiaire elle fait connaissance du nantais Ange Guépin ami des précédents.

Engagements

Augustine Girault-Lesourd effectue un voyage en Algérie en 1858, en compagnie de son mari et de leur fils unique, Paul, né en 1839. Elle consigne ses observations et ses expériences algériennes dans des ouvrages qu’elle publie en 1860 et 1889 sous le pseudonyme d’A. Gaël. Elle note combien les femmes indigènes sont vives et intelligentes dans leur jeunesse, mais combien l’inactivité intellectuelle les abrutit et participe à leur dégradation physique.

Elle poursuit sa carrière de peintre et reçoit un nouveau prix en 1858 mais ensuite son activité d’artiste semble mise entre parenthèses. Elle est éprouvée en janvier 1859 par le décès de son père, suivi quelques semaines plus tard par celui de son fils Paul, 19 ans. Peu après, le journal La Vie humaine, organe maçonnique dirigé par le sympathisant fouriériste Riche-Gardon, publie des extraits d’un long poème d’Augustine, « Derniers conseils d’une mère à son fils », dans lequel elle indique les qualités attendues d’un jeune homme : vertu, travail, respect de la vieillesse et des femmes [6].

Augustine Girault-Lesourd participe avec ses amis à plusieurs combats en faveur de la liberté. Au lendemain de l’insurrection polonaise contre la domination russe, en 1863, elle rédige les paroles d’une pièce musicale, La Polonaise !, en collaboration avec le musicien Frédéric Lentz [7]. Elle s’engage aussi en faveur de l’unification de l’Italie et du Risorgimento ; elle apparaît parmi les correspondants français de Timotéo Riboli [8], médecin personnel de Garibaldi. Elle adresse à ce dernier son ouvrage Le Livre des enfants et des adolescents [9] destiné à la jeunesse avec une dédicace : « Aux petits enfants du général Garibaldi ». Ce livre est conservé à la bibliothèque du musée central du Risorgimento à Rome. Il s’agit d’un ouvrage éducatif avec une tonalité moralisatrice. Elle se mobilise également en faveur de la suppression de l’esclavage aux États-Unis ; elle lance en 1867 dans le journal La Coopération une souscription pour offrir une médaille à la veuve du militant américain John Brown, militant abolitionniste qui est allé porter le combat sur les terres sudistes, où il a trouvé la mort par pendaison, le 2 décembre 1859 [10]. Sa démarche est relayée par un article d’André Léo dans Les Etats-Unis d’Europe, la revue de la Ligue internationale pour la paix et la liberté :

SOUSCRIPTION POUR OFFRIR UNE MÉDAILLE A LA VEUVE DE JOHN BROWN.

Il y a quelques mois, une femme distinguée, Mme Gaël, du fond de l’Anjou, écrivait à l’une de ses amies à peu près ceci :

« Quelle loi puérile et arbitraire soumet en ce monde les pensées les plus justes, les manifestations les plus légitimes à une cause toute relative et de hasard, l’occasion ? A l’époque où l’on souscrivit pour offrir une médaille à Mme Lincoln, tout en m’associant de cœur et de fait à ce témoignage rendu à la veuve d’un homme si juste et si grand, je pensai avec tristesse qu’une autre veuve, dont le sacrifice avait été volontaire, le malheur plus grand, le dévouement complet, la veuve de John Brown, était oubliée. Comme toujours, l’initiateur cédait le pas à celui qui, achevant l’œuvre, récolte toute la gloire du succès.

[…] Mme Gaël ajoutait « Dès cette époque, je communiquai ma pensée à quelques amis ; mais ils me dirent : La souscription Brown nuirait à la souscription Lincoln ; attendez. Plus tard on me dit encore : Il faudrait une occasion, quelque fait déterminant – l’occasion n’est pas venue, et j’ai toujours au cœur l’impression d’un si grand oubli. Aujourd’hui encore on me dit : Il est trop tard. Est-il donc jamais trop tard pour réparer une injustice ? Et cette haute consolation que porte la sympathie publique doit-elle manquer à celle qui a le plus souffert et le plus donné ? »

[…] La personne à laquelle s’adressait Mme Gaël jugea comme elle qu’il n’était jamais trop tard pour réparer une injustice. D’autres pensèrent de même et l’on chercha à donner à cette idée la publicité qui devait la réaliser. Malheureusement, la presse, ayant bien d’autres affaires lui fit peu d’accueil, et le journal des ouvriers, la Coopération, fut le seul qui l’accueillit avec chaleur et qui, organisant une souscription populaire – à 10 centimes – publia les noms des souscripteurs et les adhésions immédiates de Victor Hugo, Schœlcher, Louis Blanc, etc. [11]

Enfin, comme plusieurs de ses amis et correspondants, elle s’intéresse à la cause animale ; elle est membre de la Société protectrice des animaux fondée à Paris en 1845 [12].

Augustine Girault-Lesourd participe dans les années 1860 aux débats concernant l’accès des femmes aux études médicales et leur entrée dans les facultés de médecine. Elle fait paraître dans L’Économiste français, sous forme de correspondance avec le directeur de la revue, le fouriériste Jules Duval, plusieurs articles où elle s’oppose à l’idée selon laquelle les femmes actives devraient renoncer à leur vie de femme et de mère ; elle note, pour répondre à son interlocuteur, que si parmi les femmes qu’elle cite : « Le docteur Elizabeth Blackwell aux Etats-Unis, sa sœur (Emilie), miss Elizabeth Garrett à Londres, mademoiselle X en Russie, mademoiselle X à Alger, mademoiselle X à Paris [13] » aucune n’est mariée, c’est qu’elles sont encore jeunes et n’ont pas forcément renoncé au mariage et à la maternité ; elle signale d’ailleurs des femmes mariées médecins aux Etats-Unis. Jules Duval conclut ces échanges sur les femmes médecins en déclarant que « le droit commun doit s’appliquer au profit des femmes, filles ou épouses qui se sentent la force d’aborder la carrière médicale » [14].

Cette correspondance avec Jules Duval et un échange épistolaire avec le nantais et socialiste Ange Guépin sont repris en 1868 dans La Femme médecin, sa raison d’être au point de vue de la morale du droit et de l’humanité. L’ouvrage s’appuie sur l’histoire de la première femme médecin aux États-Unis en 1852, Elizabeth Blackwell, et A. Girault-Lesourd insiste sur la nécessité d’une instruction solide pour les filles comme pour les garçons. Elle prend également position contre l’envahissement par les religieuses de la profession de garde-malades, ce qui prive de revenus les familles où des femmes exercent cette activité. Elle pointe aussi la nécessité de plus en plus fréquente pour les femmes mariées de la petite bourgeoisie de contribuer aux frais du ménage ; elles doivent alors s’user pour donner des cours peu rémunérés et ceci au détriment de leur famille.

Augustine Girault-Lesourd adresse son livre à Victor Hugo, alors en exil à Guernesey [15]. Elle reçoit pour cet ouvrage et pour son engagement en faveur des femmes l’éloge des fouriéristes Eugène Bonnemère et Jules Feillet dans l’organe de l’École sociétaire, La Science sociale [16]. Dans ce même périodique, elle rend compte de plusieurs ouvrages d’Eugène Bonnemère, Louis Hubert et Le Roman de l’avenir [17].

Education populaire et assistance

Les époux Girault-Lesourd, mais tout particulièrement Augustine, s’investissent dans les questions de l’accès à l’instruction pour le plus grand nombre. En 1865, ils mettent à la disposition de l’administration scolaire la somme de 50 francs, renouvelable pendant cinq ans, afin d’organiser un concours au niveau cantonal et de récompenser les meilleurs élèves des écoles communales : « ce concours vient d’avoir lieu ; il a vivement stimulé les maîtres et les enfants. Les familles des élèves qui y ont pris part l’ont suivi avec un extrême intérêt », observe le préfet. Cette initiative est reprise par le conseil général du Maine-et-Loire, qui inscrit au budget de 1866 la somme de 500 francs pour l’organisation de concours dans tout le département [18].

Toujours dans un souci d’ouverture au savoir pour le plus grand nombre, ils mettent à disposition des habitants de la région les ouvrages de leur propre bibliothèque : Jean Macé, faisant le bilan de la création des Cercles au 15 février 1869, indique que « Mme Girault-Lesourd a imaginé, l’été dernier, un moyen d’une imitation plus facile, pour préparer l’établissement d’une bibliothèque communale à Saint-Georges-le-Thoureil (Maine-et-Loire) où elle va passer la belle saison. Elle a fait un choix de livres dans sa propre bibliothèque, les a inscrits sur un registre, et a commencé à les mettre en circulation dans la commune en les prêtant aux enfants.

En attendant […] que notre instituteur devienne le bibliothécaire communal, c’est notre jardinier qui est chargé de prêter les livres, de les enregistrer à leur sortie et à leur rentrée. Les lecteurs n’ont pas été nombreux pour commencer, mais ceux qui mordent à la lecture préfèrent l’histoire au roman [19].

Et un compte rendu des travaux de la Ligue de l’enseignement pour l’année 1877 précise qu’une bibliothèque « a été constituée le 25 septembre 1876 par les soins de 27 souscripteurs et par le don de 286 volumes formant la bibliothèque privée que M. et Mme Girault-Lesourd mettaient depuis plusieurs années à la disposition des habitants de la commune et des communes environnantes » [20].

Ce militantisme en faveur de l’éducation du peuple est prolongé au début des années 1870 dans le domaine politique par plusieurs publications électorales destinées à répandre les idées républicaines dans les campagnes, avec les Avis du père Bon-Sens et Un petit Mot du père Bon-Sens à son ami Jacques Bonhomme, édités à Angers en 1870, 1871 et 1873 et signés Girault.

En 1882, son mari – qui partageait ses convictions fouriéristes – décède. Elle consacre alors une partie de sa fortune à la création d’un orphelinat laïc pour filles construit à Angers, rue Vauvert [21]. Elle meurt en 1890 à son domicile angevin, 22 rue Paul Bert [22]. Tout comme son époux, elle est assistée dans ses derniers moments par Eugène Audra, pasteur de l’église réformée d’Angers ce qui suggère qu’ils étaient de religion protestante [23].

L’organe fouriériste La Rénovation reproduit en octobre 1890 une nécrologie d’Augustine Girault-Lesourd parue dans « un journal de province » dont le titre n’est pas précisé.