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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Rouffinel, François Charles Félix
Article mis en ligne le 27 mars 2016
dernière modification le 11 décembre 2023

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 8 septembre 1804 à Paris (Seine). Décédé le 18 septembre 1870 à Paris (14e arrondissement). Peintre en décors et en bâtiment à Paris ; rentier à son décès. Membre du Comité de la souscription phalanstérienne en 1840. Administrateur de l’Union industrielle du Brésil à Paris. Proche de Benoît Mure.

En février 1840, avec le peintre en bâtiment Lahaye et le peintre Jolly, Rouffinel est à l’origine des « grands tableaux et inscriptions qui décoraient la salle » [1] lors du premier bal organisé pour la souscription phalanstérienne organisée par le groupe du Nouveau Monde. Il est signataire de l’« Appel aux disciples de Fourier » initié par ce groupe, publié dans le journal Le Nouveau Monde du 21 janvier 1840. Il participe pour 2 francs à « la mise au jour » [2] du Plan pour l’établissement comme germe d’harmonie sociétaire d’une maison rurale industrielle d’apprentissage pour 200 élèves de toutes classes, garçons et filles, de 5 à 13 ans..., projet de Guilbaud, publié en 1840. Il est signalé comme membre du Comité de la souscription phalanstérienne en janvier 1841 [3]. A la même date, Le Premier Phalanstère indique qu’il a versé 42,90 francs pour la fondation du phalanstère d’enfants, projet vers lequel se concentre l’effort du comité. Très peu de souscripteurs peuvent rivaliser avec sa générosité. Seul Jean Czynski a versé plus que lui avec 64 francs. En 1840, puis en 1841, Rouffinel est inscrit comme peintre en décors puis en bâtiment sur la « liste des principaux artistes et travailleurs appartenant à l’École sociétaire, résidans (sic) à Paris » [4] au 10 (ou 18 en 1840 [5]) rue Princesse.
En avril 1841, il est désigné comme l’un des administrateurs de l’Union industrielle dirigée par Arnaud, Jamain et Derrion, union chargée de recruter des colons pour établir un phalanstère au Brésil à l’initiative de Benoît Mure. La société, dont l’acte est déposé à Paris le 21 mai 1841, est établie provisoirement chez le docteur Arnaud et son intitulé est ainsi libellé : « Arnaud, Jamain, Derrion et compagnie » [6]. Mais Mure, déjà au Brésil, n’est pas solidaire de cette organisation. Le contrat fait suite à un précédent qu’il a déposé en septembre 1840 auprès du consul du Brésil, contrat qui lui confiait « des pouvoirs pour l’obtention d’une concession et la négociation d’un prêt auprès du gouvernement brésilien » [7]. Après s’être plaint à Antoine-Joseph Jamain de l’influence saint-simonienne sur cette société, Mure s’adresse à Rouffinel le 5 juillet ; il devient même menaçant :

J’attends si vous serez au niveau de la mission de réorganisation que je vous ai confiée, si vous serez l’homme de vos discours, l’action de votre pensée. Je crains que votre facilité à discourir ne vous porte à croire que vous agissez quand vous restez stationnaire [8].

Mure exprime nettement son dirigisme ; il ajoute à propos de la société « Arnaud, Jamain, Derrion et compagnie » :

Le meilleur moyen de faire une bêtise à des gens d’esprit, c’est de les faire délibérer parlementairement.

Il intime l’ordre à Rouffinel de

laisser de côté toutes ces paperasses de règlement qui n’auront aucun sens sur le terrain [9].

Fin septembre 1841, Rouffinel renseigne Mure sur la situation des colons en attente d’embarquement au Havre. S’il l’informe des dissensions qui commencent à germer – il parle de « murmure » [10], peut-être en raison des accusations de Mure à propos de l’influence saint-simonienne sur l’Union industrielle – il l’implore d’attendre son arrivée :

Ne faites pas le transport de votre concession, je vous en prie, de qui que ce soit, et attendez mon arrivée. Au nom de Dieu, je vous en prie, restez le tuteur, le mentor. Sondez les consciences, pesez les hommes et ne faites rien précipitamment.

Le 20 octobre, lorsque le capitaine de La Caroline décide d’appareiller, Rouffinel ne répond pas à l’appel. Il reste à Paris et espère « maintenir l’harmonie au sein des réalisateurs » [11].
Rouffinel se révèle être selon Arthur de Bonnard un « homme d’une remarquable intelligence, d’un caractère opiniâtre, possédant toutes qualités exigées pour les délicates fonctions qu’il avait à remplir » [12]. A la fin de février 1842, alors que la scission entre le groupe de Derrion et de Jamain et celui de Mure est consommée, Rouffinel épaule le peintre Jolly renvoyé par Mure à Paris pour y ouvrir un bureau de recrutement pour la colonie du Sahy [13].
Rouffinel effectue finalement le voyage du Brésil lors d’une des deux expéditions du Curieux affrété pour le transport de nouveaux colons [14] ; le navire accoste par deux fois en baie de Rio en avril 1843 puis le 28 décembre 1843. Rouffinel y retrouve probablement Mure qui a quitté la colonie du Sahy avec sa femme, une nièce et une servante en août 1843 [15].

Rouffinel reste fidèle à Mure. Rentré en France, Mure ouvre à nouveau son institut homéopathique, rue de La Harpe. Rouffinel devient son secrétaire et également le cobaye de certaines de ses expériences [16]. En 1852, alors que Mure tente de renouer contact avec son père depuis l’Égypte où il s’évertue à propager l’homéopathie, il indique à son père :

Quant à mes travaux matériels, si tu veux les connaître, Rouffinel te communiquera mes lettres (18, rue Princesse S. G.) et te mettra en rapport avec mes amis si tu vas à Paris [17].

Au cours de la décennie, François Charles Rouffinel est recensé parmi les contacts de l’École sociétaire. Il est inscrit dans le « répertoire Noirot » des abonnés et contacts de la Librairie des sciences sociales établi au cours des années 1860. Mais il n’a probablement plus aucune activité au sein de l’École sociétaire.
Son acte de décès intrigue. L’un des déclarants est Adrien Chirol, « son gendre », mercier établi 25 impasse du Moulin vert à Paris, 14e arrondissement, adresse de François Charles Félix Rouffinel, rentier et de son épouse Marie Madeleine Piron, âgée de 73 ans. Pourtant lors du mariage de ce gendre avec Désirée-Maria Rouffinel le 27 septembre 1866 à Paris (14e arrondissement), celle-ci, sans profession en 1860 - son commerce de marchande de modes et de lingerie a été mis en liquidation [18] -, est née à Paris (12e arrondissement) le 21 janvier 1831 de « père et mère inconnus ». On retrouve cette mention dans la déclaration de son décès le 26 novembre 1877 ; elle est alors redevenue modiste.