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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Ferbus, Nicolas
Article mis en ligne le 5 novembre 2011
dernière modification le 19 janvier 2014

par Desmars, Bernard

Né le 26 septembre 1814 à Sarrebourg (Meurthe, aujourd’hui Moselle), décédé le 31 juillet 1892 à Paris, 8e arrondissement (Seine). Avocat, puis successivement avoué, juge suppléant et rentier. Conseiller municipal et maire de Sarrebourg. Il participe très brièvement, mais très activement, aux tentatives de reconstitution de l’Ecole sociétaire au début des années 1860.

Fils d’un homme qualifié de marchand ou de jardinier selon les sources, Nicolas Ferbus fait des études de droit à Paris. Revenu en Lorraine, il exerce la profession d’avocat, tout en rédigeant quelques œuvres littéraires : des pièces de théâtre et un roman, Sarah l’israélite (1846), qui se déroule « dans une petite ville de l’ancienne province de Lorraine » ; il s’agit d’une histoire d’amour entre un avocat catholique et une jeune fille juive, mais un amour impossible en raison des préjugés religieux et de l’antisémitisme que l’ouvrage dénonce.

Avocat, avoué et maire

Installé à Sarrebourg, Ferbus se marie en 1842 avec Joséphine Stique, de Saint-Nicolas-de-Port (Meurthe) ; ils ont trois enfants, dont deux décèdent quelques mois après leur naissance. D’après une fiche de renseignement datant de 1854, Ferbus a été républicain dans les années précédentes et s’est montré hostile au coup d’Etat du 2 décembre 1851 ; « il avait à cette même époque publié une lettre contre Sa Majesté » ; mais après quelques années de régime impérial, il est un « républicain modéré » et discret, n’affichant guère ses opinons. Il est par ailleurs « instruit, capable, intelligent », et « jouit d’une considération méritée comme honnête homme » . Lors des élections d’octobre 1852, il entre au conseil municipal. Il est réélu en 1855. Il est alors avoué, mais il vend son étude l’année suivante et il est nommé juge suppléant au tribunal de l’arrondissement.
Le conseil municipal de Sarrebourg est traversé en 1855-1856 par de nombreux conflits, notamment liés, semble-t-il, à la coexistence de communautés catholique, protestante et juive, coexistence difficile en particulier dans le domaine scolaire. En tout cas, à l’automne 1856, à la suite de la démission simultanée de plusieurs conseillers (dont Ferbus), de nouvelles élections ont lieu. Ferbus est réélu, et, par décret de l’empereur du 29 novembre 1856, il est nommé maire de Sarrebourg. « M. Ferbus est un homme très capable et très estimé, d’un esprit délié, fin et de très bonne tenue. Il est bien vu de la population », déclare le sous-préfet. Ses convictions républicaines, signalées quelques années auparavant par les autorités judiciaires, semblent ignorées du sous-préfet, selon lequel « du point de vue politique, M. Ferbus est attaché aux principes d’ordre et de respect à l’autorité, il n’a, jusqu’ici, professé d’opinions ardentes pour aucun gouvernement, je le crois cependant aujourd’hui de plus en plus disposé à se rapprocher du pouvoir. Dans le sein du conseil municipal, M. Ferbus s’est toujours fait remarquer par une raison droite, une remarquable sûreté de jugement et une brillante parole » .
En octobre 1857, il démissionne de son poste de maire - sans qu’on en connaisse la raison - mais il reste conseiller municipal. Son successeur abandonnant également son poste au printemps 1859, Ferbus occupe le siège du premier magistrat pendant plusieurs séances. Il se fait réélire au conseil municipal en août 1860 (il arrive en deuxième position par le nombre de voix ), mais n’assiste plus que très irrégulièrement aux séances du conseil ; il y vient pour la dernière fois en mai 1861 . Il quitte alors Sarrebourg (en 1861 ou 1862) et s’installe à Nancy, où il vit de ses rentes.

Un engagement fouriériste

C’est à propos de la colonie de Réunion, au Texas, que le nom de Ferbus apparaît au sein du mouvement fouriériste : il réagit positivement au rapport de Considerant (Du Texas, 1857) et souscrit pour 2 150 francs à l’entreprise . Mais c’est surtout en 1861-1862 que l’on voit Ferbus intervenir dans le mouvement phalanstérien. Muiron publie alors des Communications familières du doyen (six livraisons parues en 1861-1862), dans lesquelles il interpelle ses condisciples afin qu’ils expriment leurs opinions sur la situation de l’École et sur les moyens de remobiliser les fouriéristes. Ferbus répond à cette sollicitation par l’envoi d’une « motion », à la suite de laquelle Muiron convoque un « colloque » à Besançon le 1er novembre 1861 ; Ferbus y participe activement, puis publie l’année suivante une brochure, A Condé ! Lettres à mes amis.
Dans ce texte, il reconnaît être un « nouveau venu dans l’Ecole, inconnu de la plupart des anciens adhérents », mais se félicite de voir que « les phalanstériens s’éveillent enfin de leur long sommeil ». Tenant compte des faiblesses de l’Ecole qui empêchent la réalisation immédiate d’un véritable phalanstère, mais soulignant les insuffisances des procédés garantistes incapables de fournir un objectif mobilisateur aux condisciples (« rien ne satisfait nos aspirations »), il souhaite ouvrir des chemins menant vers l’essai sociétaire ; « je propose l’expérimentation du procédé sériaire, rien de plus, rien de moins. Je propose de créer un embryon, une approximation de société phalanstérienne à Condé-sur-Vesgre » .
La colonie accueille depuis les années 1850 quelques disciples de Fourier ; ceux-ci, d’abord locataires, ont fondé en 1860 une société civile qui est devenue propriétaire du domaine, avec l’aide financière de plusieurs condisciples. Les occupants, des rentiers qui n’ont plus d’activité professionnelle pour la plupart, y partagent leurs repas et leurs loisirs. Mais Ferbus qui, semble-t-il, n’a aucun lien avec les habitants de Condé et n’a jamais visité la colonie, souhaite lui assigner des objectifs beaucoup plus ambitieux : « à la consommation sociétaire déjà établie à Condé, joignons la production par le travail rendu attrayant ». Et d’imaginer la création de séries pour les travaux suivants : « Agriculture (vergers, prairies, jardinage, parterre) - cuisine (ce ne sont pas des phalanstériens qui dédaigneraient les préparations culinaires, comme le feraient d’étourdis civilisés) - volaillerie - laiterie - travaux domestiques - une ou plusieurs industries manufacturières - administration - comptabilité, etc. ». Bientôt pourrait s’y ajouter un « embryon d’Ecole vocationnelle » ; et les activités intellectuelles ne seraient pas négligées : « en associant le génie du penseur au talent de l’écrivain, en utilisant tous les mérites de fond et de forme, toutes les facultés, toutes les aptitudes, on arriverait sans doute à produire des œuvres littéraires de grande valeur. On pourrait cultiver les sciences par un procédé analogue. Les séries seraient, autant que possibles, contrastées, rivalisées, exaltées, engrenées. Les courtes séances, l’exercice parcellaire, l’alternance d’une fonction à une autre, préviendraient la fatigue, la tiédeur, la monotonie et l’ennui. L’élégance relative ou du moins la propreté des ateliers, la société de coopérateurs polis et sympathiques, et surtout la satisfaction de concourir à une œuvre éminemment utile, transformeraient le travail en plaisir » ; « des lectures à la manière anglaise, des conférences littéraires et scientifiques fourniraient aux sociétaires un aliment intellectuel », tandis que « des concerts, des bals, des spectacles charmeraient les longues soirées d’hiver » .
Ferbus souhaite que l’on commence à préparer l’entreprise, et dans ce but, il suggère la réunion d’un congrès phalanstérien qui réunirait à Condé des délégués des groupes phalanstériens qui subsistent dans différentes localités en France ; on y constituerait les commissions nécessaires à la réussite du projet et on commencerait à élaborer un acte de société et un règlement. « Puisse Condé devenir bientôt le pivot de ralliement des disciples fidèles, le berceau de l’harmonie ! » . Cette brochure est accueillie très favorablement par Muiron : « Que l’appel de M. Ferbus ait un plein succès, c’est le désir ardent du doyen » .
Mais ce projet ne va pas plus loin : aucun congrès ne se réunit à Condé ; et la reconstitution du mouvement fouriériste dans les années 1860 ne se fait pas autour de Muiron, ni à partir des groupes locaux de province ou des expériences sociétaires ; elle se fait autour de Barrier, installé à Paris, et à partir d’une librairie phalanstérienne rénovée qui constitue le Centre de l’Ecole sociétaire.
Ferbus apparaît encore dans le compte rendu de l’assemblée générale des actionnaires du Texas de 1863, assemblée générale qu’il préside . Puis il disparaît des archives et des publications de l’Ecole sociétaire. Il ne figure ni parmi les actionnaires de la Librairie des sciences sociales, ni parmi les abonnés ou les rédacteurs de La Science sociale et des périodiques fouriéristes qui suivent. Il est également absent des listes de souscription des différentes entreprises d’inspiration phalanstérienne (Maison rurale de Ry, Société de Beauregard, Union agricole du Sig, ...)

Elaborer une « science du bonheur » fouriériste et catholique

Ferbus vit désormais à Nancy sans entretenir de rapports avec le mouvement fouriériste. Il publie en 1877 un ouvrage intitulé La Science positive du bonheur ; commençant par proclamer « le droit au bonheur », il regrette que l’on ne se soit « jamais avisé de traiter méthodiquement, scientifiquement, cette matière d’importance capitale » que sont les moyens de parvenir au bonheur : « Tirades poétiques, réflexion philosophiques, méditations religieuses, vagues déclamations, tel est le bilan approximatif de ce qui a été dit ou écrit sur le bonheur ». Aussi, « me tenant à l’écart des idées reçues, en dehors des préjugés, si respectables qu’ils puissent paraître, indépendant de tout système préconçu, je veux chercher la voie directe du bonheur », en utilisant « la méthode rationnelle et expérimentale » .
Dans sa réflexion et dans son expression, Ferbus doit beaucoup à Fourier, dette qu’il reconnaît lui-même explicitement : « J’emprunte à Charles Fourier certaines formules. Qui pourrait songer à m’en faire un grief ? », écrit Ferbus qui fait l’éloge de « l’indépendance de la pensée » dont a fait preuve le « partisan systématique du doute absolu et de l’écart absolu » . La description des « trois lois [qui] régissent l’univers entier » (« 1° L’attraction, loi du mouvement ; 2° La série, loi de l’ordre ; 3°La solidarité, loi de la cohésion ») et qui produisent « l’harmonie, ou la variété ramenée à l’unité », est largement reprise de Fourier . Et Ferbus adopte plusieurs formulations fouriéristes (« Les attractions sont proportionnelles aux destinées » ; « la série distribue les harmonies ») .
Mais sa réflexion le conduit ensuite vers le catholicisme qui, selon lui, admet et pratique l’attraction, la série et la solidarité : « le catholicisme est donc la religion véritable [...] ; ses dogmes doivent dès lors être acceptés comme l’expression de la vérité absolue » . La religion catholique, véritablement vécue, mène vers « la communion universelle dans l’amour » qui seule peut réaliser le bonheur : « voilà le plan divin à la réalisation duquel les hommes sont conviés ; leur vie normale consiste à entrer librement, volontairement, dans cette communion avec Dieu et en Dieu » .
Mais comment cette découverte des lois universelles peut-elle avoir des applications pratiques qui modifient l’organisation de la société et font accéder l’homme au bonheur ? « Il en sera de notre science comme des mathématiques, qui semblent au premier abord, devoir se réduire à de stériles abstractions, et qui, dans la pratique, enfantent des merveilles », écrit Ferbus, qui annonce un second volume « où nous étudierons l’application concrète de la théorie » . Mais ce second volume n’est pas publié.
Ferbus ne semble pas avoir d’engagement particulier pendant cette période. Il est membre pendant quelques années (1882 à 1887) d’une société savante, la Société d’archéologie lorraine et du Musée lorrain. Puis, à la fin des années 1880, il quitte Nancy (il disparaît alors des annuaires et des listes électorales qui le domiciliaient à Nancy, au 45, cours Léopold) pour Paris ; lors de son décès, en 1892, il vit rue de Chateaubriand, dans le 8e arrondissement [1].