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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

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Présentation
Article mis en ligne le 30 octobre 2016
dernière modification le 26 octobre 2016

par Cordillot, Michel

Il y cent ans, le 27 décembre 1893, mourait le principal disciple de Fourier, le Franc-Comtois Victor Considerant. Il incombait de toute évidence à l’Association d’Études Fouriéristes de Besançon de prendre une série d’initiatives s’inscrivant dans le cadre de la commémoration de ce centenaire. D’où la décision, parallèlement à l’organisation les 21-24 octobre à Arc-et-Senans d’un colloque international qui fera date, de marquer l’événement par la publication d’un numéro exceptionnel des Cahiers Charles Fourier.

Exceptionnel, ce numéro l’est à plusieurs titres : par son importance d’abord, puisque c’est en réalité un numéro double qui sera servi aux abonnés au titre de cette année 1993 ; par sa collaboration internationale renforcée ensuite, puisque la moitié des contributions nous sont venues du continent américain ; par le fait enfin, qu’optant pour l’innovation, nous avons fait de cette quatrième livraison notre premier numéro à thème.

Dans notre recherche d’un angle d’approche original pour étudier la contribution de Victor Considerant à l’histoire du fouriérisme, il nous a semblé qu’il serait intéressant de consacrer une livraison entière à l’expérience de colonisation tentée à Réunion. On sait en effet que Victor Considerant prit la tête d’une ambitieuse tentative visant à fonder une communauté au Texas et que cette dernière échoua rapidement, sonnant d’une certaine manière le glas de bien des espérances fouriéristes. Pour autant de nombreux points concernant cette expérience restaient mal connus, et nous nous sommes donc efforcés d’explorer quelques-uns des problèmes en suspens.

Une première question est celle de la place tenue par cette expérience dans l’histoire du mouvement fouriériste français. Venant à la suite de plusieurs tentatives avortées de fonder des établissements sociétaires (on rappellera pour mémoire les expériences manquées de Condé-sur-Vesgre, Mettray et Cîteaux) ou des colonies agricoles et industrielles (comme au Sig en Algérie et au Brésil), ce fut en réalité la première – et la seule – tentative à grande échelle de mettre au moins partiellement en application les théories de Charles Fourier. Il convenait donc de s’interroger sur ce que Réunion a pu représenter pour un homme comme Considerant, comment cette expérience a été conçue, organisée, lancée, avec quels objectifs, mais aussi de chercher à savoir qui étaient les hommes et les femmes qui avaient tout abandonné pour aller se consacrer à l’édification d’une Société harmonieuse aux confins du désert texan et ce qu’ils attendaient de cette vie nouvelle.

Car précisément, deuxième problème, cette tentative n’eut pas lieu en France, ni dans la vieille Europe (comme cela avait un instant été envisagé), mais dans un pays neuf, les États-Unis. Et ce pays avait aussi la particularité d’être celui où s’était développé le mouvement fouriériste le plus puissant et le mieux organisé au monde. Durant la décennie ayant précédé l’arrivée des fouriéristes français, le mouvement fouriériste américain avait pour sa part été à l’origine de dizaines d’expérimentations pratiques ; mais celles-ci avaient pratiquement toutes échoué lorsque Considerant décida d’implanter sa colonie au Texas. Quel soutien les Français espéraient-ils recevoir de leurs frères américains, et quelle aide effective reçurent-ils dans leur tentative de colonisation au Texas ? Surent-ils vraiment tirer les leçons des échecs passés, que ce soit ceux des fouriéristes américains, ou celui de l’expérience du Dr Mure au Brésil ? Le contexte dans lequel s’inscrivirent leurs efforts – en particulier un climat politique évoluant rapidement du fait de l’aggravation des tensions entre États esclavagistes et États libres – ne rendait-il pas extrêmement problématique un succès de leur entreprise ?

Reste enfin la question de ce que l’on pourrait appeler l’héritage de Réunion. Comment cet échec sans appel fut-il vécu par les militants fouriéristes eux-mêmes ? Quelles leçons en tirèrent-ils ? Fut-il vraiment un coup de grâce porté à une vision trop romantique et pas assez réaliste du socialisme ?

Telles sont quelques-unes des interrogations auxquelles les contributions rassemblées dans ce volume ont pour ambition d’apporter des éléments de réponse.