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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Gouté, Charles (Alexandre)
Article mis en ligne le 17 décembre 2012
dernière modification le 20 février 2018

par Desmars, Bernard

Né le 4 juillet 1815 à Blois (Loir-et-Cher), décédé le 11 avril 1899, à Ouchamps (Loir-et-Cher). Epoux de la fouriériste Héloïse Gouté. Militant républicain très actif dans les clubs en 1848. Partisan des essais sociétaires et souscripteur de plusieurs d’entre eux.

Charles Gouté est le fils de Jacques Marin Gouté, marchand de cuir et propriétaire, et de Margueritte Joséphine Caroline Bertheaulme, demeurant à Blois.

Fouriériste et républicain

Il a peut-être sympathisé avec Blanqui, dont son frère Edouard Gouté était un ami et un correspondant dans les années 1840 [1]. Cependant, il adhère aux idées phalanstériennes dès la monarchie de Juillet ; en 1888, il indique qu’il suit l’École sociétaire depuis 44 ans, soit depuis 1844 [2] ; et selon l’auteur de sa nécrologie, dans Le Républicain de Loir-et-Cher, « il fut pendant toute la période active de son existence l’ami et le collaborateur de Victor Considerant et de Cantagrel » [3]. Son épouse Héloïse Gouté l’accompagne dans cet engagement.

Il est un partisan de la réalisation, et d’après un texte datant de la fin du XIXe siècle, il aurait apporté – on ne sait sous quelle forme – « sa participation généreuse aux tentatives phalanstériennes, d’abord du docteur Mur [sic] au Brésil […], puis celle de Condé-sur-Vesgre » [4].

Républicain, il est très actif dans les clubs politiques de Blois après février 1848, où « les fouriéristes se [seraient] assurés la direction des clubs des ouvriers » ; il est lui-même trésorier du Comité des travailleurs [5]. Son travail de propagande socialiste attire l’attention des autorités, et au lendemain du coup d’État de 1851, il est menacé de poursuites ; des ouvrages de Fourier sont trouvés lors d’une perquisition chez lui et son frère, seul le second, déjà poursuivi sous la Seconde République et un moment réfugié à Londres, étant finalement condamné et déporté à Lambessa, en Algérie.

Projets réalisateurs

Gouté quitte Blois et travaille quelque temps comme « sous-chef de fabrication » dans une chaudronnerie du Havre. Il souhaite participer à la colonie de Réunion au Texas et s’embarque pour l’Amérique du Nord ; mais arrivé à New York, il apprend l’échec de l’entreprise et revient en France. Il s’installe à Paris et travaille pendant un temps à la construction du chemin de fer de ceinture [6]. Puis il rentre à Blois, ayant conservé ses convictions phalanstériennes. Lui et sa femme envoient des textes aux périodiques dirigés par l’ancien fouriériste Riche-Gardon, tels que La Renaissance, Le Déiste rationnel et La Bonne nouvelle. Probablement dans la seconde moitié des années 1860, Gouté s’installe avec sa femme Héloïse dans une propriété à Ouchamps, près de Blois. Il est désormais qualifié de propriétaire dans les actes d’état civil et dans les recensements. Rapidement, il entre au conseil municipal ; il y siège jusqu’à son décès, soit pendant une trentaine d’années.

Charles Gouté et son épouse apportent leur soutien financier aux diverses entreprises d’inspiration sociétaire, même si l’on a des difficultés à distinguer la part de chacun d’entre eux. Ils subventionnent la Maison rurale fondée à Ry par Adolphe Jouanne, le versement des sommes (250 francs ou 180 francs, selon les sources), étant attribué tantôt à Charles, tantôt à Héloïse. Le Bulletin de la maison rurale reproduit des passages des lettres de Charles Gouté, qui s’y montre partisan résolu de l’essai sociétaire. Il souhaite la constitution de groupes et la formation d’un capital afin de passer à la réalisation [7].

Vers 1870-1872, il devient actionnaire de la société exploitant la librairie des sciences sociales, qu’il soutient de ses envois d’argent jusqu’au début des années 1880 [8]. Il est également abonné au Bulletin du mouvement social qui paraît à partir de 1872 [9] ; il continue sa correspondance avec Riche-Gardon qui reproduit plusieurs de ses textes dans son nouveau périodique, La Bonne nouvelle.

En 1888, Hippolyte Destrem, à la tête d’un nouveau groupe sociétaire, lance une revue, La Rénovation. Charles Gouté, ainsi que sa femme et ses enfants, s’y abonnent très tôt [10]. Dans les années suivantes, ses versements annuels à l’Ecole sociétaire vont d’ailleurs bien au-delà du simple montant de l’abonnement.

Il apporte aussi sa contribution financière à l’édification de la statue de Fourier : selon La Rénovation, il envoie neuf fois la somme de 16 francs, « chiffre qu’il affectionnait comme annonçant le nombre de formes ou périodes sociales successives dont le maître veut que se compose la complète évolution humanitaire » [11].

Action locale

Son engagement sociétaire s’exprime également au niveau local : il est connu comme professant les idées de Fourier, les listes préfectorales des conseillers municipaux le décrivant par exemple comme « socialiste phalanstérien » ainsi que comme « républicain » [12]. Il fait don à une bibliothèque dirigée par la Société d’Instruction populaire du faubourg de Vienne, dans la commune de Blois, de toutes les œuvres de Fourier. Ceci rejoint d’ailleurs son investissement en faveur de l’éducation populaire : à Ouchamps même, il fonde une bibliothèque qu’il soutient de ses propres fonds et qui, au moment de sa mort, compte plus de 300 volumes. C’est également un partisan de l’école laïque, « qu’il considérait de première nécessité pour le bonheur de nos sociétés », rappelle-t-on lors de ses obsèques. Il est encore un militant pacifiste, membre de l’Association internationale pour l’arbitrage et la paix [13].

Le 11 avril 1899, Charles Gouté meurt d’une congestion pulmonaire, selon un journal local qui ajoute : « nous n’avons pas besoin de dire que ce vénérable lutteur, qui n’a jamais connu de défaillances dans sa vie, sera conduit à sa dernière demeure en dehors de toute assistance religieuse » [14]. Des périodiques blésois organisent un convoi de plusieurs voitures afin que les habitants de Blois qui le souhaitent puissent se rendre à Ouchamps. Entre 800 et 1 200 personnes, selon les journaux, assistent à ces obsèques civiles. La compagnie des pompiers et les enfants des écoles font une haie d’honneur au cortège, à la tête duquel se trouve le conseil municipal. Plusieurs discours sont prononcés près de la tombe, notamment par le maire de Blois et celui d’Ouchamps ; ils font l’éloge du défunt, rappellent ses convictions phalanstériennes et républicaines, son action en faveur de l’instruction populaire et de la libre pensée, sa croyance en l’existence au-delà de la mort et en la réincarnation. L’inscription suivante est gravée sur le monument funéraire familial : « 4e tombe ici de la Libre pensée » [15].

Le lendemain des obsèques, sa famille fait distribuer du pain aux pauvres d’Ouchamps et des communes environnantes.
Ses enfants Jéhovah et Minerve Gouté et sa petite-fille, Velleda Gouté sont eux-mêmes en relation avec La Rénovation, l’organe de l’Ecole sociétaire à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.