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KLIER Betje : Des fouriéristes au Texas : la famille Considerant à San Antonio (1995)

The French Review (Champaign, Ill.), vol. 68, n° 6, mai 1995

Article mis en ligne le décembre 1996
dernière modification le 4 avril 2007

par Dubos, Jean-Claude

Directement écrit en français, l’article de Betje Klier vient opportunément combler une lacune, car jusqu’ici aucun historien ne s’est intéressé à l’existence de Considerant au Texas après l’échec de Réunion, c’est-à-dire de 1859 à 1869. Ville importante du temps où le Mexique et le Texas étaient colonies espagnoles, San Antonio n’abritait pas moins de cinq missions construites par les franciscains entre 1716 et 1731 dont celle de la Conception, laïcisée en 1794 et attribuée à la famille Chavez, à qui Considerant acheta la moitié de leurs possessions y compris les droits d’irrigation. Installé à Conception, Considerant s’y consacre à l’étude des cactus - il laissera son nom à l’un d’entre eux - dont les Mexicains tirent nourriture et médicaments. Il se lie avec les membres de la colonie française de San Antonio, notamment le viticulteur François Guilbeau qui, vingt ans plus tard, sauvera la vigne française du phylloxera en y important des plants du Texas, plus résistants. Il se lie aussi avec Supervielle, sénateur texan d’origine française qui, le 30 janvier 1860, lui écrit pour lui reprocher d’être à l’origine d’un bill du sénat texan punissant de deux mois à trois ans de prison tout individu qui recevrait, publierait ou ferait circuler des écrits opposés à l’institution de l’esclavage. En effet, ajoute Supervielle « une lettre de San Antonio vous a dénoncé comme recevant La Tribune de New-York, seul exemplaire reçu au Texas de ce journal anti-esclavagiste ». A la suite de cette lettre, Considerant doit quitter San Antonio, mais continue sa vie ordinaire malgré la guerre de Sécession. En 1863, il fait même un voyage au Mexique avec Guilbeau pour y chercher des graines, des fleurs et des cactus. C’est alors qu’il découvre un nouveau cactus l’Amaryllidacai Agave Consideranti...

Clarisse Vigoureux meurt à San Antonio, le 13 janvier 1865 et est enterrée dans le jardin de Considerant. Quelques temps plus tard, Considerant envoie à son neveu, fils de sa sœur Justine, une lettre qui laisse entendre qu’il a fait fortune au Texas : « Je laisse ici quelques lots de ville qui ne m’ont coûté qu’une bagatelle et qui prendront d’ici quelques années quelque valeur... J’en ai rattrapé le double de ce que j’y avais mis et si cela dure dix ans encore, cela vaudra facilement le décuple ».

Faut-il croire que sa situation s’est rétablie ? Deux lettres de Désiré Laverdant - antérieures il est vrai à la mort de Clarisse Vigoureux, publiées par Gabrielle Cadier-Rey dans sa biographie d’Allyre Bureau donnent un constat bien différent : « Mme Allyre Bureau reçoit de M. Supervielle, ancien sénateur du Texas une lettre qui contient des nouvelles lamentables... Nous avions cru que Victor se tirait d’affaire par un petit commerce avec l’aide du belge Cousin son ami. Celui-ci est lui-même dans un état de décrépitude et Considerant est seul chargé de faire vivre tout ce groupe. Il en est réduit à piocher la terre, et vous pensez si ses bras non habitués à ce rude labeur et qui ne sont plus jeunes peuvent suffire. On le dit bien changé, accablé, épuisé. Une souscription est ouverte chez Melle Beuque rue des Saints-Pères 13 et j’ai commission d’en faire passer le produit à San Antonio par le Mexique ».

Grâce à cette souscription, Considerant et sa femme rentreront en France en 1869 et vivront modestement dans un petit logement rue du Cardinal-Lemaire. Après la mort de Julie en 1880, Considerant sera recueilli par Auguste Kleine, gendre de Clarisse Coignet, ingénieur des Ponts et Chaussées à Laon puis à Paris, qui entoura ses dernières années d’une affection presque filiale et qui fut son exécuteur testamentaire.