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Audelange (d’), Joséphine (née Marchant, épouse Villemet)
Article mis en ligne le 7 octobre 2015
dernière modification le 26 juin 2022

par Desmars, Bernard

Née le 1er octobre 1813 à Dole (Jura), décédée le 15 janvier 1888, à Azans (Jura). Actionnaire de la librairie des sciences sociales, membre du conseil d’administration du Cercle parisien des familles en 1870, abonnée au Bulletin du mouvement social.

Joséphine Marchant est connue dans l’École sociétaire sous le nom d’Audelange, et parfois de baronne d’Audelange [1]. En réalité, fille d’un propriétaire domicilié à Dole, elle épouse à l’âge de 17 ans un jeune homme, Jean-Baptiste Villemet (ou Vuillemet), propriétaire à Saint-Aubin (Jura). On ignore quand et pourquoi les deux époux se séparent. En tout cas, dans les années 1850 et 1860, elle est domiciliée au château de Bessancourt où elle vit avec Louis d’Hautecourt (1813-1864), baron d’Audelange, un homme de lettres également né à Dole ; les recensements de 1856 et 1861 les présentent comme mari et femme.
Le couple est mentionné dans plusieurs publications, sous la Seconde République et le Second Empire, pour la beauté de sa résidence de Bessancourt et pour les manifestations artistiques qu’il y accueille. Le premier dimanche d’août 1851, rapporte Le Ménestrel,

une fête splendide a été donnée […] par M. et Mme la baronne d’Audelange à leur château de Bessancourt. Une salle charmante construite dans une des ailes du château a été changée en salle de spectacle pour la représentation d’une comédie en deux actes du baron d’Audelange. […] Tous les rôles ont été remplis par l’élite de la société, le principal rôle par le baron et celui de la paysanne par Mme la baronne qui nous a rappelé le talent si fin de Mlle Dupont de la Comédie française. Après la comédie est venu l’opéra-comique, ouvrage de M. André Simiot, intitulé : Espagne et France. […] La salle était remplie par tous les gens du pays auquel [sic] une tombola a été offerte et tirée par Mme la baronne d’Audelange. Une belle galerie était réservée pour les invités de Paris ; après le spectacle, il y a eu un feu artifice sur la grande pelouse du parc, ensuite bal au salon et bal des paysans dans la cour d’honneur sous le vieux chêne du manoir [2].

En 1856, Charles Lefeuve, dans une description de la vallée de Montmorency, présente ainsi les lieux et leurs occupants :

S’il était vrai sans exception que la suprême distinction des manières, l’élégance du goût et toutes les grâces que l’esprit du monde ajoute par son usage exquis aux autres grâces, fussent perdues pour notre siècle, je n’hésiterais pas à vous dire que la cour de Marie-Antoinette a oublié d’emporter avec elle un de ses ornements les plus fins dans la personne de Mme la baronne d’Audelange, toute jeune châtelaine. […] Je doute que sous François Ier ou sous Louis XV, le Château-Madame ait pu être une résidence plus délectable, que depuis sa renaissance, œuvre de M. et de Mme d’Audelange. L’art n’a presque rien inventé qui n’ait laissé quelque sillon de lumière dans les salons de M. le baron d’Audelange. […] Tout, jusqu’aux meubles, y est splendide et disposé avec un soin qui révèle une parfaite entente des styles auxquels ils appartiennent […] Partout de l’art, partout des merveilles délicates […] Tout le village de Bessancourt a dansé à plusieurs reprises dans le parc de Mme d’Audelange. Il y a une salle de spectacle parmi les dépendances du château d’à présent, et on y joue de très bonnes petites pièces, qui sont parfois l’ouvrage du châtelain. Les artistes de l’Opéra et ceux du Théâtre Italien sont déjà venus chanter au Château-Madame. Les acteurs inédits de la maison sont Mme la Baronne, M. de Verneuil, etc. [3]

Louis d’Hautecourt meurt à Florence en 1864. Joséphine Marchant est encore recensée à Bessancourt en 1866, mais cette fois sous son seul nom de jeune fille, bien que le document indique qu’elle est mariée. Puis elle s’installe à Paris. C’est de ce milieu des années 1860 que datent les premières traces documentaires – sous le nom de Joséphine d’Audelange – de son appartenance au mouvement fouriériste. En 1865, la direction de l’École sociétaire reprend la tradition, longtemps interrompue, du banquet célébrant chaque 7 avril l’anniversaire de la naissance de Fourier ; « la baronne d’Odelange [sic] » fait partie des convives [4]. En 1869, elle prend une action dans le capital de la société anonyme qui exploite la Librairie des sciences sociales [5]. L’année suivante, elle joue un rôle très actif dans la constitution du Cercle parisien des familles : sa contribution financière (1 000 francs) est l’une des plus importantes ; elle fait partie du conseil d’administration qui est constitué au printemps 1870 [6]. Quand ses condisciples tentent de réorganiser l’École, après la guerre de 1870-1871, elle promet de souscrire la somme de 80 francs pour le lancement d’un nouveau périodique [7].

En 1873, elle envoie une lettre aux dirigeants parisiens de l’Ecole sociétaire depuis la Suisse dont elle vante les paysages et les attraits touristiques ; elle réside successivement à Genève, Liestal et Langenbruck, dans les environs de Bâle. « Très attristée de ce qui se passe en France » – elle fait apparemment allusion au gouvernement d’Ordre moral dirigé par Mac Mahon et le duc de Broglie – elle demande qu’on continue à lui envoyer le Bulletin du mouvement social. En 1875, elle demeure encore en Suisse et fait toujours partie de l’actionnariat de la Librairie des sciences sociales. Son mari, Jean-Baptiste Villemet, qui vit lui-même avec une femme dont il a eu un enfant, meurt en 1875 à Theil-sur-Vanne (Yonne).
Joséphine Marchant retrouve ensuite son Jura natal où elle meurt en 1888. Elle laisse à son cousin et légataire universel la coquette somme de 154 000 francs. Dans son testament, elle prévoit l’attribution de rentes, de bijoux et de capitaux à différentes personnes, d’Azans et de Dole, mais aussi de Genève et de Paris. Elle attribue également le capital de trois mille francs à la commune d’Azans,

pour en faire l’usage suivant : cette petite somme sera placée sur l’État, et avec le revenu de trois années et en réunissant ce qu’aura produit les intérêts des susdites trois années, on offrira en mon nom à la jeune fille de la commune d’Azans qui se sera distinguée par sa bonne conduite, surtout envers ses parents ou parents adoptifs. Si la jeune fille n’est pas née à Azans, il faudra qu’elle ait au moins cinq ans de résidence dans cette commune, les habitants de la commune d’Azans, hommes et femmes ayant vingt-cinq ans révolu désigneront par vote la personne qui aura mérité cette distribution, la jeune personne devra avoir de dix-huit à vingt-et-un ans.

Le prix est attribué pour la première fois en 1892 [8].