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Louis-Léger Vauthier, un fouriériste absent du DBF... mais plus pour longtemps
Article mis en ligne le 18 décembre 2015
dernière modification le 23 décembre 2015

Emanuele Carvalheira de Maupeou a soutenu le 11 septembre 2015, à Toulouse, une thèse de doctorat en histoire intitulée « Louis-Léger Vauthier : un ingénieur fouriériste entre France et Brésil. Histoire et mémoire. » Le résumé ci-dessous donne une idée de l’intérêt de cette thèse, non seulement en relation avec les études fouriéristes et bien au-delà.
En outre, le Dictionnaire biographique du fouriérisme s’enrichira, quand Emanuele Carvalheira de Maupeou disposera de temps pour cela, d’une notice "Vauthier" très attendue (ci-contre : portrait de Vauthier).

Voici le résumé de cette thèse, par Emanuele Carvalheira de Maupeou :

"Cette thèse est une étude biographique de l’ingénieur français Louis-Léger Vauthier, de sa jeunesse à sa postériorité mémorielle. Cet ingénieur fouriériste, qui, dans les années 1840, a dirigé d’importants travaux d’urbanisme au Pernambouc, est aujourd’hui un personnage reconnu par l’historiographie brésilienne, tant pour son rôle technique que culturel. Au-delà des années passées au Brésil, Vauthier a également participé activement à la vie sociale et politique de la France au XIXe siècle, sans pour autant avoir la même visibilité. Ainsi, à partir des deux entrées principales qui ressortent de sa trajectoire de vie, c’est-à-dire sa carrière d’ingénieur et sa trajectoire politique et intellectuelle, son itinéraire offre à l’historien la possibilité de travailler un vaste champ de recherche concernant tant l’histoire de la France que celle du Brésil, ou encore celui des échanges entre ces deux pays.
En ce qui concerne le Brésil, le bilan des actions de Vauthier est complexe et mitigé. Tout d’abord, il est indéniable qu’il a été le passeur d’une certaine rationalité technique et des idées fouriéristes au Pernambouc. Tout au long des années passées dans la région, Vauthier fréquentait les secteurs urbains de l’élite locale, formés tant par des professeurs et des diplômés en droit que par des riches commerçants de Recife. D’ailleurs, certaines des personnes touchées par son activité de propagande ont fait partie des secteurs les plus avancés de l’élite, qui défendaient des réformes ambitieuses pour le Brésil, en particulier au sujet de l’abolition de l’esclavage. Toutefois, les commerçants fortunés, financeurs des travaux publics du Pernambouc, étaient également trafiquants d’esclaves, dans une période où la traite atlantique était interdite au Brésil. Il y a donc un lien clair entre le projet de modernisation promu par Vauthier et la traite négrière.
Pour ce qui est de son parcours en France, Vauthier a connu un itinéraire révélateur d’une certaine sensibilité française, autant comme membre de l’élite technique, que comme fouriériste et quarante-huitard. Cependant, à force d’être exemplaire dans différents domaines, son itinéraire a fini par avoir une certaine originalité. Réformiste préoccupé par le progrès technique, Vauthier a été souvent un personnage difficile à classer. Cependant, son positionnement reflète en quelque sorte un projet politique clair pour la France, projet qu’il partageait d’ailleurs avec de nombreux hommes et femmes de sa génération. Ainsi, tout en échappant aux différentes étiquettes politiques utilisées le plus souvent pour définir la gauche française au XIXe siècle, sa trajectoire est représentative et porte, en quelque sorte, les contradictions de sa génération.
De même, l’action de Vauthier au Pernambouc cristallisait beaucoup des contradictions existantes dans les rapports établis entre la France et le Brésil. Il est indéniable que son action a été le fruit d’une vraie croyance dans un projet de réforme sociale. Toutefois, ceci n’a pas empêché qu’il devienne un instrument au service d’un projet des élites francophiles brésiliennes qui sélectionnaient et s’appropriaient de certaines idées françaises en fonction de leurs propres intérêts. En même temps, son comportement en dit long sur un certain discours messianique français, basé sur une volonté d’exporter son modèle culturel de par le monde. Ainsi, les activités de l’ingénieur au Brésil contiennent en même temps les idéaux de progrès social venant de l’Hexagone et une pensée impérialiste s’appuyant sur un certain libéralisme à la française.
En ce qui concerne la mémoire de Vauthier, c’est uniquement au Brésil qu’elle s’est construite. Ici aussi, c’est un bilan mitigé qui ressort. D’une part, elle peut être considérée comme une sorte de « mémoire obligée » d’une région souvent négligée au niveau national. En ce sens, la nécessité de reconnaissance de ses valeurs et de son histoire dans l’ensemble du pays apparait comme légitime. D’autre part, en tant que mémoire d’élite, les usages de personnages comme Vauthier servent à légitimer le pouvoir des élites traditionnelles du Nordeste.
Enfin, l’idée principale qui ressort de ce travail c’est qu’il est un homme de l’entre-deux. De part et d’autre de l’Atlantique et autant dans le domaine technique que culturel, les résultats de l’action de Vauthier se prêtent à des interprétations du progrès et de la justice sociale qui s’inscrivent tant dans le courant libéral, le discours messianique et impérialiste, que dans une pensée socialiste et humaniste."

Directeur de thèse : Richard MARIN, Professeur d’histoire, Université Toulouse Jean Jaurès
Membres du jury :
Christine Rufino DABAT, Professeur d’histoire, Université Fédérale du Pernambouc (UFPE), Brésil (rapporteur)
Socorro FERRAZ, Professeur d’histoire, Université Fédérale du Pernambouc (UFPE)
Didier FOUCAULT, Professeur d’histoire, Université Toulouse Jean Jaurès
Laurent VIDAL, Professeur d’histoire, Université de La Rochelle (rapporteur)
Mention : Très Honorable avec Félicitations du Jury

N. B. : dans la rubrique "Etudes" (-> "Thèses") se trouvent l’exposé de soutenance et la table de matières de la thèse.