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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Philippe, Léon (Gabriel)
Article mis en ligne le 15 juin 2016

par Desmars, Bernard

Né le 6 octobre 1838 à Paris, 3e arrondissement (Seine), décédé le 21 mars 1915 à Paris, 8e arrondissement. Ingénieur des ponts et chaussées, directeur des travaux hydrauliques au ministère de l’Agriculture. Membre de sociétés savantes. Proche de La Rénovation au début des années 1890. Membre de l’École Sociétaire Expérimentale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

Fils d’un joaillier, Léon Philippe entre à l’École polytechnique en 1857 ; à sa sortie, en 1859, il rejoint l’École des ponts et chaussées. Ingénieur en 1862, il est d’abord nommé dans l’Hérault ; puis, en 1865, il est muté dans le département de la Seine-et-Oise, à la résidence de Corbeil. Il se marie en 1868 avec Laure Simon, la fille d’un ancien commerçant lyonnais retiré des affaires et installé à Paris. Quand la guerre contre la Prusse éclate, il est attaché au génie militaire de la place de Soissons, avant de rejoindre en janvier 1871 le corps du génie civil du 22e corps d’armée. Après la fin des combats, il s’occupe de la reconstruction des ponts enjambant la Seine et la Marne en Seine-et-Oise. En dehors de ses activités professionnelles, il donne des cours d’économie politique à Corbeil dans le cadre d’enseignements organisés par « un groupe d’amis de l’instruction populaire » [1].

Haut fonctionnaire au ministère de l’Agriculture

En 1874, il est affecté à la résidence de Paris et s’occupe principalement des chemins de fer de la banlieue, puis du chemin de fer de ceinture de la capitale ; il est fait en 1878 chevalier de la Légion d’honneur. En 1881, il est promu au grade d’ingénieur en chef et nommé à Rennes. Mais l’année suivante, il est appelé au ministère de l’Agriculture pour remplir les fonctions de directeur de l’hydraulique agricole ; en 1882 également, il devient officier de la Légion d’honneur. Tout en restant détaché à l’administration centrale du ministère de l’Agriculture, il obtient de l’avancement dans son corps d’origine (inspecteur général des ponts et chaussées de seconde classe en 1891 et de première classe en 1896) ; il est nommé commandeur de la Légion d’honneur en 1900. En 1902, le ministère de l’Agriculture met fin à ses fonctions. Il est mis à la retraite en 1908 par le ministère des Travaux publics [2].

Depuis la seconde moitié des années 1870, il fréquente la Société d’économie politique, intervenant notamment sur le rôle de l’héritage dans le développement économique, sur les emprunts et le financement des travaux publics [3]. Les propos qu’il tient lors des réunions de la Société d’économie politique, une association professant plutôt les théoriques économiques classiques, ne manifestent pas d’affinités particulières avec le fouriérisme et le socialisme. Cependant, lors de la réunion du 5 octobre 1888, consacrée aux interventions de l’État dans l’économie, il intervient après Charles Limousin, fouriériste désormais éloigné du mouvement sociétaire, selon lequel « l’État ne peut être qu’un déplorable industriel » : « M. Léon Philippe se déclare socialiste, comme M. Limousin, sans être d’accord ici avec lui. Ainsi, à son avis, l’État n’est pas un si mauvais industriel », et Philippe prend alors pour exemple la fabrication des tabacs, la construction de canaux et le service postal.

Membre de l’École sociétaire

A ce moment, Philippe s’est déjà rapproché de l’École sociétaire dirigée depuis 1886 par Hippolyte Destrem. Il fait partie des premiers abonnés de La Rénovation, l’organe de l’École publié à partir du printemps 1888, ce qui lui donne le titre honorifique de « fondateur » [4]. Il rejoint en 1891 « l’Association pour la solution pacifique des conflits sociaux par la science, la concorde et le droit pour tous », l’une des sociétés fondées par Hippolyte Destrem et destinées à approfondir le thème de « la rénovation sociale » [5]. Et quand Destrem lance un appel de fonds pour accroître les moyens destinés à la propagande, en décembre 1893, Philippe figure sur la liste des « noms des quarante-trois souscripteurs qui ont répondu », avec l’envoi de 60 francs [6] ; par ailleurs, il renouvelle régulièrement son abonnement jusqu’en 1898 et y ajoute des sommes d’argent destinées à accroître les moyens de l’École [7].

Au milieu des années 1890, les divergences se creusent au sein de l’École sociétaire, en particulier après la mort de Destrem, entre un courant qui veut se vouer à la seule propagande avec La Rénovation, et un courant représenté par l’Union phalanstérienne et l’École Sociétaire expérimentale souhaitant passer à l’application pratique de la théorie phalanstérienne. Ces désaccords mènent à une véritable scission aux alentours de 1900 quand La Rénovation et son directeur Adolphe Alhaiza adoptent des positions antidreyfusardes, xénophobes et antisémites, Léon Philippe se range aux côtés des partisans du passage à la pratique. Le 7 avril 1899, il assiste au banquet organisé par l’Union phalanstérienne pour célébrer l’anniversaire de naissance de Fourier ; il déclare

que le Phalanstère ne doit plus rester à l’état de projet. La période d’études est terminée : il faut propager l’idée et la réaliser. La propagande est à peine commencée ; elle doit cependant être au premier rang de nos préoccupations [8].

En juin suivant, il participe à l’inauguration de la statue de Fourier [9]. En 1901, il fait partie de l’École Sociétaire Expérimentale [10]. Il participe assez régulièrement aux manifestations organisées le 7 avril, c’est-à-dire à l’hommage rendu devant la tombe de Fourier au cimetière Montmartre, puis au banquet lors duquel il prononce parfois un discours [11]. En 1909, il rend hommage à Jenny Fumet,

notre chère doyenne qui depuis 1837, n’a cessé d’appartenir à la phalange fouriériste et préside depuis la mort d’Hippolyte Destrem à l’organisation de la propagande de l’Ecole sociétaire ; c’est chez elle, dans son petit logement patriarcal de la rue Saulnier, n°15, que, chaque mercredi et chaque samedi, ses condisciples se réunissent à tour de rôle, pour y préparer avec elle l’opiniâtre poursuite de la réalisation de ce que les gens de mauvaise foi, les imbéciles ou les simples ignorants appelaient, jadis, les « utopies » de Charles Fourier !!! [12]

L’année suivante, rapporte L’Association ouvrière,

M. Léon Philippe a affirmé sa foi dans les idées associationnistes préconisées par Charles Fourier ; mais il craint qu’avant que l’on en arrive à la période de garantisme qui doit succéder à celle de civilisation où nous vivons, nous n’ayons à subir de graves perturbations sociales et internationales [13].

En 1911, il prononce un toast sur le garantisme [14]. Cependant, la Société d’économie politique, en annonçant son décès, le présente comme un membre de l’association « profondément imbu des vérités classiques de la science économique, et y portant toujours un tel intérêt qu’il était assidu à nos séances » [15].