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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Vulliez, Joséphine (Victoire Coralie) (née Piriou)
Article mis en ligne le 27 septembre 2016
dernière modification le 26 juin 2022

par Desmars, Bernard

Née le 27 juin 1855 à Lorient (Morbihan). Abonnée à La Rénovation, souscriptrice de la statue de Fourier.

Fille de l’officier de marine Louis Constant Piriou et de Coraly Roubion, artiste, eux-mêmes disciples de Charles Fourier, Joséphine Vulliez n’apparaît dans la documentation fouriériste qu’au lendemain de son mariage en 1887 avec Jules Vulliez, ancien avocat, magistrat à Saigon (alors en Cochinchine) entre 1874 et 1885, puis procureur de la République à Moûtiers (Savoie) de 1885 à 1888. Probablement, lorsqu’elle demeurait au domicile de ses parents, lisait-elle les publications sociétaires qu’ils recevaient. Après son mariage, elle s’abonne elle-même à La Rénovation qu’elle reçoit ensuite, au gré des affectations de son mari, à Draguignan (1888 à 1892) puis à Toulon (1892 à 1897), où il est procureur, et à Aix-en-Provence, où il est avocat général à la cour d’appel (de 1897 à son décès en 1920) et où il prononce en 1901 un discours sur Fourier et sa théorie [1].

Elle envoie aussi régulièrement de modestes sommes d’argent (entre 1 et 10 francs), pour participer au financement d’un congrès phalanstérien [2], pour se procurer une brochure, pour contribuer à la réalisation de la statue de Fourier [3], ou encore pour soutenir l’existence de l’École sociétaire dirigée par Adolphe Alhaiza qui la présente comme une « phalanstérienne de naissance » [4]. Elle est aussi actionnaire de l’Union agricole d’Afrique, la société fondée par des fouriéristes lyonnais qui exploite une ferme à Saint-Denis-du-Sig (Algérie) [5] ; sans doute a-t-elle hérité les actions de son père Louis Constant Piriou. Mais à partir des années 1890, cette société ne poursuit plus d’objectifs sociétaires.

Elle ne se résout pas au déclin du mouvement fouriériste, comme elle l’écrit en 1899 à Alhaiza :

Ce n’est pas sans tristesse que je compte les vides qui se sont faits parmi nous et que je ne vois point comblés.

Malgré vos efforts, La Rénovation reste trop ignorée et confondue avec les journaux dits socialistes dont elle est l’antithèse. Je vois par moi-même combien la propagande est difficile. Beaucoup de ceux que j’ai abonnés ne renouvellent pas leur abonnement [6].

En 1906, La Rénovation connaît d’importantes difficultés financières, à la suite de la rupture de son directeur, Adolphe Alhaiza, avec Henry Buisson et le mouvement coopératif, et à cause de la perte d’une partie des revenus du legs de Virginie Griess-Traut. Adolphe Alhaiza, fait appel à la générosité de ses lecteurs. Joséphine Vulliez tout en se déclarant prête à fournir chaque année la somme de 10 francs, fait quelques réflexions :

Cette pauvre Rénovation est donc ruinée ? J’ai beau me creuser la tête, je n’ai pu arriver à comprendre comment ce legs de Mme Griess-Traut a pu être partagé, car sa volonté était évidemment de la laisser à l’École phalanstérienne. Or l’École ne peut faire plusieurs parts. Je vois avec le même regret toujours La Rénovation s’occuper trop de politique, ainsi que je vous l’ai dit souvent. Mais il faut croire que l’opinion d’une femme ne compte pas [7].

Au début de la Première Guerre mondiale, la parution du périodique fouriériste est momentanément suspendue, ce que déplore cette « fidèle et zélée condisciple » [8] qui exprime

son profond regret de voir, sinon tout à fait dévier, du moins trop s’atténuer, par les phalanstériens d’aujourd’hui, la propagande et les efforts de réalisation intégrale du vrai phalanstère, tel que le voulaient Fourier et les premiers disciples [9].

Anticipant sur la fin de la guerre et la reconstruction des régions dévastées, elle suggère dès 1915 que l’on utilise les circonstances pour « réorganiser le travail agricole qui est la base de l’existence en France et dont Fourier voulait faire le foyer de l’humanité » :

À la place des fermes et des chaumières qu’on ne pourra rebâtir, dans leur exiguïté, plaidons pour qu’on construise le Phalanstère spacieux, économique, donnant du bien-être aux paysans, tout en les consolant largement de ce qu’ils auront perdu [10].

Après la guerre, elle souhaite que La Rénovation retrouve du dynamisme :

Il faut qu’elle vive, qu’elle prouve au monde que la doctrine de Fourier, loin d’être désuète, est au contraire en avance de plusieurs siècles sur toutes les autres. […]

Dans les pays dévastés, avec l’association du capital, du travail et du talent, construisons la cité de l’avenir digne de l’humanité. Crions bien haut :

Renoncez à rebâtir des masures, foyers de maladies infectieuses ; associez vos propriétés, fondez la grande industrie agricole et le palais sociétaire où le luxe collectif donnera à tous les agréments de la richesse, où l’air et la lumière entretiendront la santé et la force [11].

Elle soutient La Rénovation jusqu’à sa fin (1922) et semble partager les opinions antisémites et antimaçonniques d’Adolphe Alhaiza, même si elle pense que leur expression a pu nuire à l’audience du périodique [12].