Décédé dans la semaine précédant le 22 février 1857 à Rio de Janeiro (Brésil). Artiste dramatique puis professeur et directeur d’un collège français à Rio de Janeiro. Membre du groupe phalanstérien de Rio de Janeiro.
Embarqué au Havre sur le navire « Ursin », Jacques Piel débarque à Rio de Janeiro le 31 juillet 1840 [1]. Il appartient à une compagnie française de théâtre qui s’illustre à partir de septembre 1840 au Théâtre français de Rio de Janeiro [2]. Il est, ainsi que d’autres acteurs du Théâtre français, condamné à 1 mois de prison en juin 1841, pour avoir désobéi à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ou ne s’être pas conformé à ses ordres (article 128 du code pénal [3]). En 1843, toujours acteur, il réside au 122 rua d’Alfandega [4]. Il est considéré comme un acteur au jeu « naturel et réservé » [5].
« Ayant reçu une instruction élémentaire assez solide, il [abandonne] la carrière dramatique pour se vouer à l’éducation des enfants […] » [6]. En décembre 1847, il enseigne dans une classe du Collège français, 47 rue Saint-Joseph (rua San José) [7] En 1852, son collège est établi 64 rue San José [8]. En 1855, il est inscrit parmi les professeurs de langues, 105 rue d’Ouvidor [9]. Le Courrier du Brésil annonce la « réouverture de l’ancien collège français dirigé par Jacques Piel, rue do Cano, n. 70 » [10] le 7 janvier 1857. Des pensionnaires sont hébergés ; un jardin est à disposition [11]. Jacques Piel décède quelques semaines après la réouverture de l’école.
Jacques Piel participe sans doute au groupe constitué à Rio de Janeiro en 1846 sous l’égide de Michel Derrion qui a quitté la colonie déliquescente du Sahy et s’est réconcilié avec Benoît Mure [12]. Le 24 avril 1846, Derrion et Piel sont d’ailleurs témoins de Benoît Mure pour déclarer auprès du consulat de France, le décès de son épouse Eugénie Lallemend [13]. Piel contribue alors aux souscriptions pour une « médaille à offrir à Eugène Sue, défenseur des classes sacrifiées et promoteur de l’organisation du travail » [14] et pour financer la tombe de Flora Tristan [15]. Il soutient également la diffusion de la médecine homéopathique au Brésil et est signataire le 30 mai 1846 d’une pétition collective aux représentants de la nation brésilienne en vue de la reconnaissance de la médecine homéopathique [16]. En janvier 1848, la classe de Piel au Collège français de la rue Saint-Joseph sert à héberger, dimanche et mercredi, le cours de musique vocale qu’ouvre Michel Derrion [17] Comme d’autres phalanstériens (Nicolas Gilbert, Charles Leclerc, Antoine Joseph Jamain, Eugène-Félix Huger et Derrion), il est « dépositaire des listes en circulation » destinées à la « souscription française en faveur des veuves, orphelins et blessés des journées de février 1848 » [18].
En 1850, l’anniversaire de la naissance de Fourier est exceptionnellement célébré le 14 juillet en raison de l’épidémie de fièvre jaune qui a emporté Michel Derrion et celle du choléra qui a sévi dans la ville au printemps. Jacques Piel préside le banquet qui réunit « cent-dix personnes [qui] ont pris part à cette fête, parmi lesquels seize femmes et six enfants » [19]. Lors de l’organisation de l’anniversaire d’avril 1851, il propose de limiter le banquet habituel à une simple communion et d’envoyer l’argent collecté au centre parisien de l’École sociétaire, proposition à laquelle finit par se ranger la majorité du groupe.
Comme d’autres phalanstériens (André Forest, Albert Gierkens, Eugène-Félix Huger, Francis-Charles Vannet, il est membre de la Société française de secours mutuels.
Selon Adolphe Huber, rédacteur du Courrier du Brésil qui rédige sa nécrologie, il meurt dans « la souffrance. Lui, qui avait employé toute sa vie à combattre les ultramontains et surtout les abus du culte catholique, par une circonstance toute fortuite a été appelé à subir de près ces mêmes abus et ces mêmes cruautés qu’il savait si bien stigmatiser. […] il a été conduit à l’hospice de la Miséricorde où on le soigna dans une chambre séparée. L’agonie arriva bientôt, sans que le malade perdît un seul instant la lucidité de son esprit : confiance en Dieu et négative de ceux qui prétendent se charger des choses du ciel », alors que les « bonne sœurs emportées par un zèle cruel se seraient fait un jeu de violenter la conscience d’un homme en pleine raison, qui ne voulait espérer qu’en Dieu ; mais seulement en lui » [20]. Toujours selon Huber, il « appartenait, par son intelligence peu commune, - cultivée patiemment et à l’aide de constantes études, - à la courageuse minorité qui cherche à approfondir et à faire progresser la grande question de l’avenir ». Les propos du rédacteur du Courrier du Brésil suscitent la réaction des ultramontains du journal O Brasil [21].
[1] « Movimento do porto », Diário do Rio de Janeiro, 1er août 1840, p. 4.
[2] « A companhia franceza. Elle est folle. Le gamin de Paris », Diário do Rio de Janeiro, 10 septembre 1840, pp. 1-2.
[3] « Repartição de Polícia », Correio official, 4 juin 1841, p. 4. Codigo criminal do imperio do Brazil, Lei de 16 de dezembro de 1830 (en ligne sur [http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/leis/lim/lim-16-12-1830.htm]).
[4] Pequeno Almanak do Rio de Janeiro para 1843, Rio de Janeiro, Typos dos editores Viuva Ogier e Filho, (1843).
[5] « Theatro francez », Minerva brasiliense, jornal de sciencias, lettras e artes, 1er novembre 1843, p. 27, « natural e ciudadoso ».
[6] « Bulletin hebdomadaire », Courrier du Brésil, 22 février 1857, p. 3.
[7] « Annonces », Le Nouvelliste, 18 décembre 1847, p. 4 (« Collegio francez »).
[8] Almanak administrativo mercantil e industrial da corte e provincia do Rio de Janeiro para o anno bissexto de 1852, Rio de Janeiro, Eduardo e Henrique Laemmert, 1852, p. 339.
[9] Almanak administrativo mercantil e industrial da corte e provincia do Rio de Janeiro para o anno de 1855, Rio de Janeiro, Eduardo e Henrique Laemmert, 1855, p. 451.
[10] « Annonces », Courrier du Brésil, 11 janvier 1857, p. 8.
[11] « Annonces », Courrier du Brésil, 1er février 1857, p. 8.
[12] On peut même s’interroger sur une adhésion bien antérieure. Il est encore recensé comme « artiste dramatique » dans le répertoire d’adresses de la librairie des Sciences sociales, « répertoire Noirot » établi au cours des années 1850 (École Normale Supérieure, fonds Considerant, carton 13, dossier VIII, « Correspondance - Répertoire - M. Noirot - 13, rue des Saints-Pères »).
[13] Laurent Vidal, Ils ont rêvé d’un autre monde, Paris, Flammarion, 2014, p. 314.
[14] « Médaille à offrir à Eugène Sue, défenseur des classes sacrifiées et promoteur de l’organisation du travail », La Démocratie pacifique, 24 mai 1846, p. 6.
[15] « Souscription à la tombe de Flora Tristan », La Démocratie pacifique, 24 mai 1846, p. 6.
[16] « [Pétition].Augustos e dignissimos senhores representantes da naçao brasileira. [30 de maio de 1846] », Sciencia, 17-24 juin 1848, p. 4.
[17] « Annonces », Le Nouvelliste, 1er janvier 1848, p. 4.
[18] Jornal do Commercio (Rio de Janeiro), 28 juin 1848, p. 4.
[19] Assemblée générale des actionnaires des sociétés des 15 juin 1840 et 10 juin 1843 tenue le 15 septembre 1850, p. 11, « Lettre de Huger, 24 juillet 1850 ».
[20] « Bulletin hebdomadaire », Courrier du Brésil, 22 février 1857, p. 3.
[21] « O Brasil, journal ultramontain », Courrier du Brésil, 22 mars 1857, p. 1.
Sources
Archives nationales, Fonds Fourier et Considerant, Archives sociétaires, 10AS31(5) (681 Mi 52, vues 15-17), Mouvement sociétaire américain : lettre de Huger du 12 mai 1851.
École Normale Supérieure, fonds Considerant, carton 13, dossier VIII, « Correspondance - Répertoire - M. Noirot - 13, rue des Saints-Pères », ante 1860.
« Médaille à offrir à Eugène Sue, défenseur des classes sacrifiées et promoteur de l’organisation du travail », La Démocratie pacifique, 24 mai 1846, p. 6 (en ligne sur Gallica).
« Souscription à la tombe de Flora Tristan », La Démocratie pacifique, 24 mai 1846, p. 6 (en ligne sur Gallica).
Assemblée générale des actionnaires des sociétés des 15 juin 1840 et 10 juin 1843 tenue le 15 septembre 1850, p. 11, « Lettre de Huger, 24 juillet 1850 » (en ligne sur le site de la Bibliothèque virtuelle, Les Premiers socialismes, Université de Poitiers).
« Movimento do porto », Diário do Rio de Janeiro, 1er août 1840, p. 4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« A companhia franceza. Elle est folle. Le gamin de Paris », Diário do Rio de Janeiro, 10 septembre 1840, pp. 1-2 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« Theatro francez », Diário do Rio de Janeiro, 14 novembre 1840, pp. 3-4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« Théatres. Théâtre français », L’Alcyon, 20 mars 1841, pp. 3-4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
p. 105 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
Pequeno Almanak do Rio de Janeiro para 1843, Rio de Janeiro, Typos dos editores Viuva Ogier e Filho, (1843) (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« Theatro francez », Minerva brasiliense, jornal de sciencias, lettras e artes, 1er novembre 1843, pp. 27, 57 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
Almanak administrativo mercantil e industrial do Rio de Janeiro para o anno bissexto de 1844, Rio de Janeiro, Eduardo e Henrique Laemmert, 1843, p. 207 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
Almanak administrativo mercantil e industrial da corte e provincia do Rio de Janeiro para o anno bissexto de 1852, Rio de Janeiro, Eduardo e Henrique Laemmert, 1852, p. 339 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
Almanak administrativo mercantil e industrial da corte e provincia do Rio de Janeiro para o anno de 1855, Rio de Janeiro, Eduardo e Henrique Laemmert, 1855, p. 451 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
Almanak administrativo mercantil e industrial da corte e provincia do Rio de Janeiro para o anno de 1857, Rio de Janeiro, Eduardo e Henrique Laemmert, 1857, p. 438 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« Annonces », Le Nouvelliste, 18 décembre 1847, p. 4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil) ; 1er janvier 1848, p. 4 (en ligne sur [Biblioteca Nacional Digital Brasil>http://memoria.bn.br/DocReader/766232/94]) ; 22 janvier 1848, p. 4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« Repartição de Polícia », Correio official, 4 juin 1841, p. 4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« [Pétition]. Augustos e dignissimos senhores representantes da nação brasileira. [30 de maio de 1846] », Sciencia, 17-24 juin 1848, p. 4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
Jornal do Commercio (Rio de Janeiro), 28 juin 1848, p. 4 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« Annonces », Courrier du Brésil, 11 janvier 1857, p. 8 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil->http://memoria.bn.br/DocReader/709719/558]).
« Annonces », Courrier du Brésil, 1er février 1857, p. 8 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil) ; 15 février 1857, p. 8.
« Bulletin hebdomadaire », Courrier du Brésil, 22 février 1857, pp. 2-3 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
« O Brasil, journal ultamontain », Courrier du Brésil, 22 mars 1857, p. 1 (en ligne sur Biblioteca Nacional Digital Brasil).
Bibliographie
Laurent Vidal, Ils ont rêvé d’un autre monde, Paris, Flammarion, 2014, pp. 312, 314, 317.
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