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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Rééquilibrer les forces économiques : vers le commerce composé
Article mis en ligne le 1er mai 2007

par Cassiot, Alain

A notre époque, la « financiarisation » de l’appareil productif génère une inquiétude réelle même parmi les tenants du « libéralisme ». Or, Charles Fourier n’a pas été avare d’idées originales quant aux façons d’équilibrer de façon pacifique les excès de ce système économique. Il utilise certes des vocables parfois exotiques. Mais les mots de « fourberies commerciales », « agiotage », « enrichissement subit » évoquent facilement de nos jours les déréglementations parfois excessives exercées sous contrôle de l’OMC, la prédominance mondiale du secteur bancaire sur le secteur politique, et la spéculation boursière internationale débridée.

Voici un exemple de son ardente invitation à nous préoccuper de rééquilibrer les forces économiques, malgré les anathèmes de la « classe des Economistes », anathèmes qu’il est habituel d’entendre de nos jours dans les mêmes circonstances. Ainsi Charles Fourier, conscient que « ce n’est point par la force qu’on peut terrasser l’hydre mercantile », propose-t-il de remplacer le commerce « simple » par le commerce « composé ». Il semble bien que cette proposition est restée aussi nouvelle de nos jours qu’à son époque...

Alain Cassiot

 

chapitre IX

Prélude à l’analyse du Commerce simple. Tableau de ses Caractères

[...] La Providence, qui a prévu que nos efforts de restauration seraient inutiles s’ils portaient ombrage aux autorités, a dû placer les moyens d’issue de Civilisation dans des entreprises qui ne heurtassent aucune autorité ; entre autres, dans la réforme des fourberies commerciales, dont les auteurs sont à juste titre haïs de tout le monde.

Cette classe aujourd’hui déifiée par convenance politique, a été longtemps ridiculisée comme elle le méritait ; mais à la fin, le poids de l’or a emporté la balance, et les philosophes ont cru, en flagornant le trafic mensonger, faire un acte de résignation ; ils n’ont fait qu’une bassesse très-nuisible, tant à la société qu’à leur propre corporation.

En effet, la réforme du commerce était, je l’ai démontré plus haut, une voie d’avènement à tous les progrès sociaux ; et comme cette réforme, loin de contrecarrer l’autorité et la religion, servait toutes leurs vues, on ne conçoit pas pourquoi les philosophes, et à défaut les autres classes de savants, ont craint de porter la cognée sur cet arbre de vice. Le commerce est le côté faible de la Civilisation, le point sur lequel il fallait attaquer : il est secrètement haï des gouvernants et des peuples ; en aucun pays la classe des nobles et des propriétaires ne voit de bon œil ces parvenus qui, arrivés en sabots, étalent bientôt une fortune à millions. L’honnête propriétaire ne conçoit rien à ces moyens d’enrichissement subit : quelque soin qu’il donne à la gestion de ses domaines, il parviendra difficilement à ajouter quelques mille francs de rente à son revenu ; il est stupéfait des bénéfices de l’agioteur ; il voudrait exprimer son étonnement, ses soupçons sur cette étrange industrie ; mais il est arrêté par la classe des Economistes, qui lance l’anathème sur quiconque oserait suspecter le commerce immense et l’immense commerce. Telles sont les phrases à la mode : on a tout dit quand on a débité ce pathos de balance, contre-poids, garantie, équilibre du commerce immense et de l’immense commerce, des amis du commerce, pour le bien du commerce.

[...] Or, quelle peut être la puissance qui interviendrait pour réprimer les fourberies commerciales ? C’est le gouvernement. J’indiquerai, au traité de commerce véridique, de quelle manière doit s’exercer cette intervention. Je sais qu’elle n’est pas admissible dans le mode actuel ; qu’il y a lésion de l’industrie générale si l’administration intervient dans le commerce mensonger ou simple ; mais en mode composé, tout péricliterait si le gouvernement cessait un instant d’intervenir pour la garantie de vérité ; de même que les faux poids et fausses mesures se répandraient partout, si l’administration se relâchait d’une stricte surveillance.

Charles Fourier, Traité de l’Association Domestique-Agricole, 1822, Première partie, seconde notice « Applications intra-civilisée aux questions controversées ». (Théorie de l’Unité Universelle, Les Presses du réel, 2001, Volume 1, p. 498-499)