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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

7-8
A propos d’un bicentenaire
Article mis en ligne le 15 décembre 2008
dernière modification le 31 juillet 2017

par Bouchet, Thomas, Cordillot, Michel

Il y a de cela un peu plus d’un siècle, une statue a été érigée à Salins pour honorer la mémoire de Victor Considerant. Sous le buste, face avant, figurent ces mots gravés dans la pierre : « Elève de l’Ecole polytechnique. Capitaine du génie. Représentant du peuple. Proscrit. 1808-1893 ». Sur la face arrière, on peut lire : « Fondateur de La Phalange et de La Démocratie pacifique. Ouvrages divers. Destinée sociale. Socialisme devant le vieux monde. Gouvernement direct du peuple. Etc. » Et plus près du sol, à l’arrière toujours, une dernière phrase semble avoir pour fonction de synthétiser l’ensemble : « Il a consacré sa vie à la cause du peuple et à la propagation de la doctrine de Fourier ». Considerant a mené au fil de son existence bien des combats. Ce numéro spécial des Cahiers Charles Fourier, qui paraît à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, rend compte des multiples facettes de sa personnalité et de son action.

Les articles qu’on va lire ont pour ambition d’apporter des compléments, voire de légères retouches, à un portrait déjà bien fixé : outre divers travaux plus anciens, il existe déjà en langue française un solide ouvrage de Michel Vernus [1], qui a par ailleurs prêté son concours à ce numéro spécial, et en langue anglaise la monumentale biographie signée par Jonathan Beecher [2], source vive des articles du volume, entreprise sur laquelle ce dernier a accepté de revenir en réponse à nos questions, et que nous ne désespérons pas de voir traduite un jour pour devenir ainsi accessible au plus grand nombre. En faisant appel à un large éventail international d’auteurs, notre objectif est donc de continuer le travail de mise en lumière d’un parcours dans sa globalité.

Aucun des auteurs ne verse dans l’hagiographie, contrairement à ce qui s’observe parfois en ce genre de circonstances. De fait, certains des développements théoriques de Considerant n’ont pas résisté à l’épreuve du temps - sans même parler d’outrances qui firent les délices des caricaturistes de l’époque. Dans son action comme chef de l’Ecole sociétaire après la mort de Fourier, il a soulevé de nombreuses critiques parfois acerbes et il lui est arrivé de commettre des choix tactiques erronés, lesquels entraînèrent parfois des conséquences néfastes. Il s’inscrit dans une époque à bien des égards pionnière, où les espoirs de ceux qui voulaient réformer la société étaient encore neufs. C’est pourquoi, pensons-nous, il faut lire ce Cahier dans une perspective historique et scientifique - et donc avec toute la distance critique qu’autorise le recul - et non pas dépréciative ou louangeuse.

Il s’agit bien plutôt de revenir sur des étapes d’une vie, sur des aspects d’une œuvre politique, et aussi sur un rayonnement. Les contributions qui composent le numéro (une quinzaine au total) prouvent la richesse des sources et des questionnements possibles. Elles explorent plusieurs espaces, de Salins à la France, de l’Europe à l’Amérique du Nord. Au cours de sa vie Considerant circule beaucoup ; les idées qu’il défend trouvent des échos en Suisse, au Mexique, aux Etats-Unis (le fouriériste américain John Allen prénomme même un de ses fils Victor Considerant [3]) et ailleurs. Son parcours permet de mesurer le foisonnement des idées et des expériences, chez ceux qu’il fréquente ou gravitent autour de lui, chez ses détracteurs aussi ; il donne aussi une bonne idée des difficultés et des aléas de l’action militante au XIXe siècle. A plus d’un titre donc les recherches sur Victor Considerant sont un bon moyen de s’introduire dans l’univers du « socialisme romantique » (Jonathan Beecher). Le rôle qu’il joue dans l’histoire des socialismes français au XIXe siècle est de toute première importance et on peut légitimement voir en lui, tout autant qu’en Ledru-Rollin, l’initiateur et le représentant d’un courant de la gauche démocratique et républicaine qui, à travers une filiation incarnée par Benoît Malon puis Jean Jaurès, perdure jusqu’à nos jours dans le paysage politique de l’hexagone.

Le numéro est structuré en trois parties. On découvrira d’abord un homme situé au cœur des interrogations et des luttes politiques du tiers central du XIXe siècle (« Quelle Ecole ? Quel socialisme ? Quelle République ? »). On l’observera ensuite dans son rôle d’initiateur, d’animateur (du moins au début) d’une tentative majeure d’expérimentation [4], qui marque une rupture et influe sur la suite son parcours (« France-Amérique, et retour »). On appréciera enfin de quelle manière il s’inscrit dans son siècle (« Parcours, pensées et actions dans la longue durée »). Une rubrique « sources » - manuscrits issus des très riches fonds franc-comtois ; imprimés - invite à nourrir la réflexion textes à l’appui. Notons enfin que le papier et l’écran sont également mis à contribution pour le projet : en complémentarité avec le Cahier, des études et des sources relatives à Considerant sont (et seront) mises en ligne sur le site charlesfourier.fr.