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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

André, François-Victor-Stanislas
Article mis en ligne le 14 mars 2009
dernière modification le 11 juillet 2021

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 26 octobre 1805 à Bertaucourt-Epourdon (Aisne). Décédé le 22 décembre 1845 à Saint-Maurice (Seine, auj. Val-de-Marne). Principal clerc d’avoué et de notaire, inspecteur d’assurances puis courtier commercial. Fondateur de L’Écho phalanstérien à Lille (Nord) en octobre 1835. L’un des fondateurs de la société « Le Sociantisme, union des agents producteurs : capital, travail et talent » à Paris en 1837. Membre du groupe parisien de l’Union harmonienne. Fondateur et directeur général de « L’Unité, Société générale d’encouragement, de crédit et d’assurances pour l’agriculture, l’industrie et le commerce » à Paris en 1841.

François-Victor-Stanislas André est le fils de Pierre-François André, cultivateur au hameau de la Croix Verte à Bertaucourt-Epourdon et de Marie-Marguerite Saget. Tout d’abord, principal clerc d’avoué et de notaire résidant jusqu’en 1835 à Couvrelles-lès-Braisne (Aisne) [1], puis inspecteur d’assurance à Paris, il devient courtier commercial à la fin de la décennie. Nous ne connaissons pas les circonstances de sa rencontre avec les théories phalanstériennes ; il s’illustre dans un premier temps comme journaliste.

Promouvoir l’idée d’un essai transitoire

En 1835, il fonde à Lille L’Écho phalanstérien, journal de l’association communale. D’après la déclaration en préfecture et le prospectus paru en octobre 1835, le premier numéro est prévu pour le 1er novembre. Le journal dont le siège est établi à son adresse, au 20 rue de Gand à Lille, se veut « organe des intérêts généraux ». Il « ne sera antipathique à aucun homme, voulant et opérant le bien, quelles que soient d’ailleurs ses opinions politiques ou religieuses. Il n’ouvrira jamais ses colonnes aux personnalités. Il s’occupera des perfectionnemens [sic] à introduite dans l’Agriculture [sic] et l’Industrie [sic] ». Le projet ne semble pas dépasser le prospectus-spécimen même si le titre est listé parmi les « journaux et écrits politiques » [2] dans L’Annuaire statistique du département du Nord pour l’année 1836. Ce numéro de lancement est composé d’un unique et copieux article de cinq pages sur la « Réforme sociale » signé André, propriétaire-gérant. André vante le projet phalanstérien de « l’association appliquée à tous les habitans [sic] de la commune, étendue à tous ses besoins de la vie et combinée de manière à améliorer le sort de tous et à concilier les divers intérêts qui se dressent menaçans [sic] les uns contre les autres » [3].

Deux pages de feuilles d’annonces complètent ce tirage. Parmi celles-ci, on peut en lire une probablement relative au propriétaire et gérant du journal :

Un célibataire qui a été pendant 8 ans principal clerc d’avoué et de notaire, demande un collaborateur pour former un cabinet d’affaires, à Lille. S’adresser au bureau du journal, rue de Gand, n° 20.


André développe un théorie du progrès matinée de quelques idées phalanstériennes. Il affirme que la réforme est indispensable non pas parce qu’une minorité accaparerait la majorité des produits de consommations, mais parce que « la pénurie […] n’émane que de l’insuffisance de la production » [4]. La réforme serait en premier lieu une affaire de progrès technique de l’agriculture. Il s’agit

de féconder mécaniquement le sol le plus aride, et de sextupler au moins, le produit de ceux qui rapportent annuellement ; il suffira pour cela d’apporter de la terre, c’est à dire de la marne friable et d’une certaine qualité sur une surface qui ne possède pas de terres végétales, et à compléter les terres végétales qui existent déjà ; mais dans un état imparfait de fertilité. La question des engrais est une question subséquente de la première ; car en augmentant le nombre de terres fertiles et la fertilité des terres défrichées, il est évident que l’on augmentera le nombre des terres qui se consacrent à l’élève des bestiaux et autres animaux domestiques, tout autant d’agens [sic] d’engrais fertilisateurs.


Cette « activité nouvelle de la commune, en dépit du concours intéressé des habitants de la ruche nouvellement organisée » [5] ne permet néanmoins pas de résoudre le fléau de la sécheresse. Qu’importe pour André :

Vous demandez de l’eau au ciel quand vous en n’avez qu’à vous baisser […]. Mais les eaux sont basses et le plateau élevé ! Mais aussi n’avez-vous pas le secours des machines propres à élever et à transporter les liquides ? Et ces machines voyez-en le modèle dans le pays que nous appelons routiniers, ces machines sont de la plus grande simplicité et ne demandent que des frais minimes ; l’eau est le moteur pour élever l’eau ; on ne saurait trouver un mouvement moins compliqué et plus durable.


Mais seulement s’il y avait

société entre tous les habitans [sic] de la commune, l’isolement ne mettrait plus l’intérêt individuel en opposition avec l’intérêt public […] Où le système des rigoles serait impraticable, l’arrosage en grand pourrait s’effectuer sous la forme de la pluie et avec une machine arrosoir ; cela se pratique déjà dans quelques communes du Midi de la France ; ce n’est donc point une utopie. Associez-vous habitans [sic] d’une même localité ! Et vous serez capables, avec le petit doigt de transporter les fleuves sur le haut des montagnes, et de changer vos ronces en épis, vos tristes chaumières en palais délicieux.


Pour André, l’association doit donc permettre « d’augmenter la fertilité du sol et par la suite d’obtenir plus de produits » tout en réduisant la surface cultivée pour ce produit et tout en permettant ainsi d’autres cultures :

en sorte qu’en même tems [sic] qu’on aura du pain pour tout le monde, on aura aussi pour tout le monde les mêts [sic] que recherche le riche, et dont il peut seul aujourd’hui, couvrir sa table et flatter son appétit.


André ne peut que constater la misère alors que des « magasins encombrés de marchandises […] ne trouvent point d’écoulement » [6]. Il dénonce « une concurrence anarchique, de vaines chimères et de stériles récriminations [qui] absorbent […] une grande partie des forces individuelles et font […] perdre un tems [sic] précieux et des efforts qui, appliqués à l’amélioration de la société, feraient promptement succéder la puissance à la faiblesse, l’harmonie au désaccord, la richesse à la pauvreté, la liberté à l’esclavage ». La science quant à elle est « à très peu d’exceptions près, sans lien avec le reste des faits sociaux ». Enfin, « la société actuelle qui adopte l’allégorie d’une mère et se nomme patrie, abandonne […] ses enfans [sic] à leurs caprices, à leurs ressentimens [sic], à leur détresse, au lieu d’avoir des administrations pour les éduquer, étudier leurs caractères et diriger leurs penchants vers des objets utiles ». Il s’insurge contre le caractère répressif de cette société. Tous ces maux proviennent de « l’isolement ».
Selon André, l’association se traduit tout d’abord par un habitat collectif. Il cite l’exemple d’expérience de chauffage commun dans les grands établissements, de distribution de la lumière « par des ramifications multipliées à l’infini, dans un grand nombre d’appartements et souvent à des distances considérables » [7] pour promettre de nouveaux bienfaits ; « l’association communale va enfanter tous ces prodiges ». Admettant la difficulté de convaincre une commune entière, il propose la fondation d’un nouvelle commune agricole qui

pourrait être l’œuvre exclusive d’ouvriers qui n’ont d’autres propriété que leur travail.
En effet, les ouvriers d’un arrondissement, de celui de Lille, par exemple, au lieu de verser leurs économies à la caisse d’épargnes [sic], ne pourraient-ils point former une société en commandite, dont le capital divisé en actions, payables en un grand nombre de portions égales de mois en mois ou de semaine en semaine, serait employé, à des mesures de sa réalisation, à ouvrir des ateliers, faire des acquisitions mobilières et immobilières, élever des constructions, etc. ; de manière que la société, dont ils pourraient facilement débiter tous les produits [sic], marche progressivement et d’un pas méthodique vers la complète organisation de la commune sociale [8].


Les ouvriers lillois ne semblent pas avoir été réceptifs au discours d’André qui se rend alors à Paris et propose son projet de souscription lors du banquet ouvrier phalanstérien du 15 mai 1836 auquel Fourier participe.

Le phalanstère à dix sous

C’est probablement son premier contact avec l’École sociétaire à Paris. Fugère raconte ultérieurement qu’ :

un jour, le 15 mai 1836, les disciples ouvriers, invitèrent Fourier, a un modeste banquet qu’il accepta. Vers la fin du repas un homme alors inconnu de nous, Mr André, vient proposer un mode de cotisation tout spécial pour arriver sûrement au but ; [sic] que nous voulions déjà alors comme aujourd’hui, La Réalisation. Il s’agissait de former une souscription à 90 c [sic pro 50] par semaine, d’en placer le montant, qui avec l’intérêt composé ne pouvait manquer de produire un jour la somme nécessaire aux besoins de la réalisation. C’est MM. cette idée qui a donné à Brucker, le sujet de la chanson tant approuvée par Fourier ; faisons le phalanstère à dix sous [9].

Le principe de la souscription semble plaire à Victor Considerant moyennant quelques modifications [10] ; Fugère le 23 mai 1836 relate que déjà les souscripteurs se pressent [11]. Mais Fugère ne croit pas qu’André possède les compétences pour finaliser ce projet. Il émet même quelques réserves sur l’individu :

Mr André me fait l’effet d’un farceur qui veut se servir du manteau de Fourier, ce qu’il faut empêcher [12].

André poursuit son projet de réalisation transitoire.

« Le Sociantisme, union des agents producteurs : capital, travail et talent »

En juin 1837, il est l’un des fondateur de la société d’entreprises générales « le Sociantisme, union des agents producteurs : capital, travail et talent  », société « Henri Bertrand, André et compagnie  ». L’intitulé de l’entreprise reprend la terminologie des périodes historiques de Fourier, le sociantisme qualifiant la phase intermédiaire d’association imparfaite précédant l’ère de l’harmonie et de la réalisation phalanstérienne. La société est fondée en nom collectif. Aux deux associés cités dans la dénomination de la société, il convient d’ajouter le nom de phalanstériens avérés : l’entrepreneur Hyacinthe Confais, les mécaniciens Antoine Joseph Jamain et Louis Faureau, le libraire Modeste Auguste Prudhomme et le peintre en bâtiment Stanislas Vinette. L’engagement phalanstérien du ciseleur modeleur Louis Bénigne Laurens et du commerçant François Michel Guérin se limite à cette expérience. Tous sont « associés solidaires, et indéfiniment responsables » [13]. Leur sont adjoints, selon le principe d’une société en commandite, « toutes les personnes [...] simples bailleurs de fonds [qui] deviendront propriétaire d’actions et de coupons, [...] tous ceux qui seront employés à un travail quelconque pour la société ». La société est installée au 17 rue des Grands-Augustins à Paris, adresse donnée par André dans L’Almanach social pour l’année 1840 qui indique qu’il est correspondant et membre de l’Union harmonienne. La société est dirigée par un conseil d’administration des associés, conseil présidé, avec voix prépondérante par Henri Bertrand, ancien employé principal de diverses banques, désigné directeur général. Tous les administrateurs sont « solidairement responsables et doivent, pour garantir leur gestion, posséder au moins les trois centièmes des actions émises » [14]. Un conseil supérieur élu par les actionnaires assure la surveillance permanente des actes de la société et de son directeur général. Le capital attendu est de trois millions de francs à collecter grâce à l’émission de vingt-six mille actions et coupons de cinquante, cent et mille francs à verser par quotité de vingt-cinquième, « à la portée des plus pauvres ». On prévoit même après réalisation de ce capital initial de le porter à douze millions.

Le Sociantisme a pour objectif « l’exploitation de plus en plus large de diverses branches d’industrie dans le but de faire travailler un plus grand nombre d’ouvriers. Cette exploitation aura lieu au profit combiné du capital, du travail, et du talent, afin d’associer ces trois éléments de la création des richesses, et de démontrer par une expérience [qu’elle] doit avoir les plus heureux résultats » [15]. Le prospectus de communication auprès du public précise qu’il s’agit « de détruire les germes de révolution, qui sont la misère et l’oppression... par la substitution de l’équité à l’arbitraire dans la distribution du bien-être ; de satisfaire toutes les prétentions, sans cesser d’être juste, en procurant des bénéfices sociaux, tels que répartis entre les trois forces industrielles, capital, travail, talent ; [...] de mettre fin au paupérisme et à la nécessité d’une aumône humiliante, en créant une prévoyance sociale au profit de l’ouvrier devenu inhabile au travail par maladie, accident ou vieillesse, et des orphelins s’il vient à mourir ; de faire disparaître de la production et de la vente tous les gaspillages, falsifications et autres fourberies aujourd’hui nécessités par la concurrence » [16]. La société prévoit d’ouvrir ateliers et magasins, de publier un « journal qui sera destiné à propager les principes qui ont déterminé sa fondation et rendra compte de ses opérations » [17]. La clientèle trouvée au sein des familles des actionnaires doit permettre d’assurer la prospérité de la société et ainsi par attraction de voir son influence étendue à un public plus large du fait de son succès initial. Enfin, les salariés seront recrutés parmi les actionnaires. En plus d’« une rétribution [...] équivalente du salaire payé dans les autres établissements » [18], ils percevront une part sur les bénéfices et se verront assurer un secours en cas de maladie, de vieillesse ou d’invalidité, sans que ce secours soit déterminé. Dans un délai de cinq ans, la société s’engage à fournir « l’éducation intellectuelle, morale et professionnelle de tous les enfants des sociétaires ». Le capital quant à lui doit être rétribué à hauteur de 5 %. Enfin, une partie non déterminée des bénéfices, est destinée à récompenser « ceux des sociétaires qui introduiront, dans une branche quelconque de l’entreprise, un moyen d’augmenter ou d’améliorer les produits, ou de rendre le travail moins pénible ; soit par l’invention de nouveaux instruments, soit par le perfectionnement des procédés anciens » [19].

Cette société, dont La Phalange publie le « prospectus  » et qu’elle regarde en mai 1837 avec bienveillance mais dont elle attend de voir le développement pour pouvoir la juger, est bien vite décriée lorsque ses statuts sont déposés le 9 juin. Cette création s’inscrit dans un climat tendu entre les réalisateurs de l’École sociétaire et Victor Considerant. Une circulaire en date du 21 juillet, supplément au numéro du mois de La Phalange, condamne ce projet individuel que le public considère déjà comme une réalisation sociétaire. D’après la lettre de Victor Considerant adressée à La Presse d’Émile de Girardin, suite à un article paru sur les « Fouriéristes  » [20], lettre reproduite dans La Phalange d’août, Charles Fourier « signant en personne, a protesté publiquement [...] contre tout rapport que les agents de cette société cherchaient et chercheraient à établir entre leur opération et la théorie de Fourier, et cela dans le but formel de détourner les partisans de ladite théorie, de porter leur fond à ladite entreprise  ». D’ailleurs, le nom de la société « n’est rien moins qu’un contre-sens de doctrine  ». En juillet, dans l’appel à souscription pour la réalisation sociétaire future d’un canton d’essai que relance opportunément Victor Considerant, on peut lire également : « il ne serait ni convenant, ni favorable aux intérêts de la cause que chacun voulût exploiter ses ressources au profit de petite réalisation qu’il lui prendrait fantaisie de faire dans son endroit ». La société débute cependant une activité de fabrique de chaussures et propose l’ouverture d’un atelier d’ébénisterie sur un mode de production associée mais son activité ne semble pas se poursuivre après 1839.

Prospectus du Sociantisme
Bibliothèque Nationale de France, Bibliothèque de l’Arsenal, BR-58277, Le Sociantisme : union des agents producteurs, capital, travail et talent, Paris, impr. de Mme Huzard, 1837


Retour à la propagande

Après l’échec du sociantisme, André revient à la propagande. En 1840, il reprend son article paru dans L’Écho phalanstérien. Remanié, il le publie anonymement sous le titre : Une Leçon de science sociale. Appel aux hommes de bonne volonté pour la fondation d’une commune modèle. L’auteur de cette œuvre éditée « en dehors de La Phalange, s’est proposé le même but [que Victor Considerant] et a parfaitement résumé en peu de mots les points saillants de la doctrine [de Fourier] » [21] annonce le chroniqueur du Mémorial encyclopédique et progressif des connaissances humaines. L’exemplaire conservé à la Bibliothèque municipale de Lyon porte par ailleurs « les hommages de l’auteur. André ».
La citation anonyme « La Réforme sociale » initialement introductive à l’article de L’Écho phalanstérien alors attribuée à un « réformateur » est cette fois placée en exergue sur la page de titre de cette nouvelle édition :

Ce qui s’oppose au succès des doctrines qui ont pour but la réforme sociale, c’est la crainte des conséquences de leur application, et cette panique est également l’ouvrage et de la maladresse de ceux qui prêchent la doctrine et aussi souvent de l’erreur de ceux qui l’écoutent.


André écarte la référence directe aux « phalanstériens [qui] veulent conjurer l’orage au moyen de l’association appliquée à tous les habitants » pour un discours sur les errements de la science, la démission des législateurs et les dogmatismes qui font de la pauvreté une nécessité et visent à opposer riches et pauvres. Il conserve et développe son projet de création d’une commune modèle en précisant son cadre juridique et sa forme quant à elle totalement inspirée de la pensée de Fourier, qu’il ne cite néanmoins pas :

L’association communale sera tout bonnement, tout bourgeoisement, tout humainement une société en commandite par actions. Chacun pourra concourir indirectement à ses travaux par son capital, sans y intervenir directement et de sa personne ; les actions produiront intérêt, le talent recevra une provision, le travail aura droit à un salaire, et d’immenses bénéfices augmenteront proportionnellement intérêt, provision et salaire [22].


Mais sa brochure ne paraît pas trouver d’écho au sein du Nouveau Monde ou bien de La Phalange.
Cependant, une nouvelle fois, André se lance dans une nouvelle réalisation transitoire.

« L’Unité, Société générale d’encouragement, de crédit et d’assurances pour l’agriculture, l’industrie et le commerce »

François-Victor-Stanislas André est également fondateur et directeur gérant de l’Unité, Société générale d’encouragement, de crédit et d’assurances pour l’agriculture, l’industrie et le commerce, créée en commandite à Paris le 19 octobre 1841. L’Unité est une société commerciale de quatre gérants associés au directeur général André et de simples associés commanditaires. Elle a, déclare Le Nouveau Monde du 1er avril 1843, « en vue d’appliquer le principe de l’association sur des bases larges et fécondes ». Existent déjà à cette date, d’après les prospectus reçus par Le Nouveau Monde, les comptoirs de Besançon sous la direction du négociant Jamet-Amet, de Dole sous celle du propriétaire Adolphe Jocordy, de Louhans sous celle du propriétaire Guilermin et enfin de Dijon dirigée par le propriétaire René Chevrot. La société, créée pour 99 ans est établie à Paris 19 rue d’Antin [23] et essaime en province en particulier à l’initiative de l’un des administrateurs Louis Passot, - l’un des directeurs de l’Union harmonienne [24]-, à Niort en 1843 où il convainc Henry Clouzot de fonder un comptoir provincial [25]. La société s’inspire du modèle « des banques écossaises » [26] et reprend certaines idées des fondateurs de l’Omnium soutenu par Lamennais : son objet est d’« établir entre les diverses branches du travail et de la richesse une solidarité de garanties qui permettra à chacune de s’appuyer sur toutes, au moyen d’une hiérarchie de sociétés par actions dont elle formera le sommet » [27]. Elle doit couvrir chaque arrondissement de sociétés spéciales, « les Comptoirs », chargés d’ouvrir des « sociétés communales [...] dont une portion des bénéfices sera attribuée aux travailleurs » [28]. Les comptoirs sont placés sous la surveillance et l’assurance de la maison mère à hauteur de cent mille francs pour chacun d’eux. La maison mère se réserve un cinquième des bénéfices en plus d’un prélèvement annuels de 4 % à titre de charges sociales. Les comptoirs perçoivent un dixième des bénéfices. Société d’assurance mutuelle sur la vie, contre les risques de la grêle, « contre les chances du tirage au sort pour le recrutement de l’armée » [29], l’Unité développe toutes les opérations bancaires et veut offrir un « crédit de circulation » [30] grâce à un système de billets au porteur. Le capital social est constitué de vingt-sept mille actions de catégories différentes : la première de deux mille actions de cent vingt-cinq francs, la deuxième de trois mille actions de deux cent-cinquante francs, la troisième de six mille actions de cinq cents francs, la quatrième de seize mille actions de mille francs. Le capital doit atteindre le montant de vingt millions de francs. Le 30 juin 1842, Bourdon d’Escalles est nommé directeur adjoint de la société par André ; le 4 mai 1843, Vachez devient co-gérant. Le 6 juin 1843, Passot est nommé à son tour co-gérant. Enfin, le 22 avril 1845, Benard est nommé administrateur co-gérant. Cette dernière nomination doit permettre le lancement des actions de troisième et quatrième catégories. En plus des frais de déplacement, le directeur général doit percevoir un traitement annuel de six mille francs, son adjoint quatre mille francs et chaque administrateur trois mille francs. Ce traitement doit être doublé après le placement de deux millions d’actions. Le directeur général réside gracieusement au siège de la société. Quinze délégués choisis parmi et par les actionnaires assurent la surveillance des opérations. Chaque année les bénéfices doivent être répartis par soixantième entre la gérance (treize soixantièmes dont quatre au directeur, trois au directeur adjoint, le reste aux autres associés), la réserve (six soixantièmes), les actionnaires (quarante-et-un soixantièmes).

A la fin de 1845, Bourdon d’Escalles, directeur adjoint remplace André, décédé [31]. Au commencement de 1845, la société compte dix-neuf comptoirs, en 1850, trente-cinq comptoirs et vingt-six caisses cantonales ont été fondés [32]. L’assemblée générale des actionnaires du 26 février 1850 valide encore un actif de près de trois cent quatre-vingt cinq mille francs « après l’organisation dispendieuse d’un certain nombre de comptoirs, et à la suite des événements de l’année 1848 » [33].