Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Bancel (Baptiste François) Désiré
Article mis en ligne le 11 juin 2009
dernière modification le 12 juin 2017

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 12 février 1822 et mort le 23 janvier 1871 à Lamastre (Ardèche). Avocat au barreau de Valence (Drôme) puis professeur de littérature et d’éloquence à l’Université libre de Bruxelles. Député montagnard de la Drôme en 1849 et de la « gauche fermée » pour le département du Rhône en 1869. Correspondant dans la Drôme de La Démocratie Pacifique en 1847 et auteur en 1848, avec son père d’un Essai sur le crédit hypothécaire envisagé comme base fondamentale du crédit public et de l’organisation du travail diffusé par les Librairies phalanstérienne puis des Sciences sociales.

Désiré Bancel est le fils unique d’un avocat et bâtonnier du barreau de Valence, Jean-Baptiste Marie Sylvestre Bancel [1], membre du Conseil général de l’Ardèche et de Marguerite Pauline Virginie Fustier, fille d’un notaire de Lamastre. Lors de son décès en 1871, Désiré Bancel réside alors comme sa mère dans la commune d’Empurany (Ardèche). Désiré Bancel est resté célibataire.

Après une éducation initiale donnée par un abbé, l’abbé Rolland, « éducateur de mérite », Désiré Bancel a fait des études secondaires brillantes au lycée de Tournon puis des études de droit à Grenoble et Paris. Devenu avocat au barreau de Valence, il exerce néanmoins très peu, se consacrant à la politique.

Il semble fréquenter les salons légitimistes de Grenoble lors de ses études. Il donne même une poésie en l’honneur du Comte de Chambord en février 1844 [2]. Mais son séjour parisien modifie ses opinions. Selon les Trois publicistes : « Bancel, comme son père, était fort versé dans le fouriérisme. Il était conservateur avant Février, mais la République lui a fait tourner la tête comme à tant d’autres ». En 1848, Désiré Bancel est un temps pressenti selon La Démocratie pacifique pour être candidat aux élections législatives. Il s’investit dans la campagne présidentielle au profit de Cavaignac. Lors des législatives de juin 1849, Désiré Bancel est porté comme septième candidat « démocrate socialiste » à la suite des élus sortants ayant voté avec la majorité républicaine, voire avec la Montagne, par le Comité central républicain des travailleurs des villes et des campagnes constitué le 7 avril 1849 dans la Drôme. Ce comité regroupe toutes les nuances du parti républicain. Les deux journalistes corroborent les dires des trois publicistes ajoutant qu’en 1849, « il a fait un actif prosélytisme parmi les artilleurs en garnison dans sa ville natale. Il a aussi gagné au socialisme un grand nombre d’ouvriers en ouvrant des cours ». Cette propagande semble néanmoins commencer dès son inscription au barreau de Valence [3].

Son adhésion aux théories sociétaires est effectivement antérieure à la Révolution de février 1848. En juin 1847, correspondant de La Démocratie Pacifique à Valence, il adresse un article qu’il juge bienveillant d’un pasteur du Courrier de la Drôme relatant la série de quatre conférences données par Victor Hennequin à Valence. Lors du banquet donné à la suite de la dernière séance de propagation, Bancel, probablement Désiré, porte un toast à l’immortalité de la parole de Fourier propagée par l’ « apôtre » Hennequin, non pas « sur des pierres arides [... mais ] sur une terre jeune encore que [des] efforts rendront féconde ». Il rappelle que la « Doctrine [sic] est à la fois du domaine de la spéculation et du domaine de l’application [...]. Il faut agir chacun en dehors de soi, il faut y grouper autour de l’idée phalanstérienne toutes les intelligences honnêtes, toutes les âmes droites, tous les hommes de bonne volonté » déclare-t-il également. Il conclue son discours par une apologie du « pivot » qu’est le centre phalanstérien, « faisceau d’hommes généreux et avancés qui tiennent le drapeau de la réformation [sic] pacifique ». Alors que de « toutes parts l’unité politique et sociale est déchirée par la lutte des partis et la haine vivace des intérêts matériels », que « la France ne sent plus battre son cœur à cause de la corruption qui la ronge », que « le prolétariat dressé demande enfin la cause de ses souffrances », l’Ecole sociétaire et ses chefs apportent « la loi, la vérité, la vie ».

En avril précédant, un banquet pour l’anniversaire de la naissance de Fourier a d’ailleurs été tenu, pour la première fois dans la commune natale de Bancel, réunissant sept personnes, « juste le minimum, [...] trois avocats, un médecin, un commerçant et deux propriétaires ». L’auteur de la correspondance relatant ce banquet annonçait également que le cercle alors constitué jusqu’alors abonné à l’édition hebdomadaire de La Démocratie Pacifique, s’inscrivait pour un an à l’édition quotidienne, précisant : « il n’y a pas un an que les seuls mots de phalange, phalanstère suffisaient pour exciter le rire et les sarcasmes de ceux qui les entendaient, depuis les publications de l’Ecole se sont répandues dans nos montagnes, les ouvrages de Fourier et de ses disciples circulent partout, on a lu, on a étudié et l’on commence à donner à ses idées l’importance qu’elles méritent ».

En 1848, la Librairie sociétaire inscrit à son catalogue, un ouvrage écrit conjointement avec son père en mai 1848, intitulé Le Crédit hypothécaire envisagé comme base fondamentale du crédit public et de l’organisation du travail. Cette thèse tend à développer le principe de l’association comme garantie du respect de la propriété privée, source de progrès pour les auteurs. La Démocratie pacifique rend compte par deux longs extraits de ce travail : « La nécessité de l’organisation du travail par l’association est proclamée » déclarent les auteurs. Mais la Commission du Luxembourg s’enlise dans ses débats. « Oui, le progrès existe, oui elle est vraie cette loi de l’affranchissement successif et de l’amélioration constante. [... Mais], nous disons que le seul progrès véritable est le progrès convergent, c’est à dire la marche parallèle des améliorations qui, en se combinant, nous conduisent graduellement à l’approximation du plus grand bonheur de l’humanité ». Les ateliers nationaux ne « calment que pour un peu de temps ce peuple qui s’agite. [...] Loin des centres industriels, souffre et travaille une population agricole, dont la patience seule égale le labeur [...]. Avant d’organiser le travail industriel, organisez le travail agricole » réclament Bancel père et fils. « Le sol est la véritable richesse, la première force productive, la seule qui ne se lasse pas ». Afin d’attirer les capitaux vers l’agriculture, un banque nationale doit être établie, non pas « fonctionnant au profit de ses actionnaires et faisant la fortune des riches escompteurs, [...] mais fonctionnant au profit de tous [...]. Le monopole n’a plus sa raison d’être : donnons lui un coup de grâce ; organisons la solidarité ; que les intérêts s’unissent ; que le gouvernement soit fidèle à sa mission [...] » poursuivent-ils. Ils proposent de constituer un dépôt d’un milliard par emprunt, par souscriptions volontaires, par les ressources des caisses d’amortissement, par l’impôt annuel, « par les diamants [...] par les bois du domaine de la couronne [...] donnés à la Banque [qui] en fournirait la valeur en billets et se constituerait un dépôt hypothécaire ». Ce système inciterait également les placements des « capitalistes honorables » rémunérés semestriellement à 4%. « La Banque nationale formant une administration financière en dehors des ressources ordinaires du trésor, ne pourrait livrer ses billets qu’en échange d’engagements contractés à son profit », par garantie sur hypothèque. Dans ce système, un intérêt de base à 2 %, mais variable jusqu’à 3,5 %, « forme un bénéfice ordinaire, que l’Etat emploie suivant les besoins. Il y trouve des ressources au profit de la classe des travailleurs. L’intérêt excédant le 2 p. 100 sert : 1° à payer les frais de l’administration ; 2° à couvrir les pertes éventuelles ; 3° à former un fonds de réserve ou bénéfice extraordinaire [...] ».

Cependant, l’Etat ne doit pas imposer l’association mais l’encourager. Le système de crédit public doit favoriser « l’agriculteur ou [le] manufacturier s’associant avec ses ouvriers ». L’intérêt « serait réduit au 2% pour l’association combinée, embrassant tout à la fois le travail agricole et le travail manufacturier ». Car « l’association crée partout et resserre le lien de fraternité : le travail est encouragé par l’esprit de copropriété ; l’ouvrier ne recevant plus son salaire au jour le jour [...] devenu propriétaire à son tour, voit prospérer ses économies dans l’entreprise commune ». Si l’Etat doit mettre fin à la crise financière, aux monopoles et spéculations, en instaurant « le crédit public ; il appartient aux propriétaires patriotes de le rétablir. Mais il faut que tout rentre dans l’ordre normal, que la confiance renaisse, que les ouvriers reprennent leurs travaux ; de leur concours constamment armé, la République n’a plus que faire ». L’ouvrage est encore proposé au catalogue de la Librairie des Sciences sociales en 1870 [4].

Elu député à l’Assemblée nationale législative de 1849, Désiré Bancel siège dans les rangs de la Montagne. Il vote contre l’expédition romaine et est signataire de la proposition de mise en accusation du président de la République et des ministres présentée le 11 juin. Le 13 juin, il est avec Pierre Leroux à l’Assemblée pour s’opposer au projet de loi de mise en état de siège de Paris. Il prend d’ailleurs la défense de Leroux contre le général Cavaignac. Néanmoins, le lendemain, il proteste avec d’autres, contre l’apposition de son nom au « bas du manifeste et de l’affiche publiée dans la journée du 13 juin », affiche « du Conservatoire des arts et métiers » appelant aux armes pour défendre la Constitution violée : « [...] je ne suis pas de ceux qui croient que les révolutions se font avec de l’audace, et toujours de l’audace ; elles se font avec modération et beaucoup d’amour, et je vous y conduis » déclare-t-il à l’Assemblée. Durant la législature, il vote par ailleurs pour l’abolition de la peine de mort, contre le cautionnement et l’impôt du timbre sur les écrits périodiques et s’investit contre la révision de la Constitution. En 1870, alors qu’il propose un « projet de loi sur la participation du fermier sortant aux améliorations permanentes, exécutées par lui sur l’immeuble », Wladimir Gagneur rappelle que les « condisciples » de l’Ecole sociétaire, Morellet, Duché, d’Etchegoyen et Bancel, ont été à l’initiative d’une loi sur les baux à ferme en 1850.

Désiré Bancel est également parmi les avocats qui plaident en faveur des prévenus du complot de Lyon, jugés en août 1851. A l’issu de ce procès alors que le gouvernement aggrave la peine de trois d’entre eux, par la déportation aux îles Marquises, Bancel prononce un discours « pathétique et courageux » à la tribune de l’Assemblée, en faveur des déportés : « Je déclare ici que si les conspirations sont évidentes, elles ne sont pas dans les départements soumis à l’état de siège ; les conspirations flagrantes et qui sautent aux yeux du pays, savez-vous où je les trouve ? Je les trouve dans le mépris des lois à chaque instant pratiqué par les agents du gouvernement [...]. Je les ai rencontrées hier encore dans un discours factieux de M. le Président de la République ».

Ayant participé à la réaction au Coup d’état du 2 décembre, se retrouvant même le 4 sur les barricades, échappant à une arrestation rocambolesque, la police ayant commis une erreur de numéro, il s’exile d’abord volontairement en Belgique - il est signalé le 14 décembre comme étant arrivé à Bruxelles -, puis est frappé d’interdiction de territoire par simple décret du 9 janvier 1852. Il s’installe à Bruxelles avec sa maîtresse, une femme mariée [5]. En février 1850, il avait été également l’un des amants de Louise Colet qui avait vécu cette relation avec « une passion brûlante » [6]. Il enseigne dans des pensionnats de jeunes filles, puis donne des cours de littérature française à l’Université libre de Bruxelles, cours qui deviennent de véritables harangues démocratiques. Il fait preuve d’une extraordinaire éloquence. Il entreprend une série de tournée dans le pays pour y propager également l’idée de libre-pensée. Bancel a été initié aux Zélés Philanthropes à l’Orient de Bruxelles. Il collabore également à la Libre recherche.

Son introduction au Rationalisme de Franchi en 1858 résume l’évolution de sa pensée : « [...] Tout esprit est enveloppé dans l’éducation de l’enfance. [...]. Ce n’est qu’au prix d’efforts considérables que nous parvenons enfin à nous tenir debout après avoir été instruits et façonnés à une attitude humiliée. Aussi pouvons-nous être assurés que les préjugés, les ténèbres, les faux symboles, les dogmes surannés ne disparaîtront pas avant une réforme radicale de l’enseignement [...]. Puisque l’heure n’a pas sonné de l’émancipation définitive, puisque le catholicisme s’empare des nouveau-nés et les marque de son signe, adressons-nous à la jeunesse et à l’âge mur. [...]. Je pense que l’esclavage politique est engendré par la servitude morale. [...]. Le progrès n’est possible qu’en dehors de l’église. [...] Parce que le rationalisme brille sur quelques intelligences privilégiés, il nous semble que la foi aveugle va disparaître [...]. Cette illusion peut retarder de plus d’un siècle l’affranchissement définitif, car tandis que nous nous berçons d’un pareil rêve, nos adversaires ne négligent rien pour le faire avorter [...]. N’admirez-vous pas avec quel ensemble ils feignent de mêler leur cause à la cause sociale, et comment d’un bout à l’autre de l’Europe, ils façonnent les peuples à l’obéissance et les gouvernements à la rigueur ? ».

Sa vie amoureuse libre - il faillit néanmoins se marier, « mais qui voudrait d’un homme aussi pauvre que lui » déclare-t-il - et son rationalisme lui donnent néanmoins quelques scrupules lorsqu’il s’adresse à sa mère dont il craint de blesser la dévotion.

Bancel n’oublie cependant pas Fourier. Néanmoins, dans ses Harangues de l’exil [7], lorsqu’il traite de L’Esprit des lois de Montesquieu, il le range parmi les tenants d’une analyse « spéculative et théorique, celle de Lycurgue, de Platon, de Campanella, de Thomas Morus, de Saint-Simon, [...] ». Cette filiation est une reprise quasiment textuelle des introductions de Victor Hennequin lors de ses expositions phalanstériennes précédant la Révolution de février 1848 [8]. Mais Bancel n’ajoute pas la distinction que Hennequin pouvait apporter à la pensée de Fourier par rapport à ses prédécesseurs. « N’essayons pas de réaliser des systèmes arbitraires [...]. La loi de l’ordre universel [...] a été non pas imaginée, mais reconnue et constatée par Charles Fourier : il l’a nommée Série ou Loi sériaire » [9]. Bancel, quant à lui, ajoute : « [...], considérant l’homme en lui-même, sans tenir compte des circonstances qui l’entourent, ils construisent une cité idéale appuyée ou plutôt suspendue sur des principes abstraits ». Cette analyse comme « la manière théocratique et surnaturelle, celle de Moïse, des premiers législateurs [...], renouvelée par Bossuet [...] » s’applique « aux époques de l’enfance des peuples lorsque leur conscience sommeille avec leur intellect ». Ainsi dans les Révolutions de la parole, Fourier est placé parmi ceux qui « se passent de mains en mains le flambeau de l’espérance » [10]. Bancel retient donc surtout un principe métaphysique, une palingénésie :

« Ainsi, de nos jours, un grand esprit rêveur, Ch. Fourier disait : la nature se compose de trois principes éternels, indestructibles : 1) la matière, principe passif et mû ; 2° l’esprit, ou Dieu, principe actif et moteur ; 3° la mathématique, principe neutre et régulateur ; en sorte que Dieu, distributeur du mouvement dans l’espace infini, ne peut agiter les univers que suivant des lois éternelles comme lui-même. Depuis les étoiles jusqu’aux hommes, depuis l’énorme Saturne aux sept anneaux jusqu’au ciron dans l’herbe, le mouvement sidéral, animal, humain, se distribue conformément à la mathématique, c’est-à dire à l’ordre et à la justice. Et l’âme du globe, émanation de l’âme universelle du monde, engendre, comme autant d’étincelles, les âmes humaines ; et celles-ci, vivant de la vie générale, s’évanouiront avec elle, rentreront au sein de l’âme immense, et, comme elle emportées par la mort des choses terrestres, elles iront vivre en des astres nouveaux. L’agent, disaient les stoïciens, est l’être que les hommes adorent sous tant de dénominations diverses : Jupiter, Neptune, Apollon, Minerve. Il est tous les dieux ensemble » [11].

C’est en franc-maçon et libre penseur qu’il développe ses idées. Attaché au principe de la perfectibilité humaine, il déclare : « l’histoire, à travers ses grandeurs et ses décadences tend sans cesse vers la vérité, la justice. Elle nous montre, à chaque pas du temps, la sagesse et la lenteur de ses lois. Souvent triste, navrée, blessée, quasi mourante, elle avance au milieu d’un cortège de ruines, et chaque débris du passé qu’elle foule est une assise de l’avenir. Pour qui la considère attentivement, sa marche n’est pas interrompue. Elle ne tourne pas dans le cercle de Vico. Elle ne se déroule pas dans une spirale infinie. La liberté humaine est son artisan. Le progrès est sa loi. Même aux heures les plus lourdes et les plus sombres, vous apercevez l’immortelle étoile qui la guide » [12]. Ce n’est plus l’application des théories sociétaires qui conduira à l’harmonie, mais l’école : « Catholiques, protestants, Israélites, fils du concile de Trente, confesseurs de la diète d’Augsbourg, fils de Moïse et de David, si les dogmes ont divisé nos pères, que les idées nous rapprochent et nous réconcilient ! Oublions nos controverses et nos colères ! Au nom de vos saints et de vos héros, je vous adjure ! Si vos synagogues, vos temples et vos églises ont été des lieux de discorde et des places de guerre, si la maison de votre Dieu a été la maison de la haine, que l’école soit celle de l’amitié ! Aimons-nous sur ces bancs de bois où règne l’égalité. Nous aurons toujours assez de temps pour nous haïr. Soyons frères dans l’école, afin de l’être dans la vie et dans la mort ! » [13].

Bancel accepte l’amnistie de 1859 [14], même si sa décision le déchire. Egdar Quinet, « son maître » et ami, lui pardonne et justifie ce retour dans ses correspondances. Bancel se partage entre les siens et Bruxelles où il poursuit ses conférences. Il se présente comme candidat dans le département de la Seine, lors d’une élection législative complémentaire en 1864. Mais sa candidature est rejetée, son serment étant parvenu par télégraphe de Bruxelles. Etienne Arago le persuade de ne pas poursuivre le recours qu’il intente contre le préfet de la Seine et d’appeler ses électeurs à soutenir Tolain auquel il aurait été opposé. Il rentre peu après à Paris, donne des conférences littéraires contre le régime impérial dans le cadre de la société « Entretiens et lectures » fondée par Lissagaray et Albert Leroy, « véritable établissement d’enseignement libre ». Le 4 juillet 1868, il signe le programme de la Réforme qui réclame la mise en place du système coopératif, de la liberté de travail, du crédit, des échanges et de l’instruction primaire gratuite et obligatoire. En 1869, il est présenté comme le « candidat des loges maçonniques », - il est membre du Grand Orient de France -, dans trois départements : la première circonscription de la Drôme où il est battu ; la troisième circonscription de la Seine qu’il emporte brillamment contre Emile Olliver et grâce au soutien de Tolain ; la seconde du Rhône où il est élu grâce aux voix des ouvriers, du fait de concessions au programme socialiste et à un discours antireligieux. Il opte pour cette dernière et siège dans les rangs de l’opposition dite « irréconciliable et de l’éternelle revendication ». Il signe le manifeste des dix-sept députés et des délégués de la presse démocratique et des départements du 19 avril 1870 s’opposant au plébiscite sur la Constitution nouvelle.

Mais la maladie l’éloigne de la Chambre où ses talents d’orateurs ne font d’ailleurs plus recette et se retire en Ardèche sans jouer aucun rôle lors de l’effondrement du régime. Il meurt le 23 janvier 1871, dans la maison de son ami, Charles-André Seignobos, père de l’historien Charles Seignobos. Sur son monument funèbre, « des plus modestes », élevé par ses amis à Lamastre, on lit l’inscription suivante : « Ci-git : UN AMI DE LA BELGIQUE, UN ENFANT DE LA FRANCE, UN SOLDAT DU DROIT ! » [15]. Le 1er août 1897, un monument en son honneur est inauguré à Valence, par le président de la République, Félix Faure. C’est l’exilé et combattant de la République qui est honoré.