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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Barthe, [Jean] Marcel
Article mis en ligne le 5 décembre 2010
dernière modification le 24 novembre 2014

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Pau (Pyrénées-Atlantiques) le 15 janvier 1813. Décédé le 15 février 1900 à Jurançon (Pyrénées-Atlantiques). Avocat. Député à la constituante de 1848 puis sous la Troisième République de 1871 à 1882. Sénateur de 1882 à 1900.

Petit-fils de charpentier, fils d’un « maître-ouvrier » ou « tailleur d’habits » selon les sources, Marcel Barthe suit les cours de la faculté de droit de Paris après des études au collège de Pau. Reçu avocat, il s’inscrit au barreau de Pau en novembre 1838, mais serait resté à Paris jusqu’en 1844. Il est néanmoins membre de la Société des sciences, lettres et arts de Pau en 1841. Il en est membre résidant et membre de la commission du bulletin. Il est d’ailleurs régulièrement présent à toutes les séances de la société et donne un « Discours d’ouverture du cours d’histoire du droit » le 8 mai 1841, concluant : « en un mot, il fallait une révolution qui fit écrire en tête de notre droit public cette belle maxime : " Tous les Français sont égaux devant la loi " pour qu’un code général pût être exécuté. Une loi ne peut en effet, être générale qu’à la condition d’être égale pour tous. La liberté, comme je vous le disais en commençant, et l’égalité des citoyens, voilà, Messieurs, les bases éternelles, de tout droit rationel [sic] et équitable ». L’année suivante, il devient secrétaire de la Société et en est membre jusqu’à sa mort. C’est son fils, Eugène, avocat qui semble prendre sa succession active au sein de la société à partir de 1878, devenant « secrétaire des lettres ».

Tout d’abord intéressé par la littérature, Marcel Barthe se passionne pour la querelle des Anciens et des Romantiques, écrit pour L’Artiste en 1835 et 1836.

En 1839, il se fait l’avocat des ouvriers chapeliers parisiens réunis au sein de la Bourse, société de secours mutuel en conflit avec les employeurs qui avaient réduit le prix de la main-d’oeuvre. Fréquentant alors les réunions saint-simoniennes, il avait tenté, avec quatre autres missionnaires, de propager la doctrine à Pau en 1833, mais sans succès. Il est appelé par Suzanne Voilquin dont le frère, président de la Bourse, est incarcéré arbitrairement pour cette sédition. Forcé par la plaidoirie de Barthe, le juge libère les ouvriers chapeliers sans les avoir même entendus. Marcel Barthe est selon Suzanne Voilquin, caractérisé par « sa modestie [... son] intelligence [...] ses manières pleines de douceur et de bonté [... et son] désintéressement [...] ». En 1865, elle ajoute encore « l’amour qu’il témoigne au peuple part du coeur et n’est point une vaine réclame, car son nom a depuis cette époque acquis un éclat honorable et de notoriété publique dans le midi de la France ».

Comme nombre de saint-simoniens, Marcel Barthe se tourne vers Charles Fourier et adopte finalement les théories phalanstériennes. S’il écrit dans La Démocratie pacifique, comme l’affirme A.-V. Clerc, nous n’en avons trouvé aucune trace. En désaccord avec l’indifférence de l’Ecole sociétaire quant au régime politique nécessaire à l’application des théories phalanstériennes, il s’oppose avec virulence à la monarchie de Juillet, en la personne du préfet des Pyrénées-Atlantiques et est élu au conseil municipal de Pau en 1845 [ou 1847], avec le soutien des républicains radicaux.

Lors de la Révolution de février 1848, il adhère parmi les premiers au nouveau régime. Échouant aux élections législatives d’avril 1848, il est finalement élu aux élections complémentaires de juin suivant. Secrétaire du comité de l’instruction publique, il soutient Cavaignac et s’oppose aux socialistes après les journées de juin. Il vote, entre autres prises de position, contre les clubs le 28 juillet ; contre la proposition Proudhon relative à l’impôt sur le revenu le 31 juillet ; contre le rétablissement du cautionnement des journaux le 9 août ; pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière le 26 août ; pour l’abolition de la peine de mort le 18 septembre ; pour l’impôt proportionnel le 25 septembre ; contre l’amendement Grévy voulant supprimé alors la fonction de président de la République le 7 octobre ; contre le droit au travail le 2 novembre ; contre la réduction de l’impôt du sel le 28 décembre.

Lors de son vote contre la question du droit au travail présentée le 2 novembre 1848, il s’appuie sur François Vidal : il s’agit non pas seulement d’associer patrons et ouvriers d’une même industrie, mais « tous les citoyens d’une même société ; qui dit organisation du travail, dit réforme, réorganisation complète de la société [...], association entière entre tous les citoyens d’une même société ». En préambule à son intervention, il déclare par ailleurs : « L’honorable M. Victor Considerant, n’est pas, comme on le disait il y a un instant. le père du droit au travail : c’est son maître, c’est Charles Fourier qui la formulé de la manière la plus nette, en 1808 ; c’est Charles Fourier dans ses admirables critiques de la société [...]. Charles Fourier ne séparait jamais l’industrie manufacturière de l’industrie agricole ; il voulait, lui, que dans toutes les communes on laissât une part de terre ou de capitaux suffisante pour employer les bras inoccupés dans les moments de crises industrielles ; mais en même temps il voulait qu’on enseignât à chaque citoyen l’art de cultiver la terre, il voulait que chaque ouvrier d’industrie fût en même temps agriculteur. Oh ! à ce point de vue, il avait parfaitement raison. Si les travaux manquaient dans les manufactures, on pouvait dire aux ouvriers : Voilà une pelle, voilà une brouette ; il y a un chantier ouvert, l’immense chantier de la nature, allez ! voilà des travaux qui ne peuvent jamais faire concurrence à l’industrie privée ». Aux attaques de communisme proférées contre Charles Fourier, il précise : « Fourier ne voulait appauvrir personne, il voulait, au contraire, enrichir tout le monde. Il disait aux riches : " Vous tenez à votre fortune, eh bien, avec mon système, je veux la quintupler ". Il disait aux pauvres : Vous êtes plongés dans la misère, eh bien. je vous donnerai un bien-être tel que vous n’aurez rien à envier aux riches. Fourier est le seul socialiste qui, dans sa société idéale, ait admis et respecté le capital, la propriété ; il faut lui rendre cette justice. Il existe entre lui et les communistes cette différence, que les communistes veulent commencer la réorganisation de la société par le sommet, tandis que Fourier veut la commencer par la base ; Fourier veut commencer la réorganisation de la société par la commune, en la reconstituant sur de nouveaux principes. Voilà son système. Son système est une hypothèse, mais c’est une hypothèse honnête. Et je dois ajouter même qu’en considérant ses livres comme des romans, on ne peut pas s’empêcher de reconnaître qu’ils contiennent au fond comme morale, le principe d’association libre et volontaire, sans l’intervention de l’État, [...] et qui, peut-être, renferme dans son sein la solution pacifique et progressive de questions économiques qui nous tourmentent aujourd’hui ».

Après le 10 décembre 1848, il se rapproche peu à peu des démoc-soc et vote contre l’interdiction des clubs le 21 mars ; pour l’amnistie des transportés le 2 mai. Lors de la campagne de 1849, il suit Ledru-Rollin au cours de différents banquets. Ainsi, le 25 février 1849, il participe au banquet où intervient son ami, enseignant la philosophie au lycée de Pau, Paul-Armand Challemel-Lacour à qui il fait par la suite rencontrer l’ancien saint-simonien Jean Reynaud, comme lui, non réélu à la Législative en mai 1849.

Suite à cet échec, il publie en 1850 un ouvrage sur le Crédit foncier. Sous le Second Empire, il reste en retrait de la vie publique, jusqu’en 1865, date à laquelle il se présente, sans succès à la députation comme candidat de l’opposition. L’année suivante, il devient conseiller général de Pau-Est, mandat qu’il occupe jusqu’en 1889. Il préside le Conseil général du département de 1883 à 1889.

Réélu à l’Assemblée nationale en février 1871, il s’inscrit simultanément dans les rangs de la Gauche républicaine et ceux du Centre gauche. Il soutient Thiers. Après son départ, il s’oppose aux monarchistes, aux gouvernements de Broglie, Mac-Mahon et à d’Ordre moral. En 1875, il vote les lois constitutionnelles et dénonce l’acte du « seize mai ». Réélu en 1876, 1878, 1881, il devient finalement sénateur en 1882. Son évolution le classe parmi les républicains modérés. Il s’oppose entre autres prises de position à l’abrogation du Concordat, à la réduction du service militaire, au divorce souhaitant protéger les enfants issus du mariage, mais finit par se ranger à l’opinion majoritaire. Barthe présente en novembre 1879 un projet autorisant les congrégations religieuses mais interdisant toute association dirigée par un chef étranger ou résidant à l’étranger.

Il s’intéresse en premier lieu aux questions sociales. En 1879, il s’associe à Cantagrel pour présenter un projet défendant le droit d’association, rappelant l’idée de Bourse du Travail, réminiscence du projet d’organisation phalanstérien, que Cantagrel avait abordé dans son Fou du Palais-Royal [1]. En mars 1881, s’il s’oppose à la proposition de loi de Martin Nadaud et Villain tendant à réduire la durée de travail dans les usines et manufactures, c’est en considérant qu’« elle ne ferait que creuser davantage le fossé qui sépare le capital et le travail [...]. Pour la prospérité commune des ouvriers et des patrons, [...], il faut s’efforcer de faire naître entre eux, [...], l’harmonie ». Seules les sociétés de coopération, de crédit, de consommation ou de production seraient à même d’apporter l’amélioration attendue.

Il s’illustre avant tout, en tant que sénateur, comme rapporteur du projet de loi de 1884 sur les syndicats professionnels. En revanche, réticent vis à vis des coopératives et bien que les qualifiant « d’institution excellente, pour laquelle j’ai la plus grande sympathie », il propose en juin 1892 de les priver de l’aide de l’Etat dans le cas où leur produit est vendu au public. Il rejette a posteriori la pratique des Ateliers nationaux, « concurrence désastreuse [... pour] la société dans ce quelle a de mieux établi, de plus rassurant pour l’ordre ».

En janvier 1900, il renonce à se représenter au Sénat en raison de son âge et meurt chez sa fille, née de son mariage avec Marie Hourco, décédée en 1890.