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VAN DAVIDSON Rondel : Did We Think Victory Great ? (1988)

Lanham (Md), University Press of America, 1988, VII, 345 p.

Article mis en ligne le décembre 1991
dernière modification le 3 avril 2007

par Cordillot, Michel

Il faut saluer la parution d’une biographie, qui depuis le volume de Maurice Dommanget (paru en 1929 !), constitue le seul travail original important consacré à Victor Considerant. Ajoutons que si l’on prend en compte les ouvrages en préparation de Jonathan Beecher, James Pratt et Bruno Verlet, on peut dès lors parler d’un réel regain d’intérêt pour cet éminent disciple de Fourier, ce qui, alors même que se prépare un grand colloque international à l’occasion du centenaire de sa disparition, ne peut que nous réjouir.

Dans cet ouvrage clair et documenté, le regretté Rondel Van Davidson retrace chronologiquement la vie de Considerant, tout en proposant une analyse synthétique de l’évolution de sa pensée. De ce dernier point de vue, il ose d’une certaine manière prendre le contrepied de la recherche fouriériste moderne en justifiant « l’utile sarclage ».
La thèse centrale de son argumentation est en effet que Considerant fut bien d’avantage qu’un relais efficace dans la diffusion de la pensée (édulcorée) de Fourier. Durant la décennie 1843-1852, qui marqua son accession à la maturité intellectuelle, il se démarqua discrètement - mais radicalement - de quelques-unes des idées-force de la doctrine énoncée par Fourier ; et c’est précisément ce faisant qu’il apporta sa contributions théorique la plus importante et la plus durable (p. 3).

S’inscrivant dans le contexte plus large de la pensée Romantique, Considerant se voyait comme un réformateur social dont le but était non pas d’établir la prédominance d’un mouvement particulier ou d’une secte, mais plutôt de faire accepter par le grand public et la classe politique des idées susceptibles à terme de favoriser la transition vers une société plus juste et plus équitable. En dernière analyse, il souhaitait parvenir à une telle transformation sociale par la persuasion plutôt que par la force, idée qui transparaissait par exemple dans le concept de « démocratie pacifique ». Il fut en ce sens l’inspirateur direct du mouvement démoc-soc de la Deuxième République.

Poussant son raisonnement plus avant, l’auteur veut voir en Considerant l’un de ceux qui furent à l’origine du courant socialiste démocratique moderne et qui surent forger, en s’efforçant de concilier socialisme et démocratie, des concepts aujourd’hui validés à l’épreuve des faits. Envisagée de ce point de vue dans une perspective à long terme, Davidson accorde à la pensée et à l’action de Considerant non seulement une remarquable cohérence, mais encore une pertinence et une portée bien supérieures à celles que lui ont concédées nombre d’historiens.
Considerant premier maillon d’une lignée de penseurs socialistes menant en droite ligne à Jaurès, et de ce fait véritable père du socialisme démocratique du XXe siècle ? La thèse est cohérente ; est-elle pour autant totalement convaincante ? Gageons en tout cas qu’elle risque de susciter d’intéressantes discussions, si ce n’est quelques polémiques. Et il reste que, en dépit de quelques erreurs de détail et de dates et de regrettables coquilles dans certains noms propres, cet ouvrage constitue la seule biographie actualisée de Victor Considerant disponible à ce jour.